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La plage est l'un des espaces publics dans lequel nous contrôlons le plus notre apparence et nos interactions sociales.
La plage est l'un des espaces publics dans lequel nous contrôlons le plus notre apparence et nos interactions sociales.
©Reuters

Série : les codes sociaux de l'été

Les vacances d'été sont déjà là et peut-être lisez-vous cet article sur une plage avec votre tablette. Si c'est le cas, voici les codes sociaux à respecter à la plage, pour qu'elle reste pour vous et pour les autres un endroit de détente.

Christophe  Guibert

Christophe Guibert

Christophe Guibert est maitre de conférence en sociologie à l'Université d'Angers et travaille depuis quinze ans sur la sociologie du sport et du tourisme. Il est l'auteur de L'univers du surf et stratégies politiques en Aquitaine (L'Harmattan, 2006).

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Atlantico : Aussi bien dans l’esprit que dans les faits, la plage est le symbole absolu des grandes vacances. Pourtant, on constate bien souvent que la plage est un lieu de différents entre les gens. Comment expliquer cela et quels sont les codes que tous doivent respecter pour que la plage reste un lieu de plaisir pour tous ?

Christophe Guibert : La plage, dans les argumentaires  touristiques, constitue effectivement le lieu des destinations de congés par excellence. Ce qu’elle représente s’est construit autour de mots clefs que sont la mer, le soleil, le repos, la détente, c’est-à-dire des termes qui ramènent à une forme d’apaisement physique et mental. Mais elle est peut être le lieu d’accrochages.

La plage est un lieu public donc la moindre des choses est d’abord de respecter les valeurs habituelles de la vie en communauté que nous sommes supposés respecter dans tous les lieux publics. Ce n’est pas parce que nous sommes en vacances que nous devons faire n’importe quoi. Il n'y a pas de raison de se comporter plus mal simplement parce l'on est en vacances au bord de la mer. Cependant, chaque individu, ou chaque groupe d’individus, vient avec ses habitudes de vie qui habituellement sont limitées au cadre privé (nourriture, jeux, musique) et sa volonté de se détendre à sa manière. Cela peut donc poser problème car on retrouve donc sur un même espace physique des habitudes et des envies très différentes, la musique, les enfants, les batailles de sable ou d’eau etc. Ainsi la meilleure des manières de faire en sorte que la plage reste un lieu agréable pour tout le monde est de partir du principe que notre manière d’en profiter ne doit pas empêcher les autres d’en profiter comme ils l’entendent.

Enfin, pour éviter les problèmes, il revient aux gestionnaires des plages, les offices du tourisme ou les MNS (Maitres-nageurs sauveteurs) de communiquer sur les règles de vie en communauté et les spécificités qui concernent chaque plage. C’est déjà le cas avec certaines choses comme les animaux.

Sur un plan plus sociologique, on retrouve différentes classes sociales qui appréhendent ce loisir différemment au point que certains peuvent choisir de s’exclure de la mixité que représente la plage et des désagréments que cela peut causer. Cette auto-exclusion prend souvent la forme de destinations plus lointaines ou plus luxueuses. A l’inverse, les gens les plus modestes quant à eux vont au plus proche et n’ont de choix autre que vivre avec les habitudes des autres.

La quasi nudité de tous implique-t-elle des codes sociaux particuliers ? Qu’est-ce que cela change à notre façon de nous comporter avec les autres ?

Je m’inspirerai pour répondre des travaux du sociologue allemand Norbert Elias dont les travaux ont notamment porté sur le contrôle et le relâchement des émotions. De nombreux chercheurs se sont approprié ces mêmes travaux pour expliquer que la plage est un lieu dans lequel on se lâche et dans lequel on est totalement détendu, on ne se contrôle plus.

Selon moi c’est l’exact inverse. La plage a cela de particulier qu’elle est l’un des espaces publics dans lequel nous contrôlons le plus notre apparence et nos interactions sociales. Certains vont faire des UV en avance pour arriver déjà bronzés, des régimes, le choix du maillot de bain est très important et il est en général fait avec beaucoup d’attention. Enfin et surtout, les gens prennent souvent des postures parfois un peu surréalistes pour avoir toujours l’air beau et mince aux yeux des gens. Sur la plage, en maillots, il n’y a pas de faux semblants et il n’est plus possible de tricher là où les vêtements, le boulot, la vie quotidienne masque l’identité corporelle en temps normal.

Pour que chacun trouve son compte à la plage, faut-il la penser comme un espace divisé ? Les activités aquatiques d’un côté, les châteaux de sable de l’autre ? Les familles d’un côté et les jeunes de l’autre ?

Il existe déjà une compartimentation de la plage au niveau des activités. D’un côté, il y a la majorité de l’espace qui est réservé à la baignade et de l’autre des zones réservées au surf, au kitesurf et toutes autres activités nautiques. Ce genre de décision visant à éviter les conflits relèvent en général des municipalités et limitent certains dangers et accrochages. Bien sûr, on trouve et on trouvera toujours des gens pour dire qu’ils ont le droit d’aller partout et qu’ils peuvent se baigner librement, tout comme on trouvera des surfeurs qui iront dans les zones qui leur sont interdites mais de manière générale c’est un phénomène limité.

Ensuite, il y a la séparation économique qui elle aussi existe déjà. Les plages privées des grands hôtels, notamment sur la Côte d’Azur excluent déjà mécaniquement et géographiquement les gens  qui ne sont pas clients de l’établissement et surtout les gens les plus pauvres. Cela se passe en général par la mise en place de zonage, de serviettes ou de transats privés. Selon moi, il faut que  la plage, le plus possible, reste un lieu de mixité et ne surtout pas de tomber dans une compartimentation socio-économique.

La dernière séparation imaginable est celle entre fêtards et familles, il s’agit là d’une question de marketing territorial. En effet, il est compréhensible qu’une région ait envie de destiner une partie de ses plages à des activités festives comme le font déjà Ibiza ou autres, auquel cas on peut imaginer un cloisonnement éventuelà certains horaires et surtout une très bonne communication afin d’éviter que les familles ne soient prises aux pièges de vacances cauchemardesques.

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