Climat : manque d’ambition du gouvernement ou revendications irréalistes des défenseurs de l’environnement, quel est le plus dangereux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Barbara Pompili va défendre le projet de loi Climat qui sera examiné par le Parlement en mars.
Barbara Pompili va défendre le projet de loi Climat qui sera examiné par le Parlement en mars.
©Ludovic MARIN / AFP

Projet de loi

Alors que les critiques s’accumulent sur l’insuffisance supposée de la loi préparée par Barbara Pompili, la question de la soutenabilité sociale et politique des mesures contre le dérèglement climatique devient brûlante. D’autant que le réalisme fait aussi parfois défaut sur l’impact réel pour la planète des politiques environnementales françaises, même « ambitieuses »...

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Beaucoup d’observateurs sont très critiques envers le projet de loi climat porté par Barbara Pompili, notamment le Haut Conseil pour le Climat qui dit que le texte ne va pas assez loin. Ne faut-il pas mieux avoir des mesures modérées qu’on applique vraiment que des mesures irréalisables sur le plan économique et social qu’on ne pourra pas appliquer ?

Pierre Bentata : On peut comprendre les critiques des groupes écologistes. C'est vrai que cela manque parfois d'un peu de clarté, notamment sur l'horizon temporel de la mise en œuvre de certaines applications. 

Sur la question des logements, des passoires thermiques, le Haut Conseil pour le Climat a raison de souligner que 58% des logements visés sont des logements de propriété pleine et que la question de la location et de l'incitation pour la location ne vont pas entrer en ligne de compte. De la même manière, sur le parc automobile, dire qu'on autorise uniquement les voitures critères 2 dans certaines agglomérations et qu'à l'horizon 2030 on n'aura plus de voitures qui dépassent un certain seuil d'émission pose problème. Beaucoup d'études ont montré que pour arriver à un tel objectif sans pénaliser les personnes à bas revenus et qui sont souvent celles qui possèdent les voitures les plus anciennes, l'Etat a un coût à prendre en terme de subvention, à moins qu'il accepte de repousser son objectif pour ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des plus modestes. Là-dessus, c'est vrai qu'il y a des questions en suspens.

Pour autant, le projet est assez bien balancé. On a trop souvent eu des propositions de loi qui allaient dans le sens de la taxe plutôt que dans l'incitation. On a pour une fois un projet de loi qui semble être réaliste avec des mesures faisables et qui améliorent la situation. Pour revenir sur les passoires thermiques, certes 58% des logement ne seront pas pris en considération mais c'est quand même 42% des logements qui vont être visés. Ce n'est pas rien. A coté de ça, tout ce qui a déjà été fait sur le logement neuf nous donne des critères écologiques qui sont déjà bien calibrés et qui fonctionnent.

Sur l'idée de délit écologique, c'est très bien d'avoir évité le piège du crime écologique. On a toute une littérature qui montre que le criminalisation ou la pénalisation de l'environnement est très problématique juridiquement. En effet, cela nécéssite d'avoir des critères de certitude qui sont très précis et qu'on n'arrive jamais à obtenir. C'est comme si vous offriez un blanc-seing aux entreprises pour polluer parce qu'elles ne seront jamais condamnées. L'idée d'avoir un délit à la place est plutôt bonne et la règle semble bien définie.

On peut comprendre la déception des écolos mais la loi été bien pensée. Ce n'est pas une révolution et l'erreur du gouvernement a sans doute été de l'avoir présentée comme telle, mais ça va dans le bon sens et cela montre que la France essaye de se rapprocher des pays scandinaves dans le domaine.

La question de la soutenabilité sociale et politique des mesures contre le dérèglement climatique est-elle suffisamment posée par ceux qui considèrent que la loi ne va pas assez loin ?

Là où la loi ne tombe pas dans le piège des écologistes c’est qu’elle ne dit pas qu’il suffit d’augmenter les coûts. L’idée des écologistes c’est de mettre davantage de taxes ou permettre, aux maires par exemple, de pouvoir taxer. C’est la vieille logique qui consiste à dire qu’en augmentant le prix, les gens vont être incités à arrêter de polluer. Mais s’il n’y a pas d’alternative, ça ne sera pas le cas. Cela a été le point de départ du mouvement des Gilets jaunes. Ils ne pouvaient pas acheter de voitures plus propres donc arrêter d’utiliser sa voiture, c’était un surcoût. Il ne suffit pas de punir pour avoir un changement des comportements. La loi a un côté pragmatique qui en filigrane dit : nous sommes devant une crise économique très violente, il  y a des impératifs sociaux et économiques qui sont à côté de l’écologie. Il faut arriver à combiner les trois. De ce point de vue-là, la loi fonctionne plutôt bien. Elle permet d’ailleurs une certaine décentralisation des décisions et c’est très bien. Sur le bio ou sur la publicité, par exemple, c’est une bonne chose qu’il puisse y avoir des différences selon les territoires parce qu’on a un pays avec des vraies spécificités. Il y a des endroits où c'est plus facile d'avoir du bio par exemple.

Quand on sait qu’en pratique le poids de la France dans les émissions est relativement faible, certaines mesures ne relèvent-elles pas d’une posture morale ?

Par rapport aux premières annonces de Barbara Pompili, où je la trouvais sur une posture très idéologique notamment sur le nucléaire et les énergies renouvelables, il y a maintenant quelque chose de beaucoup plus nuancé. Cela semble plus pragmatique et revenir sur des problématiques de terrain. Là où il faut dédramatiser c’est lorsqu’on regarde le poids de la France dans les émissions de CO2 et son efficacité. Le pays est toujours dans le haut du classement selon l’indice de performance environnementale. Elle était deuxième en 2018. La France arrive à opérer une transition écologique qui est assez harmonieuse et efficace. Donc il faut rester dans ce genre de pragmatisme. L’écologie punitive est contreproductive donc il faut informer plutôt que punir. Les gens ont une vraie conscience environnementale donc laissons les choisir.

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