Chroniques tadjikes : le bouzkachi, à saute-mouton<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Bouzkachi est un motif de fierté au Tadjikistan.
Le Bouzkachi est un motif de fierté au Tadjikistan.
©DR

Sport national

Différents pays revendiquent la paternité du bouzkachi, un sport national au Tadjikistan.

Antoine Cibirski

Antoine Cibirski

Antoine Cibirski est Diplomate européen, auteur de « Paradoxes des populismes européens » et du « Traité du Toasteur ».
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Le Bouzkachi, c’est un sport national au Tadjikistan, un motif de fierté, un sujet de légendes. Différents pays en revendiquent la paternité : Afghanistan, Pakistan, Ouzbékistan, Turkménistan… Le Tadjikistan pense avoir une avance, car il a eu recours à une agence de relations publiques américaine, qui, à son crédit, avait pu définitivement établir que le Père Noël ne pouvait venir que de Finlande. Il ne s’agit pas ici d’un renne, mais bien d’une chèvre, ou plutôt d’un cadavre de chèvre. Bouzkachi signifie en persan « attrape-chèvre ». Le cadavre de chèvre, d’après des zoologues confirmés, est l’ancêtre  du ballon et de la balle qui ont mené en ligne directe au polo. Les règles du jeu sont à la fois simples et incompréhensibles : au départ, deux équipes équestres  opposées sur un grand terrain plat, dans une cuvette ou une vallée. Le vainqueur doit capter le cadavre caprin, et l’amener au milieu d’une mêlée indescriptible  jusqu’aux limites du camp adverse . Il y a de nombreuses variantes et inconnues : le nombre de chevaux, de 50 à 500 ; les règles de récupération et de contestation ; le début et la fin de partie, mobile, extensible à souhait ; et surtout une mêlée, qui semble obéir avant tout à la loi du plus fort.

Le Bouzkachi n’est joué que pendant trois mois à partir du Nowruz, le 21 mars. Nous avons pu assister à une séance homérique, à une cinquantaine de kilomètres à l’Est de Douchanbé, la capitale. Il faut laisser la voiture dans le village, puis poursuivre à pieds en longeant une rivière jonchée de sacs en plastique bleus sur un kilomètre, avant d’arriver à la vallée dégagée. Là, il est préférable de s’installer sur une butte pour éviter toute rencontre inopinée avec un troupeau déchaîné. Trois caractéristiques, pour un étranger: peu de femmes, les rares femmes présentes sont des tziganes tadjikes appelées Liouli qui vendent victuailles et boissons. Les chevaux, spécialement élevés, ne sont pas protégés. Les cavaliers portent au mieux un casque en cuir de tankiste soviétique, ou une chapka de laine bouillie.

Le spectacle est grandiose, mais vite lassant. Les violences de mêlées sporadiques, parfois occultées par les nuages de poussière dégagés par les centaines de sabots qui ébranlent la vallée, laissent la place à des parades aussi statiques que pacifiques. Je suis et encourage mollement. Le Bouzkachi est aussi un lieu de rencontre sociale et d’agapes durant toute la matinée. Chachliks de mouton et kefir de chèvre sont à l’honneur, avec du none, un pain aussi rutilant ( régulièrement lustré avec la salive du vendeur) que rassis.

Les enjeux sont considérables, en l’occurrence une berline chinoise d’une puissance au moins égale à 20 chevaux,  et l’équivalent d’une année de salaire pour un Tadjik moyen. Le cheval vainqueur a, lui, droit à une alimentation spéciale à base de chachliks de mouton;  sa valeur décuple automatiquement au bénéfice de son propriétaire, doublement gagnant. 

Le Bouzkachi est à l’origine de nombreuses légendes remontant à la plus haute antiquité.

On dit qu’Alexandre Le Grand est à l’origine des premières versions militarisées du Bouzkachi, et qu’il a vaincu en -330 l’équipe des Achéménides ( la célèbre « Kiropole») dans la vallée d’Alexandrie Eschaté. Ce fut à cette occasion que Bucéphale se révéla. Le grand prix n’était autre que Roxane, épousée en première noce par Le Grand Macédonien.

Un gigantesque Bouzkachi devait se dérouler non loin de là, au mont des Mongols, 1400 ans plus, tard, en 1100 de notre ère. Il opposa les 70 000 cavaliers de Genghis Khan aux 20 000 Timourides. Timour n’eut malheureusement pas la prescience d’inscrire ce haut fait d’armes au livre Guinness des records.

Plus récemment des chevaux et cavaliers firent une telle mêlée qu’elle monta  en Tour Eiffel jusqu’aux houris graciles et ravies qui les détournèrent du jeu. Ils furent heureux et eurent beaucoup de Centaures.

Une version apocryphe des Mille et une nuits se réfère enfin à un tapis de laine de grande qualité, résultat du piétinement consciencieux d’un mouton par 1000 chevaux. Le vainqueur préféra l’emporter comme Grand prix, plutôt qu’une caravane entière de chameaux chamarrés, accompagnés d’une Range Rover SX 2023. C’était tellement nouveau riche. Il s’avéra que ce tapis de laine était en plus volant. Car les Tadjikes revendiquent aussi la paternité d’Aladin et d’Ali Baba. Mais les 40 voleurs, eux, seraient Kirghizes.

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