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Ces signes avant-coureurs qui montrent que l’économie chinoise tangue dangereusement
©MIKE HUTCHINGS / POOL / AFP

Constat accablant

La Chine est accusée par ses voisins d'être à l'origine des baisses du cours du cuivre, du zinc, de l'or ou du pétrole. Le pays montre des signes inquiétants annonciateurs d'un possible ralentissement économique.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Alors que le cours du cuivre vient de descendre sous les 6000$ la tonne, que le pétrole subit également une baisse au cours des dernières séances ou que d'autres métaux comme le Zinc ou même l'OR suivent la même tendance, les yeux se tournent vers la Chine qui pourrait être à l'origine de cette situation. Avec une croissance de l'investissement public de 1.33% pour ce mois de juin, un plus bas depuis 2005, peut-on considérer que la Chine est confrontée à un ralentissement économique ? Comment s'inscrit cette situation dans le contexte de la guerre commerciale entre Pékin et Washington ? 

Jean-Paul Betbeze : Oui, c’est grave. Montée assurée des taux d’intérêt américains (discours de Jerome Powell à Jackson Hole vendredi dernier), donc pénurie de dollars d’entreprises surendettées en dollars dans les pays émergents, plus quasi rupture des négociations commerciales avec la Chine : les marchés des matières premières voient la séquence. Ils craignent donc le pire. Ils voient ainsi venir un fort ralentissement chinois, donc moins d’importations chinoises de matières premières, et ainsi de suite chez les pays émergents de la région, puis ailleurs.  
Les marchés, de matières premières et financiers (ils vivent ensemble !), savent bien que Président Trump veut rééquilibrer les échanges entre États-Unis et Chine, déficitaires de 380 milliards de dollars. C’est le déficit commercial maximum par rapport aux États-Unis, derrière le Mexique (71 milliards en 2017), le Japon (69 milliards) et l’Allemagne (64 milliards). Donald Trump veut une forte réduction du déficit commercial chinois, de l’ordre de 100 milliards en deux ans, ce qui n’est pas facile (!), plus la possibilité que les entreprises américaines puissent acheter des unités chinoises, plus l’assurance que le Yuan ne serait pas « manipulé », plus la protection des droits de propriété intellectuelle des innovations américaines (contre les « vols » chinois). Les marchés ont vu les propositions chinoises, pour l’amadouer : il sera désormais possible de détenir 100% d’une banque et un mécanisme vient juste d’être mis en place pour éviter une baisse du Yuan (à voir comment). Restent les droits de propriété et l’ampleur du déficit : l’essentiel ! Les marchés ont aussi vu que les États-Unis n’allaient pas mollir car un rapprochement se noue actuellement avec le Mexique, notamment pour l’automobile. C’est bien la preuve qu’il faut « tenir bon », du côté de Donald Trump, pour faire céder « le partenaire commercial ».
Donc la pression va monter côté américain, avec plus de produits taxés à 25%. La Chine entend répondre, mais elle ne le peut pas, puisqu’elle importe moins, par construction, et aussi puisqu’elle pourrait alimenter un ralentissement et une inflation interne. En fait, Donald Trump ne peut pas perdre dans la guerre tarifaire actuelle : il ne joue pas seulement un ralentissement chinois, il veut surtout protéger l’avancée technologique américaine. La Chine le sait, la vraie guerre se situe à la frontière technologique, pour en tenir les entreprises chinoises éloignées.

Quelles peuvent en être les conséquences pour l'économie mondiale, et notamment pour l'Europe ? 

Au moins un ralentissement, avec la baisse des exportations, baisse qui peut déboucher sur une crise des pays émergents, subissant plus d’inflation interne et une baisse de leur change, avec alors des difficultés croissantes à rembourser leur dette en dollar. Plus profondément, la dynamique de l’endettement d’un côté et de chaînes de production de plus en plus complexes de l’autre, qui est derrière la remontée récente des émergents est en jeu : les entreprises ont profité des taux américains très bas du quantitative easing. C’est fini.
Mais cela fait des années que des coups de canif sont partout faits aux échanges mondiaux. Les droits de douane ne sont pas le principal problème : ils sont de moins de 4% dans les économies avancées et de 6% environ dans les économies émergentes, en baisse régulière. En revanche, le nombre de mesures de protection non tarifaires est passé de 300 à 1200 au sein du G20 depuis 2011. Le risque structurel est donc un ralentissement des échanges à partir du démontage des chaînes de valeur ajoutée mondiale.
Est-ce que l’Europe peut en profiter ? Oui, si elle renforce son marché unique en le simplifiant, de façon à rendre plus sûrs et plus faibles les coûts de production. La politique américaine est inflationniste aux États-Unis, par la hausse des droits de douane, et plus encore dans les pays émergents, qui subissent des droits de douane plus élevés et un coût de financement en dollar plus élevé aussi. Tel n’est évidemment pas le cas en zone euro où l’euro est unique et ne monte pas par rapport au dollar, où les droits de douane ne sont pas affectés par la politique américaine (pour l’heure) et où les barrières non tarifaires sont suivies de près. En même temps, les entreprises de la zone sont endettées en euros, et souvent aussi celles de la périphérie : elles n’ont donc pas de risque de change (ceci n’est évidemment pas le cas de la Turquie avec une monnaie en baisse, des droits de douane américain en hausse constante et des entreprises endettées en dollars).
Au fond, il y a un risque sérieux pour l’économie mondiale à partir des émergents et de la Chine, mais l’Europe pourrait (devrait) prendre des mesures pour s’en protéger… si elle a une démarche stratégique d’adaptation à ce changement du monde. Ce qui est à souhaiter : il faut profiter de l’euro et de la zone euro !

La baisse des investissements en Chine peut-elle être compensée par les investissements qui auront lieu pour la construction du projet de la route de la soie, dont il a pu être dit qu'il pourrait constituer une alternative pour la surproduction chinoise ? 

Les « routes de la soie » (Broad Road Initiative) sont surtout une projection à terme de l’univers chinois, de la Chine à l’Europe, en passant par l’Afrique. C’est en fait une alternative à la dynamique capitaliste occidentale. Les surinvestissements actuels chinois sont un autre phénomène. Ils expliquent le forçage permanent de la croissance chinoise par l’exportation et vont devenir plus nettement apparents, avec le ralentissement en cours. La banque centrale (et les banques qu’elle contrôle : toutes) vont alors faire des crédits pour continuer. Mais si le ralentissement persiste, les crédits deviendront très évidemment non performants. Ceci devrait conduire à des fermetures : acier, sidérurgie, entreprises de montage et d’assemblage… 
De leur côté, les routes de la soie se développent grâce aux capacités chinoises de crédit à très long terme et à taux très faible (Afrique notamment, Russie), il semble qu’elles ralentissent. On comprend que si le ralentissement économique chinois s’accentue, avec ses effets économiques, sociaux et financiers, ces routes ne pourraient être menées à la même vitesse. Et si c’était ce qu’au fond Donald Trump cherchait ?

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