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Compétition technologiques et défis sécuritaires : entre pacifistes et va-t-en-guerres, qui sont les plus dangereux à l’heure où la mondialisation ?
©WANG ZHAO / AFP

Guerre commerciale

Le président américain Donald Trump a signé un décret interdisant aux entreprises américaines de commercer avec l'entreprise Huawei. Au-delà ce coup porté à la firme chinoise, on voit se dessiner un nouveau monde régi par une mondialisation à deux vitesses.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico :  Si l'on se projetait un peu, à quoi ressemblerait un monde à deux vitesses où certains auraient dit oui à Huawei et d'autres non ?

Philippe Waechter : Un tel équilibre économique parait peu probable dans la durée. Les démarcations durables observées dans le passé ont une origine politique plutôt qu'économique. Cela avait été le cas entre les Etats-Unis et l'URSS ou encore avec la Chine. L'opposition des systèmes politiques provoquaient des tensions fortes et durables. Cela se traduisait alors par des systèmes économiques dont les technologies et le fonctionnement étaient différents avec un espionnage intense. Aucun des deux belligérants ne souhaitait voir l'autre développer une technique particulière qui aurait pu lui donner un avantage.
Aujourd'hui les tensions entre la Chine et les USA ne sont plus de cet ordre. Les liens sont plus denses et les échanges technologiques bien plus importants. La question posée, dans le cas de Huawei, est celle d'une technologie qui donne un avantage comparatif important à la Chine par rapport aux USA. Cela traduit des efforts de longue date et considérables des chinois pour d'abord rattraper la technologie occidentale puis de développer une technologie propre.
Les Etats-Unis, qui ont dominé le monde des innovations technologiques depuis presqu'un siècle, sont un peu en retrait par rapport aux développements constatés dans l'Empire du Milieu. Les analystes suggèrent que les équivalents chinois d'Amazon ou de Facebook ont une avance sur leurs rivaux américains. Cette comparaison reste cependant microéconomique et cela ne concerne pas la Maison Blanche. Quand on passe à l'échelle macroéconomique, on rentre dans le domaine qui concerne Huawei puisque l'enjeu est l'internet 5G et les infrastructures qui en permettent le développement. Il crée une dépendance à une technologie étrangère alors que celle-ci conditionne le développement de nouvelles innovations. C'est cet enchainement qui est au cœur des tensions entre les deux pays.

Pensez-vous qu'à terme cette position américaine soit tenable économiquement ?

Non elle ne l'est pas. Lorsqu'il s'agit d'innovations majeures, l'aspect important est de savoir qui définira la norme pour son développement et pour les grappes d'innovations qui s'y rattacheront. C'est à ce bras de fer auquel on assiste actuellement. Les chinois ont une légère avance qui pourrait leur donner un avantage dans la durée. Mais les USA, juste derrière, ne peuvent pas accepter d'être à la remorque des chinois alors qu'ils ont été leader. Est-ce un passage de témoin ou les américains ont-ils encore la capacité d'orienter la dynamique technologique du monde ? Voilà l'enjeu et il est important compte tenu des développements à venir. On ne peut pas imaginer que ce rapport de force puisse se résoudre d'un claquement de doigt. Cela prendra du temps car aucun des deux ne veut être en retrait et prendre le risque d'être dominé. Il est probable qu'à un horizon pas trop éloigné, cette question sera résolue. Sans préjuger de l'orientation finale, on peut cependant considérer que les chefs d'entreprise aux Etats-Unis ne laisseront pas les innovations aux autres. Ils feront pression pour rester dans le jeu. 

Est-ce à dire que tous les Etats finiront par devoir accepter l'équipementier ?

Il leur faudra trouver une solution si l'avantage chinois perdure. L'avantage des chinois est qu'ils développent, depuis 2013 notamment, une stratégie de diffusion de la technologie chinoise via la Belt and Road Initiative (Nouvelles Routes de la Soie). Les contacts entre la Chine et le reste du monde sont intenses et les négociations sont souvent avancées pour l'adoption de cette technologie. Cela provoque de fortes tensions avec les Etats-Unis. Le 11 mars dernier, l'ambassadeur des Etats-Unis ont averti les allemands dans le cas d'une adoption de cette technologie. Les allemands ont passé outre et plus récemment Emmanuel Macron a indiqué qu'il ferait ce qui est dans l'intérêt de la France.

En cas d'avantage aux chinois, cela donnerait lieu à un équilibre d'un nouvel ordre économique et politique  qui n'aurait rien à voir avec ce que l'on a connu depuis le début de la révolution industrielle.

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