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Ces gros détails qu’oublient les commentateurs quand ils constatent la faiblesse de François Hollande dans les sondages
©REUTERS / Christian Hartmann

Monsieur 3%

Alors que plusieurs enquêtes d'opinion font état d'une impopularité record pour François Hollande actuellement, de tels résultats à un an de l'élection présidentielle sont à relativiser, le Président en exercice ayant encore quelques cartes à jouer.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Le baromètre TNS-Sofres du mois de juin 2016 révèle que seulement 13% des Français font confiance à François Hollande. De la même façon, le dernier baromètre Yougov place la cote de confiance du président à 11%, tandis que le Cevipof estime à 14% les intentions de vote en sa faveur. En quoi le "moment" actuel du sondage évalue-t-il davantage un sentiment de l'opinion qu'un véritable choix électoral potentiel ?

Bruno Cautrès : Les sondages d'opinion en matière de popularité ou d'intentions de vote doivent toujours être interprétés dans leur contexte temporel. Nous sommes à un an de l'élection présidentielle, ce qui est assez loin encore en fait. Les personnes interrogées ne sont pas dans le contexte électoral de l'élection présidentielle et dans le temps court de la campagne électorale. Lors de celle-ci, les électeurs vont être amenés à réagir aux évènements de la campagne, aux déclarations des candidats et à leurs propositions ainsi qu'à leurs actions et comportements durant cette campagne électorale. Pour beaucoup d'électeurs au jour d'aujourd'hui, les propositions des candidats sont assez peu connues.  C'est durant le temps court de la campagne électorale que les préférences des électeurs vont se construire puis se figer même si ces préférences sont bien sûr assez liées aux prédispositions et aux orientations idéologiques ou politiques de plus long terme. La qualité de la campagne électorale d'un candidat ne va que marginalement conduire des électeurs qui ne sont pas de son bord politique à voter pour lui, par exemple. Le vote sera toujours fortement lié à des socialisations politiques de longue durée (les catholiques pratiquants votent en majorité à droite par exemple) mais ces prédispositions sont être plus ou moins fortement activées par le temps court de la campagne électorale. Les sondages d'opinions réalisés aujourd'hui sont donc réalisés hors de cette interaction entre temps long et temps court.

Un autre point doit être souligné : les sondages d'intentions de vote réalisés aujourd'hui testent de très nombreux scenarios de candidatures car on ne sait pas encore qui sera le candidat de la droite et s'il y aura ou pas un candidat du centre. De même, tous ces sondages testent l'hypothèse d'une candidature de F. Hollande : s'il est à peu près acquis et certain de F. Hollande sera bien le principal candidat de la gauche, on ne sait pas quels seront les autres candidats de la gauche. Prenons un simple exemple : selon que le courant écologiste sera représenté par C. Duflot ou N. Hulot, le scenario du premier tour pour la gauche ne sera pas le même.

Enfin, il faut préciser que les sondages d'opinions mesurent différentes facettes du phénomène d'opinion dont nous parlons : la popularité, l'intention de vote, la satisfaction avec l'action du Président ne sont pas exactement les mêmes indicateurs. Il est néanmoins vrai, dans le cas de F. Hollande, que tous ces indicateurs convergent vers un bilan assez négatif pour le moment. En cela, ces sondages et leurs différents indicateurs traduisent un sentiment diffus et répandu dans l'opinion vis-à-vis de F. Hollande : le non-souhait de le voir effecteur un second mandat. Mais comme nous l'avons dit plus haut, nous sommes à un an de l'élection présidentielle. 

Au regard de ces éléments conjoncturels, ne serait-il pas imprudent d'enterrer trop vite le Président et ses espoirs de réélection ? En quoi des électeurs insatisfaits aujourd'hui pourraient-ils finir par voter tout de même pour François Hollande, si celui-ci s'avérait être le candidat de la gauche ? En quoi la logique partisane actuelle agit-elle aujourd'hui comme un trompe-l'œil sur le potentiel électoral de François Hollande ? Est-il possible d'estimer ce potentiel ?

Il est vrai que l'élection possède sa propre dynamique. C'est ce contexte du temps électoral court dont nous parlions. Un premier point évident doit être rappelé : les intentions de vote pour F. Hollande aujourd'hui (par exemple 14% dans l'enquête électorale du CEVIPOF) sont si basses qu'elles ne peuvent… que remonter. Depuis plusieurs mois F. Hollande, J.C. Cambadelis ou encore plusieurs ministres importants du gouvernement (par exemple M. Touraine), s'emploient à expliquer aux électeurs de gauche que s'ils sont mécontents et déçus de l'action du Président, il faut dans le même temps qu'il se pose la question de l'effet du retour de la droite au gouvernement. Cet argumentaire ne rencontre qu'un faible écho pour le moment mais va bien entendu faire son chemin dans le temps court de la campagne électorale. Cet argumentaire peut finir par avoir un impact dans la mesure où plusieurs des candidats potentiels de la droite (je pense notamment à F. Fillon, A. Juppé et B. Le Maire) se sont d'ores et déjà beaucoup avancés sur leurs programmes et propositions dans le cadre de leur campagne pour la primaire du mois de novembre. Leur crédo économique « libéral » et leurs propositions en matière de réduction drastique des dépenses publiques (100 milliards d'économies en 5 ans) et du nombre de fonctionnaires (entre 250.000 et 500.000 non renouvellements ou suppressions de postes) va bien évidemment actualiser l'opposition des électeurs de gauche à ce type de politiques publiques. F. Hollande dispose ici d'un argument de poids face aux électeurs de la gauche : cet argument, pour curieux qu'il puisse paraître, est celui qui consiste à expliquer aux électeurs de gauche qu'il vaut mieux une politique « social-libérale » faite par la gauche qu'une politique « libérale » et peu sociale faite par la droite… Si le contexte économique continue de s'améliorer, ces deux éléments peuvent ensemble se conjuguer pour améliorer la perception, par le camp de la gauche, de la candidature de F. Hollande. Il reste que cette opération n'est pas évidente tant le nombre d'électeurs qui considèrent que F. Hollande n'est pas un bon Président est important et tant le doute s'est installé sur sa stature présidentielle. 

Dans quelle mesure les hésitations de ses potentiels rivaux à gauche (Valls, Macron, Aubry, Montebourg...) à se porter candidats renforcent-elles encore le Président dans ses ambitions ? Finalement, la faiblesse actuelle de François Hollande masque-t-elle la faiblesse, encore plus importante, de ses concurrents ?

Il faut d'abord dire que nous ne savons pas, à l'heure d'aujourd'hui, si l'un des rivaux de F. Hollande se portera candidat à la présidentielle à l'issue d'une primaire de la gauche qui pourrait aujourd'hui improbable. Si une telle primaire était organisée, pour le moment nous n'en prenons pas le chemin, on ne sait même pas si F. Hollande s'y présenterait ou argumenterait de son statut de candidat de Président sortant pour ne pas s'y présenter. Je pense que l'ambition de F. Hollande de se porter candidat est surtout liée à la dynamique naturelle d'un Président sortant de vouloir se succéder à lui-même. La faiblesse de la candidature Hollande est pour le moment réelle mais la faiblesse des autres candidatures potentielles (par exemple A. Montebourg, B. Hamon, M. Aubry ou M. Valls et E. Macron) est tout aussi réelle. Il serait très difficile à ces candidatures d'expliquer aux électeurs que le bilan de la gauche au pouvoir est négatif est que c'est pour cela qu'il faut …voter à gauche. La seule explication rationnelle consisterait alors à expliquer alors que F. Hollande et M. Valls ce n'était pas la gauche, une explication qui est tout sauf évidente à développer devant les électeurs de gauche et face à la concurrence. 

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