Ces trafics de mineurs qui se développent en France sans que la police ne parvienne à les endiguer<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Justice
Ces trafics de mineurs qui se développent en France sans que la police ne parvienne à les endiguer
©Madaree TOHLALA / AFP

Polisse

La brigade de protection des mineurs de la police judiciaire parisienne a arrêté mardi une dizaine d'adultes en Seine-Saint-Denis, soupçonnés d'avoir obligé des jeunes filles, dont certaines mineures, à voler et d'avoir organisé leur mariage forcé.

Stéphane Quéré

Stéphane Quéré

Diplômé de l'Institut de Criminologie et d'Analyse en Menaces Criminelles Contemporaines à Paris II, Master II "Sécurité Intérieure" - Université de Nice. Animateur du site spécialisé crimorg.com. Derniers livres parus : "La 'Ndrangheta" et "Planète mafia" à La Manufacture de Livre / "La Peau de l'Ours" (avec Sylvain Auffret, sur le trafic d'animaux, aux Editions du Nouveau Monde)

Voir la bio »

Atlantico: Ces arrestations résultent-elles de cas isolés ou ce genre de délits est-il courant en France ? Dans quelles proportions ? Peut-on parler d'une augmentation ?

Stéphane Quéré: Ce genre d'opération n'est pas courant en France mais elles sont menées de plus en plus régulièrement, comme dans le reste de l'Europe, notamment en Espagne où ces réseaux sont également installés. Ces cas (mendicité forcée, ou incitation à des vols) sont donc en augmentation pour deux raisons. D'abord les groupes qui organisent ces faits (souvent des groupes familiaux et/ou claniques) originaires d'Europe de l'Est (Roumanie, Bulgarie, ex-Yougoslavie) sont de plus en plus présents en France (parfois depuis des années, ce qui expliquent que certains, notamment serbo-croates, ont acquis la nationalité française ou sont bi-nationaux, voire apatrides). Ensuite parce que les autorités (police et gendarmerie) ont pendant longtemps délaissé ce genre de délits, des "petits" délits mais répétés très souvent : vols à la tire, vols aux distributeurs de billets, pillage de monnayeurs,... Mais la répétition de ces délits "low profile" a commencé à attirer l'attention et une véritable stratégie judiciaire a été mise en place pour lutter contre ces auteurs/victimes. L'âge des auteurs compliquant l'action policière (faut il encore parvenir à donner un âge...), il a fallu cibler les commanditaires (parents ou autres) et désormais, la justice est également sensibilisée au problème et les condamnations sont désormais plus régulières.

Comment fonctionne ce genre de traite en France ? Est-ce inhérent à une mafia spécifique ?

On ne peut pas qualifier ces groupes de "mafias" mais il s'agit bien de groupes délictuels organisés sans organisation autre que le patriarcat le plus souvent. Ces groupes sont formés sur la base de la famille parfois très élargie ou d'un clanique, souvent issu de minorités stigmatisés dans leurs pays d'origine en Europe de l'Est. Déjà marginalisés dans ces pays, ils le sont d'autant plus, en tant qu'immigrés, en France. Ils peuvent avoir utiliser les plus faibles : mineurs d'âge, filles/femmes, handicapés physiques ou mentaux,... pour des activités illégales, par obligation, par choix ou par habitude. Les hommes peuvent, eux, se livrer à d'autres activités, le plus souvent de prédation (cambriolage, vol de métaux,...). Parfois, ces groupes "mettent en esclavage" des français (handicapés, SDF, alcooliques,...) pour de la mendicité et/ou pour récupérer les aides sociales.

Ces actes, et notamment les mariages forcés, nous ramènent de nombreuses années en arrière, en tout cas pour ce qui est de la France. Comment expliquer une telle régression sur notre territoire ?

Il s'agit d'une pratique liée aux origines de ces clans. Cela permet de renforcer l'ensemble de la famille en créant des liens avec d'autres familles de même origine. On renforce la famille élargie et on limite les risques de conflits avec le clan voisin, devenu allié.  En plus d'être vendues comme épouses, les jeunes femmes sont vendues comme un "travailleuse", une "ouvrière" (du vol, de la mendicité,...) : la dot est donc calculée selon les capacités de travail et son rendement. Gare si leurs capacités ont été sur-évaluées et s'il y a eu "tromperie sur la marchandise"... Ce système a pu être observé en France (le côté délictuel en moins...) mais le temps et le développement du droit des femmes à fait disparaître ce côté là. L'isolement et la stigmatisation de ces groupes dans leur pays d'origine, le poids du communisme pendant une cinquantaine d'année n' ont pas permis de modifier en profondeur cet état de fait.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !