Comment la gauche s'intoxique au keynesianisme sans voir qu'il s'agit d'une idéologie conservatrice au service des ultra-riches et des inégalités<!-- --> | Atlantico.fr
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Keynes empoisonne la gauche.
Keynes empoisonne la gauche.
©Reuters

Pomme empoisonnée

Les travaux et théories de John Maynard Keynes continuent d'inspirer la gauche française. Or le keynésianisme avait pour but d'éviter la faillite des Etats...

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Article initialement publié sur le Blog a Lupus de Bruno Bertez

Les défenseurs du capitalisme n’aiment pas le keynésianisme. Cependant le grand capital, les ultra-riches et les kleptocrates l’adorent. Pourquoi?

D’abord, parce que Keynes n’était pas anticapitaliste, loin de là. Il pensait et proposait des idées et analyses destinées à sauver, selon lui, le capitalisme. Ainsi, il avait compris que les contradictions du système produisaient du chômage et des crises et c’est pour dépasser ces contradictions qu’il a élaboré ses propositions qui consistent à créer de la demande et de l’emploi par la répartition -la charité étatique- par le déficit et la manipulation de la monnaie et des taux. Faute de tels remèdes, le capitalisme aurait connu une ou des crises qui auraient pu le balayer, ou pire, qui auraient nécessité l’usage de la violence pour le maintien de l’ordre. Keynes permet de gérer les crises périodiques et peut-être les crises générationnelles, il permet de maintenir un certain ordre. Le keynésianisme est, par essence et construction, conservateur.

Ensuite, parce que les mesures keynésiennes augmentent le profit des capitalistes, elles ne le réduisent pas. Réfléchissez, pour faire tourner la machine, il faut de la demande. Si la demande n’était que la demande des particuliers, du privé, dans les périodes de crise, elle serait très insuffisante. Il faut du pouvoir d’achat pour faire tourner les entreprises. Créer du déficit, distribuer du crédit et enfler les dettes, équivaut à produire de la demande qui ne pèse pas sur les marges des entreprises. Si cette demande devait être produite par les revenus du travail, les salaires, les marges bénéficiaires seraient bien moindres ! Ainsi aux Etats-Unis, les travaux non orthodoxes montrent que les marges bénéficiaires des entreprises sont 70% supérieures aux normes historiques, en raison, grâce, au déficit de l’agent public, étatique. Pour parler comme les ex-nouveaux économistes, le coût de production de la demande est partiellement assumé par le gouvernement, ce qui allège les charges des firmes et donc majore leurs profits.

Ceux qui pensent qu’après la crise, les marges des firmes resteront élevées, commettent une erreur colossale, il y a un lien en miroir entre les marges extrêmes du secteur « entreprises » et le déficit du secteur public. On ne peut espérer, comme le fait la Fed, que les marges et les profits resteront records une fois la crise passée.

Par ailleurs, le keynésianisme joue l’effondrement des taux, du loyer de l’argent. Il tue les rentiers au profit des capitalistes et des banques, en même temps qu’il allège la facture des coûts financiers pour les entreprises. Donc, en ce sens, il contribue à la baisse des charges et à la hausse du prix des actifs, du prix du capital ancien coté sur les marchés. Comme les rendements nouveaux baissent, les actifs anciens qui rapportent plus sont recherchés, ils se valorisent. Vous le voyez, bien sûr, chaque jour en Bourse, avec la bulle qui monte qui monte.

- Là où le keynésianisme fait mal, c’est du côté des classes moyennes qui placent leur épargne sous forme de rente sans risque, petits placements, petits comptes d’épargne pour leur sécurité, leurs enfants et leur retraite.

- Là où le keynésianisme fait mal, c’est du côté des libertés et de la liberté en général puisqu’il augmente les ressources du gouvernement, de l’Etat et de ses fonctionnaires/ponctionnaires. Les dépenses de l’Etat lui donnent toujours plus de pouvoirs, d’influence dans l’économie, à lui et à ses sbires. Il peut embaucher, donc rendre dépendant de lui, acheter sa clientèle d’obligés, modifier les mentalités et la culture, propager la double culture de l’étatisme et de l’assistanat.

- Là où le keynésianisme fait mal, c’est du côté de l’allocation des ressources. On s’éloigne de plus en plus d’une allocation individuelle, privée, responsable, statistiquement repartie, au profit d’une allocation dirigiste, prébendière et gaspilleuse. Voir la gabegie de tous les projets et grands plans , les Plans Calcul, Plans Sidérurgie, Plans Textiles, Plans de Reconquête, Plan Energies Nouvelles, Plans Emploi , Plans Logement… Tous ont toujours failli ! Les erreurs sont légions et les sommes considérables.

- Là où le keynésianisme fait mal, c’est du côté des petites entreprises et entreprises individuelles. Elles n’ont pas accès au crédit, à l’argent facile, elles ne bénéficient pas des largesses étatico-prébendières ; en revanche, elles souffrent la prédation fiscale, du tatillonnage des ponctionnaires que l’on a embauché et qu’il faut bien occuper. Elles souffrent des avantages dont bénéficient les grandes entreprises qui ont accès au Pouvoir politique, au crédit facile et qui sont équipées pour faire face aux réglementations complexes qui prolifèrent. Le patron de PME n’a pas de lobby, pas de syndicat, puisque la CGPME est vassale du MEDEF et que les petits paient et financent les avantages fiscaux et sociaux donnés aux gros. En particulier en matière d’emploi, car ce sont les petits dans leur masse qui cotisent et les gros dans leur masse qui touchent.

- Là où le keynésianisme fait du bien, c’est du côté des banques et des financiers. Ils ont de l’argent à volonté quasi gratuit, à taux zéro. Ils baignent dans les délices du leverage. Ils sont sauvés quand ils sont en faillite. On creuse les déficits de l’Etat, ce qui leur permet de leur faire des prêts sans risque avec des marges confortables. On assure leurs risques par le « PUT » des Banques Centrales et la promesse de liquidités illimitées. Ce sont en fait les fermiers généraux de l’ancien régime en inversé, les collecteurs pour le compte des banques étant …les Etats.

Les financiers jubilent puisque l’on fait monter le prix des actifs anciens par la mécanique des taux bas, laquelle revalorise automatiquement ce qui, avant, rapportait plus. Ils font des plus-values considérables qui leur permettent de consommer et surtout de racheter toutes les petites entreprises attrayantes ou innovantes… avec le leverage gratuit en plus. Petites entreprise dont on organise la dépossession par les taxes sur les héritages.

Comme le prix du capital monte, il faut soutenir ce prix, sa valeur, son cours en bourse par des profits et des dividendes, donc il faut de la productivité, ce que Mélenchon appelle des licenciements boursiers, de la délocalisation, des salaires rabotés, des avantages sociaux comprimés, des retraites amputées. Bref, il faut des marges bénéficiaires qui ratifient les cours élevés atteints en Bourse. Cela tombe à point car cela permet d’entretenir un chômage élevé, une armée de réserve qui justifie le mouvement perpétuel du keynésianisme. C’est vrai n’est-ce pas, s’il y a du chômage, il faut continuer les déficits, les taux bas…

Le keynésianisme produit en cercle vicieux autoreproducteur le socialisme fabien, ce socialisme du grand capital qui appauvrit les classes moyennes, qui donne le pouvoir à la sociale démocratie alliée des riches et des banquiers. Il produit des fonctionnaires/ponctionnaires. Il donne justification aux pertes de libertés, aux impôts et contrôles sans cesse croissants. Il creuse les inégalités de la société à trois vitesses. La Grande Alliance d’un côté, de l’autre, les classes de moins en moins moyennes, et enfin, les ultra-pauvres dont on achète le calme avec les miettes du système.

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