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Comment la BCE est en train de briser les rêves de croissance du quinquennat d'Emmanuel Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Politique monétaire

L'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée a été concomitante à un changement de régime de la politique monétaire européenne à la mi 2017, un situation qui se retrouve aujourd'hui dans les révisions à la baisse des projections de croissance par la Banque de France pour les années 2018, 2019 et 2020.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Dans ses dernières projections macroéconomiques, la Banque de France a pu réviser à la baisse ses anticipations de croissance pour en arriver à un chiffre de 1.6%, aussi bien pour 2018 que pour 2019 et 2020. Concernant le ralentissement actuel, la Banque de France évoque "En outre, l’appréciation du taux de change effectif de l’euro en moyenne annuelle entre 2017 et 2018 est importante et plus marquée que dans les hypothèses de juin". Quelle est la part de responsabilité de l'évolution de l'euro dans le ralentissement de la croissance ?

Nicolas Goetzmann : La hausse de l'euro est intervenue au moment même de l'élection d'Emmanuel Macron. C'est en juin 2017 que l'euro est sorti à la hausse d'une fourchette dans laquelle il était enfermé depuis 2015, entre 1.05 et 1.13 $  (une période qui correspond d'ailleurs à la celle de la reprise d'activité au sein de la zone euro). Entre la fin 2016 et le début de l'année 2018, l'euro est passé de 1.04 à 1.24 $, soit une progression de 20% en une seule année. Ce qui est loin d'être anodin. Mais cette hausse de la monnaie doit cependant être plus vue comme la conséquence d'un changement de ton de la Banque centrale européenne que comme la cause du ralentissement que nous connaissons, mais si elle en fait partie intégrante.
En juin 2017, lors de la réunion de Sintra, Mario Draghi a pu commettre quelques impairs de communication qui ont pu aboutir à un changement de perception des marchés sur les intentions de la BCE en termes de politique monétaire, et plus particulièrement sur la fin programmée du plan de soutien à l'économie de la zone euro (assouplissement quantitatif).
Et puisque c'est cette politique de la BCE qui a permis à la zone euro de retrouver un semblant de croissance, c'est logiquement l'annonce de la fin du même programme qui a provoqué un ralentissement des anticipations de croissance de la part du marché. En effet, il faut déjà noter la corrélation entre l'annonce officielle du plan d'assouplissement quantitatif - en janvier 2015 - et la forte baisse de l'euro à la fin de l'année 2014, c’est-à-dire pendant que les membres de la BCE distillaient à l'envie leurs intention d'agir sur le plan monétaire. Pendant cette période, l'euro est passé de 1.38 à 1.10 $. A l'inverse, c'est l'annonce de la fin de ce programme qui a provoqué un ralentissement des anticipations de croissance de la part du marché. Une situation qui a elle-même provoqué la hausse de l'euro, et qui a entraîné des répercussions sur le niveau d'activité du continent, notamment en ce qui concerne les exportations.
Parce que si le ralentissement se constate dans l'ensemble de la zone euro, il faut bien constater qu'il est plus prononcé en France. Cette place peu enviable de la France dans le classement européen de la croissance au cours de ces derniers mois trouve également sa source dans la politique fiscale du pays, qui a eu un impact réel sur le niveau de consommation. La conjonction des deux événements, de la politique monétaire européenne à la politique fiscale, explique les révisions successives à la baisse de la croissance du pays.
Il est à noter que la Banque de France semble encore optimiste pour cette année 2018, en estimant que le nombre d'emplois créés au cours de l'année devrait atteindre le total de 245 000 emplois, alors que pour le moment, seuls 60 000 ont été créés au cours des deux premiers trimestres 2018. Il faudra donc compter sur une sensible accélération pour les derniers mois pour que la prévision se réalise, soit la création de 185 000 emplois sur les 6 derniers mois de l'année, mais cela paraît mal engagé.  

Faut-il en conclure que les conséquences de l'évolution de l'euro ont été sous-estimées par le gouvernement pour la mise en œuvre de son programme économique ?

Apparemment, l'évolution de l'euro et la politique monétaire n'ont pas été estimées du tout. Emmanuel Macron n'a jamais évoqué ces questions dans la construction de son programme économique pas plus qu'il ne l'a fait lors de sa mise en œuvre. Les réformes économiques ont été mises en place dès le début du quinquennat alors que le contexte macroéconomique était déjà en train de changer, et le résultat a commencé à être visible pour les deux premiers trimestres de 2018, avec une croissance trimestrielle atone de 0.2% pour chacun des exercices. Le résultat est que d'une croissance de 2.3% pour l'année 2017, le chiffre de 2018 devrait atteindre 1.6%, comme pour les années suivantes, soit 2019 et 2020. Ce sujet n'a pas été davantage pris en compte lors du projet européen du président; Emmanuel Macron ne s'est concentré que sur son ambition d'un budget commun, et dont le résultat n'est clairement pas à la hauteur de ses attentes initiales. Ce que l'on peut constater, c'est une forme de désintérêt ou d'évitement de l'outil économique le plus puissant de la zone euro. Le résultat est donc finalement assez logique.

Quelles sont les anticipations à faire pour les prochaines années sur cette question ?

Le calendrier veut que plusieurs postes de la BCE vont être remplacés au cours des prochains mois, notamment celui de Mario Draghi. Ces postes vont être âprement négociés entre les dirigeants européens, et il appartiendra à Emmanuel Macron de ne pas se tromper. Plusieurs scénarios sont envisageables pour le moment, et s'il existe quelques variantes selon les profils qui sont aujourd'hui les mieux placés, il paraît très peu probable qu'un bouleversement intervienne. Aucun des candidats en piste ne semble être en mesure de provoquer ce dont la zone euro aurait besoin, c’est-à-dire un soutien monétaire continu jusqu'à ce que le continent retrouve un plein emploi réel et une progression sensible des salaires dans l'ensemble de la zone euro. C'est ainsi que les Etats-Unis sont parvenus à se hisser à la situation proche de la surchauffe dans laquelle il sont actuellement, ce qui serait très bénéfique pour la zone euro. Mais l'application d'une telle politique en Europe semble impossible aujourd'hui, pour des raisons politiques. Mais cela n'interdit pas d'essayer, ou de mettre le débat sur la table. 

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