Christian Gollier : "Une taxe carbone socialement acceptable, c’est possible"<!-- --> | Atlantico.fr
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Les économistes français Olivier Blanchard et Jean Tirole présentent un rapport sur les principaux défis économiques au président Emmanuel Macron à l'Elysée, le 23 juin 2021.
Les économistes français Olivier Blanchard et Jean Tirole présentent un rapport sur les principaux défis économiques au président Emmanuel Macron à l'Elysée, le 23 juin 2021.
©MICHEL EULER / PISCINE / AFP

Rapport Tirole Blanchard

Le rapport commandé par Emmanuel Macron à 26 économistes dont Jean Tirole, prix Nobel d’économie, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a été rendu ce mercredi 23 juin. La commission sur « les grands défis économiques » plaide pour une taxe carbone et un régime de retraite qui incite les Français à travailler plus longtemps. L'économiste Christian Gollier a rédigé le chapitre sur la taxe carbone.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : Dans un rapport  dense remis à Emmanuel Macron, les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole recommandent de muscler la taxe carbone aux frontières afin d'éviter un dumping environnemental et de favoriser la création d'emplois. Quel problème est soulevé ?

Christian Gollier : Cela pose un problème politique et social. On est dans un monde où les coûts de la transition ont fortement baissé ces dernières années même s'ils restent importants et que beaucoup de verrous technologiques subsistent encore. Promettre du sang, des larmes et de la sueur n'est pas un message facile à porter pour un politique. Aujourd'hui soit on tergiverse et on reporte les efforts indispensables, soit on fait des politiques dans lesquelles les coûts pour la population sont cachés. Le rapport essaye de rappeler qu'il faut une tarification carbone pour faire en sorte que les gens qui ont la capacité de réduire leurs émissions à moindre coût le fassent en priorité. On a bien vu au moment des Gilets jaunes que cela reste un problème en France comme ailleurs.

Comment prendre en compte l'acceptabilité sociale d'un tel dispositif ?

L'acceptabilité sociale est prise en compte. La proposition que nous faisons dans le rapport est de supprimer la taxe carbone française parce qu'elle n'est pas à un niveau acceptable. Si la France fixe une taxe à 50 euros la tonne de CO2 alors que les Espagnols ou les Allemands font beaucoup moins, ça nous pose des problèmes de dumping environnemental au sein même de l'UE. Nous proposons un seul mécanisme européen de tarification du carbone plutôt que 27. On a la chance d'avoir en Europe un mécanisme qui fonctionne : le marché de permis d'émissions (SEQE-UE). Nous proposons de le généraliser. Aujourd'hui, il ne couvre que 45% des émissions européennes. On veut porter ce taux à 100% en intégrant le transport et le résidentiel dans le mécanisme. C'est simple à faire. Cela enverrait des bons signaux à l'ensemble des agents économiques avec un prix unique du carbone pour l'ensemble des émissions européennes. Ça incite chacun à affronter nos responsabilités individuelles vis-à-vis des générations futures.
Il ne s'agit pas de lever une taxe supplémentaire pour augmenter la pression fiscale en la peignant en vert. Il faut bien entendu redistribuer l'ensemble des revenus de ce mécanisme européen vers le consommateur selon la politique de redistribution de chaque État membre. L'UE ne doit pas utiliser cette tarification du carbone pour financer son déficit et le remboursement de la dette Covid. En France, cela devrait retourner dans la poche des plus modestes. Ça n'est pas une somme marginale. On parle quand même de 300 euros de transferts financiers par personne et par an. La neutralité fiscale du système est donc primordiale.

Est-ce que cette proposition ne risque pas d'affaiblir la France au niveau international ?

Non, au contraire, on montre la voie et on protège nos industries en proposant de mettre des taxes aux frontières (des ajustements carbone aux frontières). Il y a une vraie prise de conscience dans le monde qu'il y a des États plus courageux que d'autres. La France fait partie des pays développés qui émettent le moins de Co2 par habitant. Montrer sa crédibilité dans sa volonté est plutôt un élément de géopolitique positif pour la France.

L'échelon européen est-il indispensable ?

Absolument. Quand la France en 2015 décide de mettre une taxe carbone sur les secteurs non-couverts par le marché européen, elle est seule et le dispositif ne sert pas à grand-chose. Surtout, cela crée des distorsions de concurrence au sein même de l'UE. Un point important du rapport est que la politique climatique doit être pensée au niveau européen. De même qu'il est indispensable qu'au sein de l'UE on fasse des efforts supplémentaires pour subventionner la recherche et développement. Il faut une coopération européenne pour développer des innovations vertes qui combinent hydrogène, batterie, etc. Si chacun de son côté fait la course pour découvrir la technologie qui permettra de stocker l'électricité par exemple, ça ne sera pas efficace.

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