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Justice
Une photographie de Sihem diffusée par la gendarmerie du Gard.
Une photographie de Sihem diffusée par la gendarmerie du Gard.
©DR / Capture d'écran

Réforme de la Justice

Le corps de la jeune Sihem, disparue depuis une semaine, a été retrouvé dans une forêt du Gard. L’homme ayant avoué avoir tué Sihem a un lourd casier judiciaire. Comment cet individu pouvait-il être en liberté ?

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice. 

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Atlantico : La jeune Sihem a été retrouvée morte dans une forêt du Gard. Le suspect, un homme de 39 ans, avait été condamné le 2 avril 2015 à douze ans de réclusion criminelle, le crime aurait-il pu être évité ?

Pierre-Marie Sève : Naturellement, la réponse est oui. Lorsqu'une personne comme ce suspect, dont la dangerosité est établie par de nombreuses condamnations, mais surtout par des condamnations en cours, sont laissées en liberté, nous courons à la catastrophe. Ce crime aurait pu être évité car cet homme devait être en prison, mais d'autres crimes auraient aussi pu être évités. La Justice, par son incompétence et son idéologie, est en partie responsable de très nombreux crimes. Rappelons-nous par exemple du Père Hamel, assassiné par un homme sous bracelet électronique. Rappelons-nous de Marion, jeune fille de 14 ans, assassinée de dizaines de coups de couteau dans des toilettes publiques en Loire Atlantique, dont l'assassin s'était lui aussi débarrassé de son bracelet électronique.

Mais, de manière générale, il faut voir une relation claire entre la hausse de l'insécurité et la mansuétude de la Justice. La Justice ne protège plus la société en enfermant les criminels et elle les encourage presque à commettre des crimes ou des délits en ne dissuadant plus. La Justice n'est pas à la hauteur et cela a des conséquences tragiques tous les jours.

Le suspect avait fait l’objet « d’une détention provisoire d’une durée de trois ans simultanément à la peine purgée de douze années» pour une affaire de séquestration à domicile datant de 2011. Pourquoi est-ce que cet homme était donc en liberté ?

Cet homme était en liberté car un juge d'application des peines, bien encouragé pour cela par la loi, a décidé de libérer cet homme, probablement sous bracelet électronique, avant la fin de sa peine. La philosophie est la suivante : les magistrats veulent éviter les sorties sèches. Pourquoi pas ? Mais pour cela, les délinquants et criminels sont systématiquement libérés avant la fin de leur peine pour pouvoir passer sous contrôle judiciaire. Dans ce cas, nous ne pouvons nous satisfaire des peines actuellement prononcées par la Justice.
Tout cela a pour cause un nombre de places de prison largement insuffisant, ayant lui-même pour cause une idéologie judiciaire rampante. Selon celle-ci, la prison n'est pas une solution et la réinsertion du condamné doit être le centre du procès, parce que la Justice est affaire de lutte des classes. Cette idéologie est mortifère et a été largement désavouée par la réalité, mais une partie importante de l'élite judiciaire y souscrit encore. Il faut pourtant, d'urgence, arrêter ce massacre.
Le procès pénal doit être centré sur la dissuasion, la réparation du tort causé à la victime et la protection de la société par la mise hors d'état de nuire des criminels.

Qu’est-ce que cette affaire révèle du système judiciaire français ? Que faudrait-il réformer pour que ce genre de drame n’arrive pas ?
Cette affaire révèle l'incompétence du législateur depuis des décennies. Ce sont les politiques qui ont organisé cette faillite. Ils ont poussé les magistrats à ne pas incarcérer, ils n'ont pas construit les 40 000 places de prison nécessaires. C'est le législateur qui a supprimé les peines minimales, qui a multiplié les amnisties (heureusement supprimées sous Nicolas Sarkozy).
Pour éviter ce genre de drames, il faut une véritable révolution pénale : le code pénal doit être modifié en profondeur pour considérablement réduire, voire supprimer les aménagements de peines, réinstaurer des peines minimales et surtout, construire enfin des places de prison. Sans sursaut citoyen, cela n'arrivera pas.

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