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Comment le taux de pauvreté des communes de plus de 1000 ménages révèle que la misère ne se limite pas aux banlieues françaises
©JH Mora - Wikipedia

France périphérique

Même si on la retrouve dans les communes de banlieue, la pauvreté est aussi très forte dans les petites communes de la France périphérique.

Atlantico : La question de la dispersion de la pauvreté sur le territoire français a été un sujet polémique au cours de ces dernières années. En prenant en compte les communes françaises comptant plus de 1000 ménages, quelle(s) conclusion(s) peut-on tirer sur le "profil" des communes les plus touchées par le phénomène ? 

Nicolas Goetzmann : L’analyse du taux de pauvreté en 2013 pour les communes françaises comptant plus de 1000 ménages, selon les données fournies par les impôts, témoigne qu’il n’existe pas un unique « profil-type » de communes, mais bien deux types.

Le premier type correspond aux communes (ou arrondissements) abritant les quartiers populaires des grandes métropoles. Ce sont les territoires auxquels tout un chacun pense en premier, lorsque l’on évoque la pauvreté en France. Parmi les 20 communes affichant le plus fort taux de pauvreté, sans surprise, six d’entre elles, bien connues de nos concitoyens, se situent en banlieue parisienne, dont quatre en Seine-Saint-Denis (Clichy-sous-Bois, Aubervilliers, La Courneuve et Saint-Denis), une en Essonne (Grigny) et une autre dans le Val d’Oise (Garges-lès-Gonesse). Ensuite, figure dans cette liste, pas moins de cinq arrondissements de Marseille, du centre et du nord de la ville, témoignant de la très forte paupérisation locale, la métropole marseillaise étant bien moins peuplée que la métropole parisienne. Enfin, nous retrouvons la commune la plus populaire de l’agglomération lilloise, Roubaix, qui défraie régulièrement la chronique pour ses problèmes sociaux. Le principal point commun de ces communes est d’accueillir une très forte immigration internationale d’origine extra-européenne, soit les populations les plus fortement touchées par la pauvreté. 

Le second type correspond à des communes, plus faiblement peuplées, se situant en-dehors des grandes métropoles, concentrées principalement dans le nord-est du pays. La plupart d’entre elles sont inconnues du grand public, comme des universitaires spécialistes de la pauvreté, qui ont une fâcheuse tendance à associer la pauvreté uniquement aux banlieues, à l’exception notable d’un chercheur comme Michel Pinçon, originaire des Ardennes, qui sait pertinemment que la pauvreté ne se localise pas uniquement dans les banlieues des grandes métropoles. Parmi les communes les plus touchées par la pauvreté, se retrouve quatre communes de l’est du département du Nord, dont trois doivent leur malheur à Usinor, qui a fermé ses unités sidérurgiques, employant alors plusieurs milliers de personnes, à la fin des années 1970 : Denain et Lourches près de Valenciennes, ainsi que Louvroil à côté de Maubeuge. La pauvreté d’un territoire n’est donc pas due au hasard et elle a tendance à se pérenniser (nos gouvernants n’ont rien fait pour ces villes depuis près de quarante ans !). La dernière commune du Nord est Avesnes-sur-Helpe, bourg-centre d’un espace rural en déshérence. Dans les autres départements de France, la forte pauvreté touche une commune du Gard dans l’ancien bassin minier d’Alès, La Grand-Combe, recordman national du déclin démographique depuis les années 19601, ainsi qu’une commune de Gironde, Sainte-Foy-la-Grande, et une commune de l’Aisne, La Fère, ancienne ville de garnison (la caserne a fermé en 1993). Ce sont donc, soit des communes d’héritage industriel, anciennes villes minières ou métallurgiques, soit des bourg-centres d’espaces ruraux en difficulté, correspondant pleinement à la « France Périphérique », mise en avant par le géographe Christophe Guilluy.

Enfin, il y a le cas particulier de Creil dans l’Oise, que l’on peut tout aussi bien considérer comme une très lointaine banlieue parisienne que comme une ville moyenne de tradition industrielle de Province en difficulté, se rattachant à la « France Périphérique ».

A l'inverse, quels sont les profils des communes les moins touchées par la pauvreté ? 

Les communes, comptant au moins 1000 ménages, les moins touchées par la pauvreté en France (c’est-à-dire un taux de 5 %) sont quasi exclusivement des communes périurbaines des grandes métropoles, et plus particulièrement de la région Ile de France. En effet, parmi les 129 communes concernées, 38 se localisent dans la région-capitale, avec une dominante dans les Yvelines (Chevreuse ou Noisy-le-Roi par exemple) et en Essonne (Limours ou Marcoussis par exemple), qui abritent la principale zone de richesse extra-muros de la métropole, correspondant à un grand quart sud-ouest (plaine de Versailles, forêt de Rambouillet, vallée de Chevreuse). Ensuite, la pauvreté apparaît faible dans 13 communes de Loire-Atlantique, autour de Nantes, et 12 communes d’Ille-et-Vilaine, autour de Rennes, nouvel indicateur que les métropoles de l’ouest de la France sont moins inégalitaires que les autres. La deuxième métropole française, Lyon, comprend aussi un nombre important de communes affichant un faible taux de pauvreté, soit 12 communes du département du Rhône, situées principalement dans l’ouest lyonnais. Globalement, ces communes appartiennent à ce que j’ai dénommé l’ « espace périurbain choisi », c’est-à-dire des communes pavillonnaires, en règle générale, à l’environnement attractif, situées à la périphérie des grandes métropoles, plébiscitées par les cadres à la recherche d’un habitat individuel.

Les travaux du géographe Christophe Guilluy ont pu pointer une plus grande diversité des "profils" des communes touchées par un fort taux de pauvreté. Ces résultats tendent ils à démontrer la pertinence de l'hypothèse ? Dès lors, comment comprendre la polémique ? 

Effectivement, les données que nous venons d’analyser vont dans le sens des travaux du géographe Christophe Guilluy, qui, rappelons-le, en proposant le concept de « France Périphérique » a remis en cause le dogme politico-universitaire des années 1990-2000, qui réduisait le problème de la pauvreté au problème des banlieues, et donc indirectement à la question de l’immigration. Or, les travaux de Christophe Guilluy ont tenté de montrer que les choses étaient plus complexes et que la pauvreté existait aussi en-dehors des banlieues, ce qui avait échappé à la plupart des observateurs des évolutions territoriales hexagonales.

Il s’ensuit que la polémique autour des travaux de ce chercheur peut paraître surprenante, mais, elle s’explique dans les faits assez aisément. En effet, bon nombre d’universitaires « vivant » des financements publics de leurs recherches sur les « banlieues », les travaux de Christophe Guilluy, en pointant du doigt qu’il fallait aussi aider d’autres territoires, risquaient de réduire leur manne financière. Parallèlement, pour des raisons purement idéologiques, pour une partie de la « gauche », il était difficile de reconnaître que la pauvreté n’était pas réservée aux « étrangers », mais concerne aussi des « autochtones »,  et qu’une partie du territoire français se porte mal depuis plusieurs décennies car la « gauche » a été incapable de trouver un remède à ses maux (la déroute du parti socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais en constitue le symbole).

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