Cette épidémie de rougeole qui fait son retour en Europe <!-- --> | Atlantico.fr
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Une membre du personnel soignant administre un vaccin contre la rougeole dans un hôpital de Podgorica, la capitale du Monténégro, le 16 février 2020.
Une membre du personnel soignant administre un vaccin contre la rougeole dans un hôpital de Podgorica, la capitale du Monténégro, le 16 février 2020.
©SAVO PRELEVIC / AFP

Prévention

Il y a eu 30 fois plus de cas de rougeole enregistrés en Europe entre janvier et octobre 2023 qu’en 2022, selon une alerte de l’OMS, qui appelle à l’intensification de la campagne d’immunisation.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : De nombreux pays européens font face à un retour de la rougeole ? Quel est le degré de danger sur notre sol ?

Antoine Flahault : Tout d’abord si la rougeole est une maladie qui peut être gravissime, il existe depuis plusieurs décennies un vaccin très efficace et très bien toléré. Avec deux injections administrées dans l’enfance entre 16 et 18 mois, on est protégé pour toute la vie. Donc il n’y a pas actuellement de « danger sur notre sol » avec la rougeole pour tous les enfants dont les parents sont seulement raisonnables. La rougeole est une maladie si contagieuse - son taux de reproduction est de l’ordre de 20 - qu’il est nécessaire de vacciner au moins 95% de la population si l’on veut la mettre à l’abri de toute flambée épidémique. Il est bien sûr difficile d’obtenir de tels taux de couverture vaccinale partout dans le monde et notamment dans les pays où certains mouvements remettent en cause le bien fondé de la vaccination. La France a cependant réalisé de très gros progrès durant ces quarante dernières années en matière de vaccination contre la rougeole et s’en tire plutôt bien aujourd’hui face à la résurgence que l’on observe un peu partout dans le monde et notamment en Europe. Maintenant, il est clair qu’il existe aussi en France quelques poches résiduelles de populations mal ou insuffisamment vaccinées, que ce soit par défiance vis-à-vis du vaccin ou par précarité sociale ou économique. Si le virus venait à être réintroduit au sein de ces segments vulnérables de la population, ils ne seraient pas à l’abri de nouvelles flambées de résurgence épidémique de rougeole.

Comment reconnaître les symptômes de la rougeole ? Quelles sont les personnes les plus à risque ?

La rougeole commence par une forte fièvre de survenue brutale, puis des signes respiratoires de l’arbre supérieur (rhinite, toux, raucité de la voix) souvent associés à une conjonctivite. En deux jours apparaît une éruption cutanée assez caractéristique, qui débute sur le front, les joues, derrière les oreilles puis gagne tout le corps en quelques jours. Certains enfants font des surinfections bactériennes, cutanées, mais aussi des otites et un peu plus rarement des pneumonies, voire des méningites avec des séquelles parfois très lourdes et une mortalité non négligeable. Le virus peut persister dans le cerveau et conduire à des encéphalites très graves des années plus tard. De la même façon qu’il existe des Covid longs, il existe aussi des formes persistantes de rougeole, qui sont parfois gravissimes et même mortelles. Chez la femme enceinte, le virus de la rougeole n’entraîne pas de malformations mais il conduit en revanche assez souvent à des fausses couches. Dans les pays pauvres, lorsque les enfants ne sont pas vaccinés, la rougeole devient alors une cause de cécité mais aussi de mortalité par pneumonie ou méningite, qui peut atteindre jusqu’à 10% des cas. Mais, fort heureusement, les programmes internationaux conduits par l’OMS, GAVI et l’UNICEF ces dernières années ont permis de réaliser des progrès spectaculaires dans le monde entier, y compris les pays les plus pauvres de la planète. Il serait vraiment catastrophique, et il n’est pas impossible, de voir réapparaître la rougeole dans le monde, seulement parce que des mouvements antisciences et antivax hostiles à la vaccination de leurs enfants le sont pour des raisons obscurantistes.

Que faire si l’on contracte la maladie ou si son enfant l’attrape ? Quels sont les premiers réflexes ?

Si son enfant a été correctement vacciné pendant l’enfance, le médecin pourra déjà écarter le diagnostic, tellement la vaccination est efficace. En France, depuis 2018, la vaccination est même devenue obligatoire chez l’enfant. Malgré cela, pour ceux n’ayant pas reçu deux doses de vaccins durant l’enfance, face à un diagnostic de rougeole, le médecin veillera à faire redescendre la fièvre car elle peut entraîner des convulsions et endommager durablement le cerveau. Il veillera aussi à prévenir les surinfections bactériennes (otites, pneumonie, méningite), en prescrivant parfois des antibiotiques.

Quelle est la bonne attitude à avoir pour ne pas tomber malade ?

La rougeole fait partie des maladies totalement évitables grâce à la vaccination. L’OMS avait même prévu son éradication de la planète, car on dispose d’un vaccin sûr et très efficace et qu’il n’y a pas de réservoir autre qu’humain à ce virus. La maladie est très contagieuse, mais en cas de contact, comme l’incubation dure entre 7 et 18 jours, on a parfois le temps d’administrer une injection vaccinale, lorsqu’on s’y prend précocement, et espérer ainsi empêcher la maladie de se développer. Car il n’y a pas encore de traitement antiviral contre la rougeole.

Il faut savoir que si la population relâche ses efforts en matière de vaccination, et que l’on tombe au-dessous d’une couverture de 95% de la population, alors on verra revenir la maladie sous forme de flambées épidémiques et d’une augmentation de la mortalité infantile, car il n’y a quasiment pas d’autres maladies aussi contagieuse que la rougeole. La France, jusque dans les années 1980 était l’un des plus mauvais élèves d’Europe, et en partageait ce triste record avec l’Allemagne, alors que des pays comme le Royaume-Uni ou les pays nordiques, mais aussi les USA et le Canada avaient réussi à quasi-éliminer la rougeole de leur territoire. Vers la fin des années 90, Andrew Wakefield, un médecin britannique, a été convaincu de fraude scientifique, en ayant falsifié une étude où il tentait de vouloir prouver - à tort - que le vaccin contre la rougeole était associé à la survenue de cas d’autisme chez l’enfant. Il a été finalement montré qu’il n’en était rien et l’article scientifique du chercheur, initialement publié dans la prestigieuse revue Lancet, a été entièrement rétracté. Le médecin a été radié de l’Ordre britannique mais le mal a été fait et la confiance a été durablement érodée tant au Royaume-Uni que dans d’autres pays anglo-saxons. La France a été heureusement épargnée par cette controverse car l’on sait désormais qu’elle fut une pure escroquerie scientifique.

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