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Comment dompter un harceleur narcissique malveillant ?
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Bonnes feuilles

Sommes-nous tous des narcissiques en puissance ? Il existe toutes sortes de personnalités narcissiques : le narcissisme positif est celui qui conduit à la créativité, à réaliser des œuvres littéraires, politiques, ou des découvertes scientifiques. Mais il y a aussi un narcissisme négatif, celui des personnalités narcissiques instables et dépressives, et enfin un narcissisme sombre et malveillant. Extrait de "Tous narcissiques", de Jean Cottraux, aux éditions Odile Jacob 2/2

Jean  Cottraux

Jean Cottraux

Jean Cottraux est psychiatre honoraire des hôpitaux, habilité à la direction de recherche, ancien chargé de cours à l’université Lyon-I, et membre fondateur de l’Académie de thérapie cognitive de Philadelphie. Il est l’auteur de : La Force avec soi. Pour une psychologie positive, Les Ennemis intérieurs. Obsessions et compulsions, La Répétition des scénarios de vie, publiés aux éditions Odile Jacob, qui ont été de grands succès. 
 
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La personne harcelée est souvent une personne anxieuse socialement, déprimée, perfectionniste, avec un niveau faible d’affirmation de soi, soumise et dépendante. Cependant, le harcèlement moral au travail est moins fréquent qu’on le croit. Une étude a été effectuée sur 153 dossiers de plaintes pour harcèlement moral, qui ont entraîné une consultation de psychologie du travail au CHU de Bordeaux. Cette étude a été effectuée donc en toute indépendance par rapport au milieu professionnel et à sa hiérarchie et aux syndicats.
Elle n’a retrouvé que 8,5 % de cas de harcèlement moral, contre 40 % de conflits de pouvoir banals, 30 % de personnes fragiles, 30 % d’erreurs dans la gestion des relations humaines et 4,5 % de plaintes « stratégiques » pour régler des conflits (Gréard et al., 2004). Cela ne signifie pas que les personnes n’avaient pas de bonnes raisons de se plaindre de ce qui se passait au travail mais que le harcèlement n’en était pas l’explication. Le rapport Gollac (2011) sur les risques psychosociaux suggère que le harcèlement moral n’est pas, de manière démontrée, toujours lié à l’exercice pervers de personnalité narcissique malveillante. Il peut simplement s’agir d’une stratégie parfaitement opératoire et concertée pour obtenir la démission, le départ de guerre lasse ou la maladie d’une personne qui a cessé de plaire ou qui n’est plus utile à l’entreprise. Évidemment, il faut se poser la question des personnalités narcissiques malveillantes qui auraient pour mandat d’éliminer les indésirables. Toute société a ses exécuteurs des basses oeuvres et ses monstres froids. Mais des études plus approfondies pourraient révéler qu’il s’agit simplement de personnes obéissantes et soumises à l’autorité qui exercent plus ou moins subtilement le harcèlement moral pour assurer leur propre survie dans l’entreprise. Ce sont des problèmes sociaux et politiques qui ne sont pas du ressort de la psychologie individuelle et renvoyer le harcèlement moral à un simple couple harcelé/harceleur n’aboutirait qu’à une psychologisation superficielle des conflits sociaux engendrés par la globalisation et la financiarisation de la vie économique. Ils sont à régler par des moyens politiques et par l’instauration d’une gestion plus humaniste des entreprises et la mise en place d’un leadership bienveillant. En revanche, s’il s’agit bien d’un couple harcelé/harceleur narcissique, il faut encourager la personne harcelée à sortir du placard et à révéler au grand jour les pratiques répétitives de harcèlement. Mais bien souvent le harceleur narcissique malveillant sait se protéger et se joue alors la problématique de la preuve. Un tiers doit s’interposer entre le harcelé et le harceleur : tiers institutionnel hiérarchique, ou un avocat. L’un des effets positifs du succès du terme de harcèlement moral est la création des lois sur le harcèlement sexuel et moral (2012). Dans la pratique, il sera utile au-delà des contingences légales de proposer une psychothérapie aux deux protagonistes : le harcelé comme le harceleur.

Conclusion

Quels que soient la situation ou le type de personnalité narcissique, le maître mot d’une attitude efficace est : « établir des limites ». Les méthodes de d’affirmation de soi peuvent aider à faire face aux personnes narcissiques et à préserver ses droits en tant que personne humaine.
Il est des cas favorables : le narcissique instable peut, par amour ou sous l’effet d’un groupe qui lui donne ce dont il a besoin, changer. Il deviendra une personne plus empathique et intériorisera des limites. Devenant moins conflictuel, il aura moins de conduites antagonistes, impulsives, ou antisociales et entrera dans un cercle vertueux de réciprocité. Pour d’autres, il faudra suggérer une psychothérapie. Mais devant un narcissique prédateur il n’est d’autre attitude que l’évitement, la fuite ou la confrontation à la loi.
 Extrait de "Tous narcissiques", de Jean Cottraux, aux éditions Odile Jacob, avril 2017. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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