Ce poison de la désobéissance civile qu’il ne faut pas laisser se déployer<!-- --> | Atlantico.fr
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Sandrine 'Quichotte' Rousseau
Sandrine 'Quichotte' Rousseau
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Sandrine Quichotte Rousseau

Hier, Sandrine Rousseau a affiché son soutien à une ZAD installée dans le village de La Clusaz. Un acte de désobéissance civile qui fait se poser certaines questions notamment, peut-on être parlementaire et faire des appels à la désobéissance civile ?

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est juriste (facultés Saint-Louis-Université de Louvain), philosophe (facultés Saint-Louis-Université de Louvain) et docteur en théorie du droit (Paris IV-Sorbonne).

 
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Atlantico : Sandrine Rousseau est venue manifester son soutien aux zadistes qui s’opposent au projet de retenue collinaire porté par la mairie de La Clusaz. « Ce projet est écocidaire », selon la députée Europe Ecologie Les Verts présente au plateau de Beauregard sur la ZAD. N’assiste-t-on pas à une négation de la démocratie représentative et un aveu d’impuissance politique ? En quoi les députés commettent une erreur en soutenant la désobéissance civile ? 

Drieu Godefridi : Rappelons qu’en droit français, la désobéissance civile n’existe pas. Des cas limités de résistance à l’autorité sont reconnus en droit, quand l’autorité agit en fraude du droit (par exemple, quand une perquisition est effectuée sans mandat). Nous assistons à la récupération — la subversion, en réalité — du concept de désobéissance civile par l’extrême gauche, aux fins d’actions et moyens qui sont rejetés par l’écrasante majorité des Français et leur représentation parlementaire. Ce que l’extrême gauche nomme ‘désobéissance civile’ ne désigne rien d’autre que des voies de fait et autant de viols de la loi démocratique, à des fins politiques ultra-minoritaires. Cette désobéissance civile, subvertie par l’extrême gauche, est un permanent défi à l’État de droit. Un défi qu’il appartient à l’État de droit de relever, en usant des moyens qui sont les siens. Avant que ne se produisent de nouveaux drames et homicides comme ceux dont il sera question dans un instant. 

Alors que certains élus à gauche comme Sandrine Rousseau le prétendent, la plupart de ces appels à la désobéissance ne reposent-ils pas sur des visions éminemment contestables et scientifiquement infondées, notamment sur les OGM, les bassines etc… ?

Que les revendications des écologistes européens — en particulier français, allemands et belges — plongent leurs racines dans une vision proprement religieuse, à tout le moins a-scientifique du monde, est un fait, vous avez raison. À maints égards, le discours des écologistes contemporains tient davantage du cri que de la théorie raisonnée et ressemble à celui d’une église apocalyptique médiévale. Toutefois, ce qui est contestable n’est pas que les écologistes portent des revendications, quelle qu’en soit l’inspiration. Ce qui est nauséabond est que les écologistes tentent d’imposer par la violence des idées et préceptes dont ils ont échoué à convaincre les électeurs. L’amour que porte une fraction significative de la presse française à l’extrême gauche ne doit pas masquer son rejet net et constant par l’écrasante majorité des Français.

En laissant se développer une telle logique, les élus n’entrent-ils pas et ne participent-ils pas à une logique de guerre civile, un peu comme avec les boycotts ? Le seul moyen de répliquer à ces opérations de désobéissance civile serait d’engager des contrats opérations de résistance civile. N’y a-t-il pas un risque d’en revenir à la loi du plus fort… ?

Il y a quelques jours, deux militants de l’organisation écologiste 'Just Stop Oil’ bloquaient d’autorité la circulation sur le Dartford Bridge, au Royaume-Uni. Une action, calme, pacifique, presque sympathique — tellement ‘désobéissance civile’ et cœur avec les doigts. En amont des selfies triomphants des deux activistes en question, une femme bloquée dans la circulation est sortie de son véhicule. Une autre femme, médecin, quittait son véhicule pour s’assurer que la première allait bien et n’avait besoin d’aucun secours. Tentant de s’extirper du blocage causé par ces messieurs de 'Just Stop Oil’, une troisième conductrice n’a pas vu les deux premières, et les a fauchées. La mère et le médecin sont mortes; la vie de la troisième est probablement réduite à néant. Ces deux femmes sont mortes après avoir agonisé pendant deux heures, parce que l’ambulance ne parvenait pas à les atteindre, du fait de l’action souriante des activistes écologistes. 'Just Stop Oil have blood on their hands’ ('Just Stop Oil a du sang sur les mains’) titre la presse britannique. Comment le nier ?

Quelle serait la voie médiane et juste à suivre pour certains élus quitte à s’engager pour certaines causes mais dans le respect des institutions et des valeurs républicaines et démocratiques ?

Ainsi que le soulignait récemment Nassim Nicholas Taleb, nous vivons en Occident dans les sociétés les plus transparentes, libres et riches d’expression de l’histoire. Le principe de la démocratie est qu’un projet de société est présenté à la sanction des électeurs. Quand il échoue — ce qui est le cas du projet écologiste, scrutin après scrutin — les tenants de ce projet disposent d’une profusion de moyens — parlementaires, financiers, réseaux sociaux, presse — de le mieux faire connaître, pour tenter d’emporter la conviction des citoyens. Dans nos démocraties, rien ne justifie la violence politique en fraude du droit. Jamais. Ce que les écologistes, tels la personnalité folklorique que vous mentionnez, nomment ‘désobéissance civile’ relève, en réalité juridique, d’une forme de soft- ou proto-terrorisme. Au fond, les écologistes estiment que la démocratie est dépassée — n’est-ce pas leur principal instigateur au XXème siècle, Hans Jonas, qui préconisait une ‘dictature écologiste bienveillante’ ? — et que, par conséquent, tous les moyens sont bons. Il serait judicieux de ramener ces tristes figures dans le giron chaleureux de l’État de droit.

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