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La République au second tour
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Elections cantonales

A la veille du second tour des cantonales, les hommes politiques se jettent à la face les "valeurs républicaines". Des valeurs qui ont pourtant bien évolué...

François-Xavier  Bellamy

François-Xavier Bellamy

François-Xavier Bellamy est normalien, agrégé de philosophie. Il est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue parisienne.

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Depuis dimanche soir, un seul mot fait la une de l'actualité politique en France : la République. Alors que se profile un combat dont dépend certainement le sort de la nation, tout ce que le pays compte de politiciens et de politologues bruisse d'une seule réclamation : il faut tout abandonner pour construire le front républicain. Que celui qui n'est pas prêt à renier toutes ses propositions de campagne, ses projets pour le canton, ses idées du rôle de conseiller général, pour se jeter à programme perdu dans la résistance au fascisme menaçant, que celui-là lève le doigt ! La solitude sera sa première punition.

Res publica

Voilà donc, pour ce deuxième tour des élections cantonales, la République propulsée au rang d'unique promesse de campagne. Eh bien, je suis plutôt content. Il me semble que c'est un bon programme, et que ce serait effectivement une idée intelligente d'essayer enfin ce régime républicain qui semble, si éloigné de nos moeurs politiques actuelles, présenter de sérieux avantages pour notre pays.

 Qu'est-ce que la République, au fond, mise à part une incantation confuse et dérisoire ? "J'appelle république, dit Rousseau, tout État régi par les lois, sous quelque forme d'administration que ce puisse être ; car alors l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose." Un Etat où l'intérêt public est le seul impératif politique valable : voilà ce qui constitue l'essence d'une République.  Force est de reconnaître que nous en sommes bien loin. Dans notre pays, hélas, il est évident que la chose publique ne pèse pas pour beaucoup en face de l'intérêt individuel. Sur la grande scène de la politique nationale, le spectacle des ambitions, le jeu des partis, les volte-face tactiques et les inimitiés de convenance sont plutôt la norme que l'exception, et tout l'art de l'observateur ne consiste plus qu'à interpréter les choix politiques comme autant de stratégies de carrière.

La politique décomplexée

 Tout cela est désormais revendiqué, assumé, affirmé. Nicolas Sarkozy avait joué, en 2007, sur la lassitude qu'éprouvaient les électeurs devant l'hypocrisie du jeu politique. Visitant une usine, il engage la conversation avec un contremaître : "Vous êtes sous-chef, quoi. Et vous voulez devenir chef ? Oui, c'est bien normal. Eh bien moi c'est pareil : je suis sous-chef et je veux devenir le chef." C'est vrai, au nom de quoi le responsable politique ne pourrait-il pas assumer son ambition personnelle ? Le mot assumer est d'ailleurs devenu incontournable dans le vocabulaire présidentiable. Jean-François Copé assume fièrement vouloir être président depuis l'âge de huit ans. Mais pour quoi faire ?

Cette transparence jette une lumière crue sur la réalité de notre vie politique. Où est passé l'intérêt général, le sens du bien commun, de la chose publique ? Il ne reste plus que des ambitions individuelles assumées. Sommes-nous alors vraiment en République ? Tout porte à croire que ce n'est pas le cas. Les vrais responsables se font rares, qui préfèreraient sacrifier leur carrière plutôt que leurs convictions - à tel point qu'on se demande qui a encore des convictions. L'Etat et l'administration ne sont plus "régis par les lois", mais par les passe-droits et les faveurs dont les révélations éclatent maintenant chaque semaine. Les sondages dictent les décisions, et les communicants, les discours. Comment espérer que le citoyen, résigné mais révulsé, ne se venge pas tôt ou tard lorsque des élections, qui pourtant ne concernent qu'un échelon bien obscur et sans doute bien plus sain, lui en donnent enfin l'occasion ?

Tout compte fait, je suis bien content que ces modestes cantonales, partielles et tronquées, aient remis sur le devant de la scène ce dont nous avons le plus besoin. Oui, c'est un bon programme : si on essayait enfin la République ?

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