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Cancer : Non, on ne peut pas affamer les cellules malades, mais il est possible d’optimiser son alimentation
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Bioman

L'année dernière, des chercheurs de l'Université Columbia ont découvert un traitement efficace pour lutter contre le cancer : combiner un médicament chimio-thérapeutique particulier avec un régime "cétogène" à faible teneur en sucre.

Réginald Allouche

Réginald Allouche

Réginald Allouche est médecin et ingénieur. Il assure une consultation principalement axée sur le diabète gestationnel, la nutrition et la prévention du diabète de type II.

Son dernier livre publié aux Editions Odile Jacob porte sur ce théme du prédiabète : Du plaisir du sucre au risque du prédiabète, publié chez Odile Jacob.

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Atlantico: Existe-t-il un régime alimentaire permettant d'enrayer la croissance des cellules cancéreuses sans affamer le malade ?

Reginald Allouche : Aujourd'hui, il n'y a pas de régime miracle pour enrayer la progression du cancer. Ce qu'on sait, c'est qu'il faut que la balance azotée soit équilibrée, c'est-à-dire que le malade absorbe suffisamment de protéines parce que les protéines apportent des acides animés qui permettent entre autres la fabrication d’hormones, de tissus cellulaires ou encore de garder une bonne masse musculaire. Il se trouve que dans le cas des chimiothérapies, les malades ont des nausées, des vomissements et qu'ils ont donc parfois du mal à se nourrir. Ils sont souvent écœurés par les aliments à base de protéines comme le lait, la viande, les œufs ou le poulet. Il faut donc un régime qui conserve le fait de consommer suffisamment de protéines (environ 1g par kg et par jour).

Dans certains cancers, on s'est aperçus que certains acides aminés (la méthionine par exemple.) ne peuvent pas être synthétisée par la cellule cancéreuse la mettant ainsi en danger. Il est donc important de ne pas en apporter pour aider à la destruction de certains types de cellules cancéreuses.

Il faut savoir qu'une cellule cancéreuse est multipotente. Elle est très puissante, elle possède un capital génétique très important et elle est donc capable de faire beaucoup pour survivre. Malgré le fait que les cellules cancéreuses consomment 40 fois plus de sucres que les cellules normales, il ne suffit pas de jeûner en sucre pour les supprimer, car les cellules cancéreuses sont capables de mettre en oeuvre la néoglucogenèse. Cette néoglucogénèse lui permet  fabriquer du glucose à partir des graisses et des protéines. On pense affamer la tumeur en affamant le patient en sucres : en fait, la tumeur est capable de puiser dans les protéines et les graisses !

Des études ont montré que les patients diabétiques qui étaient traités au long cours par la metformine avaient deux fois moins de cancer de la prostate que les autres. Il se trouve que la metformine agit indirectement contre un gène appelé « Snail » bloquant ainsi la néoglucogénèse des cellules cancéreuses. La cellule cancéreuse ne peut plus fabriquer les sucres nécessaires à sa survie.

Depuis une dizaine d'années, des études montrent que la metformine a un effet protecteur contre certains types de cancers.

La metformine est un médicament générique et très prescrit car il est utilisé depuis plus de quarante ans pour traiter le diabète de type 2. La metformine permet de baisser la glycémie chez un patient diabétique. SI on la prescrit dans le cadre d’un cancer elle exige une vraie surveillance de la part d'un médecin nutritionniste.  

Comment associer efficacement les nouvelles thérapies contre le cancer, dont font partie les thérapies nutritionnelles telles que le régime alimentaire en question, avec les méthodes chimiothérapeutiques connues ?

Pour représenter les traitements envisageables, il faut s'imaginer un tableau à plusieurs entrées, avec quatre variables différentes : le type de diète croisé avec le type de cancers croisé avec le type de chimiothérapies croisé avec le médicament adjuvant (la metformine mais aussi des dérivés digitaliques etc.) Il n'y a donc pas de régime miracle, mais il y a bel et bien une nouvelle forme de traitements d'accompagnement pour le cancer. Il y a une nouvelle science, presque une nouvelle discipline, qui concernera la nutrition pendant et après le cancer, parce qu'une cellule cancéreuse est gloutonne (elle a de grands besoins) et si l'on est capable de l'affamer en acides animés essentiels et en sucres, on l'empêcher de croître, alors elle va s’asphyxier et disparaître.

On parle aujourd'hui des effets anti-cancéreux de l'aspirine. Il y a donc beaucoup de médicaments dans le commerce qui ne coûtent pas chers et qui ont des effets parce qu'ils agissent sur le patrimoine génétique des cellules cancéreuses. Il faut sortir de la magie : ce n'est pas par le jeûne qu'on sauvera une personne atteinte d'un cancer. Il y a certainement des pistes à explorer sur les acides animés essentiels. Il y a neuf acides animés essentiels, et on ne peut pas tous les fabriquer nous-mêmes : on est contraint de les capter par l'alimentation. Il se trouve que certaines cellules cancéreuses en ont besoin : donc il faut faire un travail pour savoir de quoi ces cellules ont besoin et surtout si elles ont des capacités à refabriquer ces acides animés ou pas et si elles ont tendance à refabriquer ou non du sucre à partir d'autres aliments. C'est comme cela qu'il faut poser le problème. On est encore loin de la solution mais on sait qu'il y a des pistes, puisqu'aujourd'hui il y a beaucoup de gens qui vivent de plus en plus longtemps avec leur cancer, donc il va bien falloir se poser la question de savoir comment nourrir ces malades et quels sont les traitements adjuvants qui peuvent les aider à bloquer les cellules cancéreuses et les métastases. La métastase, quand elle circule dans le sang et qu'elle va coloniser un autre organe, si elle n'a pas de quoi se nourrir, elle disparaîtra.

Toutes les cellules, qu'elles soient cancéreuses ou pas, ont besoin de glucose pour vivre. L'exemple de la metformine est très intéressant : il faudrait très vite lancer des essais cliniques pour savoir comment la metformine est capable d'inhiber les gènes permettant la néoglucogénèse. Si les résultats sont probants, il serait intéressant de généraliser le fait d'apporter de la metformine, peut-être même localement, c'est-à-dire par des transporteurs spécifiques avec des antigènes spécifiques à certains types de cellules cancéreuses. Il y a par contre un problème de financement, parce que la metformine est un médicament qui ne vaut pas cher et il faudra probablement des financements publics pour effectuer cette recherche.

Le domaine de la nutrition est à considérer comme un complément nécessaire à la chimiothérapie. La nutrition, et peut-être des traitements adjuvants avec des produits déjà commercialisés comme la metformine, permettrait de mettre en oeuvre un nouveau type de prévention de certains cancers. C'est une discipline médicale à part entière qu'il reste à explorer et structurer. 

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