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L'Ever Given, surchargé de container, a bloqué le canal de Suez pendant plusieurs jours.
L'Ever Given, surchargé de container, a bloqué le canal de Suez pendant plusieurs jours.
©AFP

Surchauffe

Trop de containers sur l’Ever Given dans le canal de Suez, trop de crédits à Greensill et à Archegos...

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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24 mars : l’Ever Given, surchargé de containers, s’échoue sur une berge du canal de Suez, bloquant plus de 400 bateaux et 10% du commerce maritime mondial. Peut-être victime de son poids de 220 000 tonnes, d’une erreur de pilotage, d’une rafale de vent, de sa taille (400 mètres), de l’inertie, il s’immobilise. Aussitôt les marchés s’affolent, le prix du pétrole monte, puisqu’il en faudra plus aux bateaux s’ils ne peuvent pas emprunter le canal, voie la plus courte, d’autres prix peuvent augmenter, avec des inquiétudes, des pénuries naître, des composants électroniques être bloqués…

  • La suite catastrophique continue : est-ce que la société propriétaire taïwanaise du bateau, Evergreen Marine, va résister à ce choc, les assureurs pouvoir payer les 6 à 10 milliards de dollars de dommages dont on parle ? Faut-il produire plus simple, plus près des marchés et oublier les économies de frais de transport, après celles sur la production grâce à une main-d’œuvre moins chère en Chine ? Une autre fragilité des chaînes de production apparaît, après celles que le COVID-19 a montrées : voilà une thrombose maritime.

25 mars : Greensill défaille. C’est une société financière qui paye les fournisseurs X,Y et Z de l’entreprise A qui les payera plus tard, moyennant commissions, ces reconnaissances de dette de A étant placées par le… Crédit Suisse à ses clients L,M,N contre une rémunération plus attractive que le marché ! Un jeu de crédits croisés qui suppose que A paye et qu’un assureur garantisse les accidents éventuels. Sauf si l’assureur se retire, ce qui force la banque à payer les détenteurs de papier, puis à se retourner vers A et les autres entreprises de la noria.

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  • La suite catastrophique continue : les entreprises disent alors avoir quelques difficultés à régler ! Et ce ne sont pas des PME : GFG Alliance, de Sanjeev Gupta pour 1,3 milliard de dollars (le groupe sidérurgique qui emploie 2 000 salariés en France), le groupe minier Bluestone Resources pour 850 millions ou la start-up Katerra pour 400. A voir et à vérifier bien sûr, mais on parle de plus de 3 milliards de pertes, sur un encours de 10. Le client d’une banque fait crédit à une société financière pour qu’elle fasse crédit à une société, sachant que cette dernière en a bien besoin : thrombose de crédits privés, croissants et enchevêtrés.

26 mars : Archegos fait faillite, une société qui gère (dit-on) les 10 milliards de dollars de la famille Bill Hwang, financier américain au passé trouble. Pour gagner plus, elle spécule en s’endettant pas cher, à la recherche de l’« effet levier », sauf s’il devient « effet massue ». Alors, victime du poids de sa dette, on parle de 20 à 30 milliards, et d’une erreur d’achat d’actions, ViadcomCBS dit-on, qui se mettent à baisser alors qu’elles auraient dû monter, Archegos doit vendre ses autres actions à toute allure, les jeter par-dessus-bord.

Rien de nouveau ? Non. L’histoire bancaire et financière est emplie de ces complications, irriguées par le crédit. Autrement rien ne pousse ! Sauf qu’il faut trouver un payeur final quand les choses tournent mal et se demander aussi pourquoi le bateau était si chargé, les clients si confiants pour financer si cher une entreprise, sans se demander si ceci ne cachait pas quelques faiblesses de sa part, ou encore les banquiers si compréhensifs pour prêter, à une société de portefeuille, plusieurs fois la valeur de ses actifs.

Mais attention quand même aux thromboses… de thromboses ! Quand on peut emprunter autant qu’on veut et que les placements sans risque ne rapportent plus, alors on emprunte plus pour jouer plus gros, en bourse ou sur des bateaux. Ce n’est pas parce que le prix du risque a disparu qu’il a disparu : c’est même le contraire.

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