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Ces idées qui pourraient venir à François Bayrou en se trouvant à nouveau dans la position de faiseur de roi
©ERIC FEFERBERG / AFP

Opportunité

Avec la création d'un nouveau groupe parlementaire au sein de LREM à l'Assemblée Nationale, la majorité présidentielle n'est plus absolue au sein de l'hémicycle. Avec pour conséquence de replacer François Bayrou et le Modem en position de faiseur de roi.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Avec la création d'un nouveau groupe parlementaire au sein de LREM à l'Assemblée Nationale, la majorité présidentielle n'est plus absolue au sein de l'hémicycle. Cela aura-t-il pour conséquence de rendre à M Bayrou et au Modem leur position de faiseur de roi ?


Edouard Husson : L’une des conséquences de la chute du groupe LREM à 288 députés est en effet de renforcer le poids du MoDEM et de François Bayrou. Son entourage le voit même à l’Hôtel Matignon pour succéder à Edouard Philippe. Le problème est, pour Emmanuel Macron, bien évidemment plus général que le renforcement de la position du maire de Pau. Nous voyons clairement les effets délétères de l’autoritarisme du Président. A force de vouloir tout contrôler, tout décider par soi-même, il a vu son autorité s’effriter. C’est assez étonnant de constater qu’un homme qui voulait faire de la France la « start up nation » est aussi ignorant des modalités du management à l’ère numérique. Macron préside de manière infiniment plus centralisée que ses prédécesseurs; et ceci à l’âge des réseaux sociaux. La manière dont il n’a pas pris au sérieux le pouvoir de nuisance de Cédric Villani est très représentative. Vous m’objecterez que François Bayrou est aussi un homme de la France d’avant. C’est même un survivant du radical-socialisme. Cependant cela va lui être très utile dans le jeu des combinaisons permanentes qui vont désormais caractériser l’hémicycle.

Bruno Cautrès : 
Le mot « faiseur de roi » est sans doute exagéré.  Il faut dire que l’on avait déjà employé cet expression pendant la campagne électorale de 2017, lorsque François Bayrou avait renoncé à se présenter et apporté son soutien à Emmanuel Macron. Ici, l’expression me semble surdimensionnée car le gouvernement ne risque pas, en fait, de perdre la majorité. C’est simplement que LaREM, à elle toute seule, n’a plus la majorité absolue des sièges de députés. Par ailleurs, rien de dit que les députés qui ont constitué le nouveau groupe « Ecologie, démocratie, solidarité ne vont pas voter les textes les plus importants du gouvernement et en premier lieu la future nouvelle loi de finances.  Ils voudront peser sur les débats et les arbitrages, exister dans l’espace public, mais leur situation n’est pas (pour le moment) comparable aux « frondeurs » sous François Hollande et qui étaient allés jusqu’à deux tentatives de dépôt d’une motion de censure sur les lois Travail.

Ceci dit, il est certain que la nouvelle donne au sein de la majorité met, mécaniquement, le Modem et François Bayrou en position plus forte vis-à-vis du gouvernement. Le parti centriste s’était d’ailleurs plaint que le groupe parlementaire de LaREM ne prenne pas suffisamment en compte son avis.  C’est davantage au plan du symbole politique que le Modem et François Bayrou vont en tirer un certain bénéfice : on a peu vu le maire de Pau ces derniers temps, sans doute très occupé par la crise sanitaire et la gestion de cette crise dans sa commune ; la situation va lui redonner de la visibilité cet automne, lorsque s’engagera la discussion budgétaire.


Tout au long de sa carrière politique, M Bayrou a dû faire face à de nombreuses portes closes. L'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron a semblé marquer une nouvelle désillusion pour le Modem. Est-ce aujourd'hui l'heure de la revanche?

Bruno Cautrès : François Bayrou est dans le dernier tiers de sa vie politique déjà. Il a dû quitter le gouvernement alors qu’il était Garde des Sceaux mais sa carrière est déjà bien remplie et étoffée, il a occupé de très nombreux postes. Par ailleurs, les difficultés du macronisme à l’épreuve du feu (crise des Gilets jaunes, de la réforme des retraites, crise sanitaire) soulignent en creux la difficulté du projet centriste et du « et de gauche, et de droite ».  Une fois cela dit, il est certain que François Bayrou ne doit pas, en son for intérieur, être mécontent que les évènements redonnent du poids à son parti. C’est un cas de figure d’ailleurs bien connu dans les coalitions gouvernementales : un allié « petit » (par le nombre de députés comparé à celui du groupe majoritaire) peut devenir très précieux pour maintenir une majorité et prend, du coup, une très forte importance. En cas de remaniement gouvernemental, cela voudra t’il dire plus de ministres issus des rangs du Modem ? Ce n’est pas impossible, c’est à voir.


Edouard Husson : François Bayrou a surtout fermé lui-même beaucoup de portes. Il ne faut pas oublier que cet homme a fait 18% lors de la présidentielle de 2007 sur une ligne pré-macronienne. Et dans un contexte où la droite et la gauche de gouvernement restaient fortes ! C’est en quelque sorte un résultat bien plus remarquable que les 24% de Macron au premier tour en 2017. Or François Bayrou a été incapable d’en faire quoi que ce soit. Il aurait suffi qu’il tende la main aux déçus du sarkozysme, à droite. Mais il n’a pas voulu parce qu’il ne voulait pas qu’on le classât à droite. Ajoutons que François Bayrou est incapable de débattre avec des interlocuteurs: il est soit dans la séduction un peu grossière soit dans l’invective. En fait il ressemble à Emmanuel Macron, à la double différence (1) qu’un agrégé de lettres classiques est moins désagréable à écouter que le premier technocrate de France, (2) qu’il a connu la vie difficile des agriculteurs juste après la mort de son père, lorsqu’il a dû faire tourner la ferme familiale. Etant beaucoup plus enraciné que le Président, François Bayrou ferait certainement un Premier ministre plus adapté aux nécessités de l’heure que Bruno Le Maire ou Nathalie Koszciusko-Morizet - pour citer les noms qui circulent. Mais le Président se méfie certainement d’un profil qui pourrait récupérer la mise au centre en vue de 2022. Et rappelons-nous comme il s’est débarrassé à la première occasion de Bayrou ministre de la Justice en 2017 car ce dernier lui posait un peu trop ostensiblement la question « Qui t’a fait roi? ».

Malgré leurs ennuis judiciaires, M. Bayrou et le Modem peuvent-ils reprendre une place dans l'opinion ?

Bruno Cautrès : Le Modem existe beaucoup à travers ses élus locaux et François Bayrou.  Mais cela ne fait pas un programme clairement identifiable par l’opinion. C’est l’élection présidentielle qui a beaucoup fait pour la connaissance qu’ont les Français de François Bayrou, sans compter bien sûr ses responsabilités ministérielles (à l’Education notamment) et de chef de parti. A cet égard, la séquence 2017 n’a pas été optimale car François Bayrou a rejoint Emmanuel Macron et n’a donc pas défendu ses idées en propre. Le Baromètre politique de BVA qui est sorti hier montre que la cote d’avenir de François Bayrou est tout à fait honorable : il est à 19% de souhaits de le voir tenir un rôle important dans la vie politique, en position 14 sur 50 personnalités testées. Le Modem, en revanche, n’est pas vraiment plus populaire que les autres partis politiques : 70% des Français ont une mauvaise image de ce parti, à peu près le même pourcentage que pour le PS, la FI ou les LR et même le RN. Par comparaison EELV, qui dispose de la meilleure cote de confiance de la part des Français, n’obtient « seulement » que 45% d’opinions négatives. Le parti présidentiel (LaREM) est à 65% d’opinions négatives.  On voit que ce n’est pas (encore) gagné pour le Modem et pour François Bayrou de prendre ou reprendre une place de choix dans le cœur des Français….L’une des inconnues sera de savoir, en 2022, si les Français qui sont opposés à Emmanuel Macron appliqueront un principe de responsabilité partagée à François Bayrou et au Modem.

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