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Ce qu'il manque au Front de gauche pour (vraiment) concurrencer le Front national aux prochaines élections
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Bonnes feuilles

Le constat est douloureux, mais irréfutable : malgré le succès de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2012, le Front national réussit bien mieux que le Front de gauche à capter le mécontentement populaire. Pourquoi ? Extrait de "La Gauche radicale et ses tabous" (1/2).

Aurélien Bernier

Aurélien Bernier

Figure du mouvement altermondialiste et écologique, ancien membre du conseil d'administration d'ATTAC et du Mouvement politique d'éducation populaire (MPEP), Aurélien Bernier collabore au Monde Diplomatique. Auteur de sept livres, dont Le climat, otage de la finance (Mille et une nuits, 2008), Comment la mondialisation a tué l'écologie (Mille et une nuits, 2012), et La gauche radicale et ses tabous (Seuil, 2014)

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Avec la campagne de Jean- Luc Mélenchon en 2012, et après une quinzaine d’années d’errance, la gauche radicale a commencé à redécouvrir la question de la souveraineté nationale. Mais, au sein de l’alliance électorale du Front de gauche, plusieurs sensibilités et plusieurs stratégies cohabitent : si le Parti de gauche créé par Jean- Luc Mélenchon est prêt à envisager une politique de rupture nationale, le Parti communiste français préfère toujours défendre une réforme radicale de l’Union européenne. Il faut donc trouver des compromis, quitte à produire des incohérences.

Le programme du Front de gauche, intitulé « L’Humain d’abord », propose de ne plus se soumettre systématiquement aux politiques ultralibérales de l’Union européenne : « Conformément au mandat qui nous aura été donné par le peuple français pour mettre en place une politique de gauche dans notre pays, nous refuserons d’appliquer des directives contradictoires à nos engagements, notamment en ce qui concerne la dérégulation des services publics. Notre désobéissance fera tache d’huile dans l’Union et dans la zone euro. Elle sera un appui pour les pays dévastés par les plans de rigueur (Grèce, Portugal, Espagne, etc.). À terme, notre objectif est de briser le bloc libéral au sein de l’UE et de pousser à la négociation d’un nouveau traité. Il faut sortir du pessimisme et de la soumission à la technocratie européenne. La France, en tant que pays fondateur de l’Union européenne, a les capacités de la transformer si elle conjugue action souveraine et bataille d’opinion européenne. Loin d’être isolés, nous en sortirons renforcés dans une Europe actuellement dominée par l’ultralibéralisme et le monétarisme promus de longue date par les gouvernements britannique et allemand. » Le Front de gauche reprend donc à son compte le concept de « désobéissance européenne » que j’ai développé dans un précédent ouvrage en 2011. Mais il le fait de façon partielle, et renonce dans le même temps à sortir de la zone euro, prônant une impossible « refonte des statuts et missions de la Banque centrale européenne ». Preuve d’un certain malaise, cette stratégie de désobéissance européenne ne sera d’ailleurs jamais mise en avant pendant la campagne présidentielle et législative.

Au niveau commercial, le Front de gauche propose que la France agisse « pour l’institution de protections et de normes sociales et environnementales communes aux Européens », ce qui supposerait d’obtenir un accord des vingt-huit États de l’Union européenne. Là encore, il s’agit d’un doux rêve, totalement contraire au traité européen, aux règles de l’OMC et à l’ensemble des politiques commerciales que les puissances occidentales mènent depuis plus de soixante ans.

Les prochaines batailles électorales de 2014 (les élections européennes) et de 2017 (la présidentielle et les législatives) opposeront l’extrême droite et la gauche radicale « Front contre Front ». Pour l’une et l’autre, l’enjeu sera de capter le mécontentement croissant vis-à-vis du Parti socialiste revenu au pouvoir et de la droite écartée en 2012. Pour espérer gagner ces batailles, la gauche radicale ne peut en rester là. Elle doit voir le monde tel qu’il est, et admettre que les transformations supranationales nécessitent d’abord des transformations nationales. Elle doit se réapproprier le concept de Nation imaginé par les révolutionnaires de 1789 qui s’émancipèrent de la royauté pour forger un peuple de citoyens libres et égaux.

Au nationalisme du Front national, il faut opposer une démondialisation de gauche, où la souveraineté nationale et populaire est inséparable de la coopération et de la solidarité internationale. Ce projet suppose de rompre totalement avec l’ordre juridique et monétaire de l’Union européenne, mais aussi avec les piliers de l’ordre économique capitaliste que sont l’OMC, le FMI ou la Banque mondiale. C’est cette volonté de rupture, autrefois portée par le Parti communiste français, qu’il nous faut retrouver et adapter au contexte politique d’aujourd’hui.

Extrait de "La Gauche radicale et ses tabous - Pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national", Aurélien Bernier (Editions du Seuil), 2014. Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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