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Bruno Retailleau : "La droite doit renouveler son logiciel pour ne plus ressembler à l'ancienne gauche"
©LOIC VENANCE / AFP

Grand entretien

Le président du groupe Les Républicains au Sénat organisait, ce mercredi, une rencontre avec ses soutiens au sein du mouvement Force républicaine, dont il est président. Une quarantaine de parlementaires Les Républicains y ont participé. L'objectif : "aller au-delà des partis politiques traditionnels".

Bruno Retailleau

Bruno Retailleau

Bruno Retailleau est sénateur (élu en Vendée), président du groupe Les Républicains au Sénat et président du mouvement Force Républicaine, fondé en 2002 par François Fillon.

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Atlantico : Vous avez organisé cette semaine une réunion en tant que président du mouvement Force républicaine, à laquelle ont participé une quarantaine de parlementaires Les Républicains. Quelle est la nécessité pour vous de relancer ce courant créé par François Fillon ? Que pensez-vous apporter de plus que les autres ne sont pas en mesure de proposer ?

Bruno Retailleau : Je ne me situe pas par rapport aux autres, mais par rapport à mes convictions et à ce que je crois. Je pense que plus rien ne sera comme avant. Les responsables publics doivent désormais répondre au grand basculement du monde.

On voit bien avec Emmanuel Macron qu'il n'y a pas de marche arrière possible. Il nous oblige à nous redéfinir. Il ne suffit plus de s'appuyer sur le clivage classique droite-gauche comme une assurance d'alternance automatique. La première chose à faire, c'est ce que les Français attendent de nous, c'est redéfinir ce que l'on veut pour la France. Quel idéal veut-on porter ? Cela a toujours été la marque de Force Républicaine, le goût pour le débat et les idées. Parmi les parlementaires réunis mercredi dernier, tout le monde était différent. Certains ont soutenu Nicolas Sarkozy, François Fillon ou encore Alain Juppé. Il faut retrouver le goût du débat et il faut renouveler le logiciel de la droite. Pour que définitivement une droite moderne ne soit plus une ancienne gauche.

La deuxième marque de Force Républicaine, c'est aussi d'aller au-delà des partis politiques traditionnels. La société civile a énormément contribué au projet présidentiel de François Fillon. Ce que je souhaite apporter, c'est une politique de liberté. Une dépense publique qui mange 56 % de la richesse produite, ce n'est pas possible. L'Etat ne peut et ne doit pas peser pour son propre compte. Et enfin, il faut un projet de civilisation. Le terrorisme islamiste nous lance un immense défi. Nous y répondons par un certain nombre de mesures, mais aussi par une volonté.

La politique sans idées se réduit à un jeu de chaise musicale, à des guerres d'égos. Il faut sortir de cela par le haut et ce n'est qu'en portant un idéal que nous le pourrons.

Le nouveau tract avec le slogan « Pour que la France reste la France » lancé par Laurent Wauquiez a été critiqué pour sa proximité politique avec les slogans de Marine Le Pen. Etes-vous en accord avec la ligne du président sur l’immigration ? Pensez-vous que ce thème soit fédérateur en vue des élections européennes de 2019 ?

Les Français ont une double aspiration : une qui touche leur niveau de vie, la peur du déclassement économique -est-ce que mes enfants vivront mieux que moi ?- mais ils ont aussi une crainte pour leur mode de vie. Ils souhaitent que le France reste avec sa propre marque culturelle. Tous les peuples d'Europe en sont là. Ils veulent que les Etats puissent maîtriser les flux migratoires. Si nous ne le faisons pas, alors nous abandonnons cette question existentielle dont on voit bien qu'elle taraude les citoyens, et on ouvre un boulevard au populisme de toutes parts.

Sincèrement, j'aurais pu me présenter aux élections LR. J'ai choisi de ne pas le faire et je considère que la tâche de Laurent Wauquiez est difficile. Mon rôle n'est pas de lui mettre des bâtons dans les roues. Je travaille et creuse mon sillon. Aujourd'hui, beaucoup de Français ne se reconnaissent pas dans les partis. Une grande majorité de nos adhérents n'adhèrent d'ailleurs même pas à LR. Il faut être capable de formes de participations civiques différentes.

Nicolas Sarkozy est toujours présent dans la vie politique et joue un rôle de conseil auprès de certains élus. Quelle est son influence au sein des LR ? Quel rôle serait-il souhaitable, ou envisageable pour l'ancien président au sein du parti ?

Nicolas Sarkozy a donné aux Français une des plus belles campagnes, avec une vraie ferveur et a suscité énormément d'engouement. Mais chaque génération doit apporter quelque chose de neuf. Il a un rôle, mais je considère qu'il faut que les hommes et les femmes publiques réinventent l'avenir. Cela passe aussi par le renouvellement.

Marion Maréchal revient sur la scène politique et médiatique avec le lancement de son académie à Lyon, dans l'optique de travailler sur la "fusion des droites". Que pensez-vous de cette stratégie et au-delà, de la pertinence d'un rassemblement des différents partis de droite ?

Le rassemblement c'est déjà le nom que sa tante a donné au Front National. Cela a toujours été une technique pour dévorer la droite parlementaire. Si la droite assume ses propres valeurs, une vision du monde et un idéal, cette question ne se posera plus car nous convaincrons les Français. Nous sortirons de ce petit jeu de starification de tels ou telles.

Le parti LR connaît actuellement des dissensions voire des fractures importantes entre la direction, les cadres et élus. Quelles sont les valeurs, les idées et le programme indispensables pour parvenir à occuper l’espace politique entre En Marche et le Rassemblement National ?

Notre mouvement est un mouvement polytraumatisé du fait de la défaite de 2017. Quand on sort rincé de plusieurs défaites, il est parfaitement normal que la reconstruction prenne du temps. J'étais de ceux qui voulaient repousser l'élection pour prendre le temps de refonder idéologiquement notre mouvement. Ca ne s'est pas fait.

Je considère qu'aujourd'hui Emmanuel Macron sature le débat public. Le seul clivage qu'il recréé, c'est entre lui et tous les autres. Ce n'est pas un hyper-centre le macronisme, c'est un égocentrisme.

Le travail qu'attendent de nous les Français, c'est de contribuer à renouveler les idées. Je reviens sur mes mots, c'est le débat d'idée qui doit primer.

Que pensez-vous des réformes d’inspiration libérale menées par Emmanuel Macron ? Certaines figuraient dans le programme de François Fillon, mais que pensez-vous de la méthode du gouvernement ?

Les réformes ne vont pas toutes dans le mauvais sens. Mais après le quinquennat de François Hollande, tout parait meilleur. Cependant, elles sont à la fois trop timides et injustes. Emmanuel Macron n'a pas compris que le mal français, c'est avant tout la dépense publique dont la conséquence est le record du monde occidental d'impôts et de prélèvements fiscaux. Il n'a pas compris que nous ne pouvons réduire le chômage qu'en restaurant la compétitive de la France.

Pour le moment, il n'a rien économisé. Nous allons en 2018 emprunter 195 milliards aux marchés financiers. Jamais nous n'avons autant emprunté ! Et en matière de compétitivité, il fait moins bien que son prédécesseur. De ce point de vu là, ses choix sont très différents de ceux de François Fillon.

Ce dernier avait choisi l'augmentation de la TVA plutôt que la CSG. Car elle se traduisait très peu sur le pouvoir d'achat, mais permettait de faire contribuer à la sécurité sociale les produits fabriqués à l'étranger. Il a préféré exonérer de taxes d'habitation les ménages français. Nous voulions consacrer cet argent à la baisse des charges pour relancer l'économie.

Ses réformes sont donc timides et injustes. Elles ne permettront pas à la France de se relever et d'être dans le peloton de tête de l'Europe.

En matière économique, Laurent Wauquiez insiste sur les nécessites d’une régulation nationale face au libre-échange mondialisé, à l’opposé du courant libéral incarné par Virginie Calmels. Quel est le courant d’idées que vous soutenez au sein des LR ?

C'est un débat théorique. La liberté ne peut pas s'épanouir si les règles ne sont pas respectées. Une société permissive, c'est une société répressive. Je pense que la droite française a toujours une tentation bonapartiste.

Si l'on parle de libéralisme culturel, je pense que le néolibéralisme porte cette idée de tout marchandiser. Ma limite est là. Je pense qu'en matière de liberté, il faut accompagner une éthique de la limite et de la mesure. Car la marchandisation n'est pas la liberté. Derrière, c'est la GPA. Beaucoup de Français se sont retrouvés derrière le projet de François Fillon, car il avait trouvé un point d'équilibre entre les trois droites rémondienne, la liberté, l'autorité de l'état et les valeurs. C'est ce triptyque qui doit nous permettre de dépasser les contradictions. Et c'est la ligne que je veux creuser.

Un des thèmes déjà mis en avant pour les élections européennes par Laurent Wauquiez est celui de l'immigration. Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à vouloir un rassemblement en organisant la campagne autour d'un thème aussi clivant ?

Je veux rappeler qu'au premier tour de la présidentielle, 55 % des suffrages se sont portés sur des candidats anti-européens ou très eurosceptiques. On a eu le brexit, l'Autriche, l'Italie… Cela doit nous servir de leçon. Il faut porter un projet européen qui puisse réconcilier la France du oui et du non.

Il faut une Europe qui défende les Européens et les Français, cela passe par l'immigration. Il faut une alliance de défense européenne, une Europe protectrice qui porte en même temps un projet de civilisation. Je pense que l'une des grandes menaces que perçoivent les peuples, c'est l'immigration. Il faut répondre à cela.

L'Union européenne vient de porter plainte contre les Etats-Unis à l'OMC après la hausse des droits de douane décidée par Washington sur l'acier et l'aluminium. Quelles doivent être les réponses de la France dans cette guerre lancée par Donald Trump ?

Je m'en félicite. Enfin, l'Europe se réveille et accepte de défendre ses intérêts. L'intérêt des nations qui la compose. J'ai toujours indiqué que lorsque Donald Trump est sorti des accords de Vienne, avec cette menace que l'extraterritorialité de la justice américaine était un privilège exorbitant, que l'Europe avait-là une occasion unique de renforcer sa cohésion en s'affirmant contre ses décisions idiotes. Il reste maintenant beaucoup de progrès à faire.

À partir du moment où Trump déclare qu'il ne veut pas porter le fardeau de la défense de l'Europe, c'est à l'Europe de s'organiser. Jamais le monde n'a été aussi menaçant. Il faut une réponse européenne qui respecte les peuples et les nations. Pas une Europe fédéraliste.

La crise actuelle en Italie montre l’ampleur du risque populiste en Europe et le rejet de la politique européenne par les peuples. Quelles sont les réponses des LR sur un tel risque en France ?

Toutes ces insurrections électorales et notamment en Italie portent la trace d'une préoccupation existentielle des peuples. Ils sont attachés à leur identité et ne veulent pas qu'on leur dise ce qu'il est bon de penser. Les peuples rappellent les choix qu'ils veulent faire. Il faut les écouter et anticiper. Plus nous irons dans le fédéralisme, plus nous provoqueront les insurrections électorales.

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