Ces raisons qui condamnent la nouvelle prime d’activité à la même inefficacité relative que ces prédécesseurs RSA et prime pour l’emploi<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le gouvernement envisage de mettre en place une "prime d'activité", un dispositif fusionnant le RSA et la prime pour l'emploi.
Le gouvernement envisage de mettre en place une "prime d'activité", un dispositif fusionnant le RSA et la prime pour l'emploi.
©Reuters

A peine sorti de l'œuf

Alors que le gouvernement dévoile le contenu de sa "prime d'activité" - une fusion entre le RSA et la prime pour l'emploi - ce nouveau dispositif risque de se rajouter à la masse de tous les programmes prévus pour ramener les personnes vers l'emploi et qui à force de se cumuler rendent le tout incompréhensible... et surtout inefficace.

Yannick L’Horty

Yannick L’Horty

Yannick L’Horty est Professeur à l’Université Paris-Est, directeur de la fédération de recherche « Travail, Emploi et Politiques Publiques » du CNRS.

Il est spécialiste du marché du travail et de l’évaluation des politiques publiques dans le domaine de l’insertion et de l’emploi.

Dernier ouvrage paru : Les nouvelles politiques de l’emploi, Collection Repères, la découverte.

Voir la bio »

Atlantico : Le gouvernement envisage de mettre en place une "prime d'activité", un dispositif fusionnant le RSA et la prime pour l'emploi. Le projet s'annonce complexe, et viendra s'ajouter à de nombreux dispositifs qui ont rarement eu les effets escomptés. Le bloc de dispositifs français est-il aujourd'hui trop complexe pour être efficace ?

Yannick L'Horty : Clairement nous sommes dans une logique d'empilement des dispositifs, mélangeant des aides monétaires et non monétaires, soit pour compléter les revenus des personnes, soit les accompagner tout au long de leur parcours de retour à l'emploi. Historiquement on a rajouté des dispoitifs pour des publics jugés différents (assurance chômage, assistance, ex-RMI, RSA) avec des traitements donc différenciés. On a en plus de tout cela une autre différenciation territoriale au niveau des départements car ces derniers peuvent accompagner selon leur propre manière les allocataires du RSA. A cela s'ajoute enfin d'autres acteurs, comme Pôle Emploi, les associations d'aide au retour à l'emploi, les missions locales, les autres collectivités... Tout cela produit une immense complexité. 
Cette pluralité d'offreurs d'aide sociale est en plus instable. Tous les dispositifs sont affectés par des réformes multiples. On a eu la création du RSA en 2009, la création de Pôle Emploi, la fusion du RSA et la prime pour l'emploi que vous évoquez... Tout cela génère de l'illisibilité. Les personnes qui en sont les bénéficiaires – quand elles arrivent déjà à accéder aux dispositifs auxquels elles ont droit – ne comprennent pas les raisons de telle ou telle allocation, et les démarches à effectuer pour satisfaire aux obligations qui y sont rattachées.

Il existe également de multiples dispositifs fiscaux pour inciter les entreprises à embaucher des personnes en difficulté sur le marché de l'emploi. Là aussi, les résultats apparaissent mitigés, et les dispositifs peu lisibles. Est-ce le même problème ?

On peut dire que du côté des entreprises il y a encore plus de complexité que du côté des ménages. Il y a un empilement, avec des amsses budgétaires beaucoup plus importante. On est dans un rapport de 1 à 10 dans les politique de l'emploi entre entreprises et ménages. Là-aussi en plus des dispositifs généraux viennent se greffer des aides sectorielles, des dispositifs locaux, ou des mesures ponctuelles, en plus des contrats aidés. L'instabilité y est donc sans doute renforcée. On se retrouve donc dans une situation où l'Etat subventionne la création d'emplois, et subventionne aussi des aides pour que d'autres personnes les occuppent.

Serait-il possible aujourd'hui de remettre intégralement le système à plat et de repartir sur de nouvelles bases, ou est-ce que la chaîne de dépendance aux dispositifs déjà existants est-il déjà trop important ?

Ce serait très compliqué... Il s'agit de dispositifs massifs. Le RSA c'est 2,3 millions de ménages bénéficiaires ce qui concerne 4,6 millions de personnes. Et quand on parle de mesures avec guichet, comme le RSA qui implique une démarche auprès de la CAF, vous devez rajouter une complexité déclarative sous-entendant des dizaines de milliers d'agents d'organismes divers (CAF, Pôle Emploi). Et il y a de plus beaucoup d'interactions entre les dispositifs, comme des aides sous conditions de ressources (comme les allocations logement) ce qui affecte la situation bien au-delà de la seule question de l'aide à l'emploi.

Quels peuvent être les autres moyens annihilant les effets de seuil qui rendent souvent les dispositifs inefficaces ?

La réforme du RSA activité avait pour effet d'annuler des effets de seuil de dispositifs locaux qui pénalisaient le retour à l'emploi. Ils étaient même plutôt bien compensés, chaque heure travaillée rapportait vraiment au travailleur. La fusion des dispositifs RSA et prime pour l'emploi semble même pertinent. Réunir les dispositifs est donc plutôt une bonne chose ammenant plus de visibilité, sans doute plus de stabilité et donc, espérons-le, plus de résultats.

Quels sont les quelques dispositifs qui ont pu montrer une vraie efficacité malgré tout ? Et que leur manque-t-il aujourd'hui aujourd'hui pour avoir un vrai potentiel d'incitation à l'activité ?  

Si l'objectif c'est le retour à l'activité, les meilleurs dispositifs sont, selon moi, ceux qui sont massifs et ponctuels pour aider au retour à l'emploi quand ce dernier entraîne dans l'immédiat des coûts (comme le transport par exemple). Cela a déjà existé en France avec la "prime pour le retour à l'emploi" (qui s'ajoutait aux aides permanentes) mais elle a malheureusement quasiment disparu. Et les dispositifs souffrent également d'un manque d'évaluation par les autorités. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !