Ce que je dirai à Bill Gates le 12 décembre prochain<!-- --> | Atlantico.fr
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Bill Gates est le cofondateur de Microsoft en 1975.
Bill Gates est le cofondateur de Microsoft en 1975.
©JUSTIN TALLIS / POOL / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Gates n’avait pas le génie créatif de Jobs, sa vision, c’était un « nerd » brillant, plus laborieux, mais qui avait compris que Jobs avait un temps d’avance sur l’industrie de l’époque, comme Musk désormais, et qu’il fallait toujours le surveiller du coin de l’œil.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Steve Jobs répétait inlassablement que Microsoft avait copié Apple. C’est vrai. Gates n’avait pas le génie créatif de Jobs, sa vision, c’était un « nerd » brillant, plus laborieux, mais qui avait compris que Jobs avait un temps d’avance sur l’industrie de l’époque, comme Musk désormais, et qu’il fallait toujours le surveiller du coin de l’œil. A tel point que Microsoft avait très vite pris une participation dans Apple. 18M de l’époque, vendues 550M quelques années plus tard. 

Côté Microsoft, pour rappel, si vous aviez investi 10 000$ il y a 20ans, vous auriez aujourd’hui 5M sur votre compte. Nettement mieux que la Caisse d’Épargne, même en période d’inflation. En conclusion, Gates a su industrialiser et populariser un système d’exploitation et des outils du quotidien, de façon moins créative, mais plus populaire, qui, insidieusement, ont fini par inonder tous les PC du monde, nous rendant otage de ses outils et lui ont ainsi offert une rente de situation unique au monde. Tous les logiciels open-source de la terre ont été impuissants à lui enlever ne serait-ce qu’une touche de sa domination. Pas un accroc au vernis. 

A l’époque, rencontrer Bill Gates n’était pas compliqué à rencontrer. Comme tous les geeks de la Valley, il suffisait de toquer à la porte avec une idée pour se parler autour d’une bière Californienne et échanger en toute simplicité. Aujourd’hui il est plus facile d’obtenir une audience avec le Pape qu’avec Bill Gates, même si il réside moins loin des cieux. C’est pourquoi avoir l’occasion de le rencontrer dans un cercle restreint, sans cordon de sécurité, ni gardes du corps ou « Chief of staff », ou responsable de la communication, qui surveille chaque mot prononcé et échangé, rendant des échanges furtifs quasi-impossible, est une occasion en or de poser quelques questions directes et franches.

Nous avions eu l’occasion de le rencontrer l’année passée, lors du G20, dans un évènement où il conversait sur scène, avec un des membres de mon board, de SOS SAHEL. Le sujet était les plantes génétiquement modifiées, et leur utilisation en Afrique, afin d’accroître la production nécessaire à ceux qui ont faim, mais également, de résister au changement climatique. La conversation pris tout à coup un tour imprévu pour Gates. Mon ami et membre du conseil, Pierre Thiam, le plus célèbre Chef Africain aux USA, une star ici, lui indiqua qu’il existait une plante (le Fonio), qui n’avait besoin d’aucune modification génétique, qui résistait naturellement aux modifications climatiques, et qui, de plus, était d’une richesse tout à fait incroyable. Et, fait très rare, Gates décida de contrarier les plans de l’armée qui l’entoure pour demander à Pierre de lui en apprendre plus, et Pierre l’emmena sur son stand pour lui cuisiner un plat à base de Fonio.

Gates est resté avec nous, a mis son tablier, et a travaillé avec Pierre, bouleversant totalement son programme. Cela arrive avec une probabilité proche de celle de gagner au loto. Il est reparti de notre stand en ayant perdu ses certitudes sur une forme d’obsession de créer artificiellement ce que la nature offre naturellement en quantité, cette certitude que seule la science peut réparer ce que l’homme a infligé à la nature et en corriger les conséquences. C’était étonnant, et on le sentait totalement déconcerté. Gates n’est pas un grand expansif, il est très réservé, mais ses émotions sont lisibles, surtout celles qui démontrent que des certitudes sont mises à mal. 

Alors le 12 décembre prochain, j’aurais quelques questions pour lui. J’arriverai avec mon stock, et la modératrice, une journaliste de Bloomberg, décidera de celles que je pourrais sortir de ma manche. Je vous livre donc ma liste telle qu’elle me vient à l’esprit : 

Pourquoi cette confiance aveugle en la science ? Est-ce que l’utilisation de l’IA, des vaccins, des plantes génétiquement modifiées est la seule réponse à tous nos problèmes ? Est-ce qu’il pense vraiment que nous ne pouvons utiliser les ressources de la nature pour régler une partie de ses problèmes. Pourquoi à tous prix un vaccin contre le palud quand on voit bien que l’artémisia produit les mêmes effets, sans passer par les labos pharmaceutiques. On accuse souvent Gates de faire partie d’une sorte de secte de ceux qui dirigent et manipulent le monde, une secte dans laquelle les complotistes, souvent antisémites, mettent bien entendu Schwab (Davos) et Rothschild en tête de liste. J’aimerais savoir si il pense parfois à ces théories et dans quelle mesure, remettre notre société aux labos, ne fait qu’alimenter ces soupçons.

Ensuite j’aimerais lui demander, comment il envisage ce monde porté par l’IA. Il fait partie des voix qui acceptaient l’idée d’un frein mis à son développement, bien que personne ne comprenne vraiment ce que ce frein peut bien signifier et comment le mettre en œuvre. Explication de texte ?

Enfin, je voudrais comprendre, comment il imagine sa Fondation après sa disparition et celle de son épouse, désormais séparée ? Que lui laissera-t-il comme instructions ? Quelle sera sa ligne directrice et son principe de fonctionnement ? Son financement (vraisemblablement le même que l’actuel) ? Tant que Microsoft existera, la Fondation aura des ressources folles, plus de 5Mds par an en moyenne, en fonction des dividendes versés par Microsoft, puisqu’il lui a légué une large partie de ses parts. Cela à travers son initiative « Pledge » dans laquelle il a poussé des dizaines de milliardaires à léguer une partie de leur fortune à une fondation et de changer le monde. J’aimerais savoir ce qu’il pense du fait que pratiquement aucun Européen n'ait suivi son exemple, mis à part le fondateur de Easyjet, Stélios, qui m’avait expliqué en 2018, comment et pourquoi il avait créé sa Fondation, à qui il avait légué la moitié de sa fortune, environ 1.8Mds, pour diverses causes qui lui tenaient à cœur, à Chypre, au Royaume Uni, notamment.

Je me demande s’il pourra répondre sincèrement, tant l’exercice consistant à s’en tenir à une ligne directrice, une version officielle, une légende bien huilée, est toujours plus facile, que de se livrer sincèrement devant quelques dizaines de personnes. Nous verrons bien, parfois la seule possibilité de poser des questions est un premier pas vers une partie de la réponse.

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