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Beaucoup en rêvent (même si très peu y croient) : une présidentielle 2017 sans Hollande et Sarkozy, ça donnerait quoi ?
©Reuters

Avec des si...

Leaders du Parti socialiste et des Républicains, François Hollande et Nicolas Sarkozy suscitent aujourd'hui un certain rejet de la part de l'opinion publique. Le premier n'arrive pas à convaincre les Français tandis que le second est de nouveau en pleine tourmente judiciaire. Malgré tout, ils pourraient bien représenter les meilleures chances de leurs formations respectives en vue de la présidentielle de 2017.

Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico : Nicolas Sarkozy vient d'être mis en examen pour son implication présumée dans l'affaire Bygmalion. Doit-on voir derrière cette décision un acte politique, à quelques mois de la primaire de la droite et du centre ?

Yves Roucaute : Cette mise en examen pose de graves problèmes politiques et éthiques qui ne manquent pas d’être inquiétants, et je ne suis pas certain que nous devrions nous réjouir devant ce qui se joue en France, quand bien même nous n’apprécierions pas Nicolas Sarkozy.

Les faits. Est-il vrai que deux des trois juges d'instruction aient été opposés à cette mise en examen ou absents ? Si un seul juge a pris cette décision, n’est-ce pas un brin inquiétant ? Il est indiqué par certains médias que la mise en examen est autorisée pour le dépassement des comptes de campagne. Certains, pour justifier ce point, arguent le code électoral, et son article 113-1, qui prévoit en effet jusqu’à 3750 euros et un an de prison pour tout candidat qui aura dépassé le plafond des dépenses. Mais quel est le seul juge habilité à prononcer une peine en cas de dépassement dans une campagne électorale présidentielle ? C’est le juge constitutionnel. Pas même le juge administratif. Et aucun autre juge, semble-t-il, n'est habilité à prendre la place du juge constitutionnel et, encore moins, à le contester.

À l’inverse, il serait possible au juge d’instruction d’instruire pour des faits tels que l’escroquerie par exemple, mais Nicolas Sarkozy n’a pas été mis en examen pour de tels faits, mais seulement mis sous le statut de "témoin assisté". Il n’y a d’ailleurs, à ma connaissance, aucun témoignage contre lui en ce sens, aucune preuve ni même suspicion d’enrichissement personnel. Tout cela me laisse un peu circonspect.

D’autant que cela fait quand même beaucoup de procédures contre le même homme et des écoutes qui laissent pantois. Jusqu’à cette mise en examen passée parce qu’il aurait essayé de savoir pourquoi on le mettait sur écoute et ce qui se disait contre lui, et cela alors qu’il a été démontré que les raisons de le mettre sur écoute étaient fondées sur du vent. A vrai dire, je ne connais personne qui n’aurait essayé de se renseigner. Espérons qu’il ne rencontrera pas quelqu’un dans un café qui lui parlera de la raison pour laquelle on l’a mis en examen pour avoir voulu savoir pourquoi on le mettait en examen.

Il y a quelque chose d’un peu indécent quand bien même on n’aimerait pas l’homme. Et l’idée que des philosophes n’auraient pas le droit d’user de leur liberté pour critiquer une décision d’un juge, comme je l’ai entendu dire, me laisse penser que la dérive des mœurs et de l’Etat de droit est bien enclenchée. Au point d’ignorer que la liberté d’expression est un droit naturel inclus dans le bloc de constitutionnalité. Et que les juges ne sont pas un "pouvoir judiciaire" mais une "autorité", le général de Gaulle se méfiant précisément de cette tentation des humains d’abuser de leur pouvoir quand il n’est pas contrôlé.

Et il faut arrêter de dire que Nicolas Sarkozy est un citoyen comme un autre. Il a représenté la France, et il est candidat. Qui pense sérieusement que s’il n’était pas candidat il aurait de tels ennuis ? Imaginons qu'un général d'armée décide d’empêcher Nicolas Sarkozy ou François Hollande d'être candidat à la présidence de la République. Que dirait-on ? J’ose croire que gauche et droite protesteraient ensemble contre ce coup d’Etat. Il n'appartient pas à des juges d'entrer dans le jeu politique et de choisir leurs candidats à la présidentielle.

Certes, sur le financement de ces dernières campagnes électorales présidentielles, aussi bien autour de François Hollande que de Nicolas Sarkozy, il y a bien des choses obscures. Ainsi, la commission des comptes de campagne avait cru pouvoir noter qu'il manquait 450 pièces de campagne à François Hollande. Toutes ont-elles été données par la suite ?

En vérité, ces détails ne m’intéressent guère.  Je souhaiterais surtout que la France évite cette berlusconisation de la politique française qui ne profitera pas à la démocratie mais seulement à ses fossoyeurs. Et je mets en garde certains Machiavels de poche contre les effets pervers de leurs jeux où l’équilibre des pouvoirs disparaît au profit des numéros d’équilibristes.

Certains rappels me paraissent nécessaires. Il est clair que l’ancien président de la République n’est pas au-dessus des lois. Mais posez cette question dans un sondage : dans une République, les juges sont-ils au dessus des lois? Je pense que vous auriez une réponse identique.

Il est clair que chacun peut être sanctionné pour des délits ou des fautes professionnelles, mais dans toutes les républiques qui vivent selon l’équilibre des pouvoirs, cela ne vaut-il donc pas pour les juges aussi ? À moins d’imaginer que mettre en détention quelqu’un par erreur ou volonté de nuire, le priver de sa liberté, l’humilier, détruire sa renommée, le ruiner comme cela arrive à certains chefs d’entreprise, ne vaut pas une sanction proportionnelle au méfait, voire supérieure parce que les serviteurs de l’Etat doivent montrer l’exemple.

Enfin, chacun doit pouvoir être considéré comme innocent quand il n’est pas déclaré coupable et l’idée que cela ne vaudrait pas pour celui avec lequel on est pas d’accord, me paraît dangereux. Pas seulement parce que c’est un viol d’une des bases de la préservation des droits individuels dans l’Etat de droit, mais aussi parce que cela pourrait nourrir, en retour, certaines pulsions de juges qui pourraient penser pouvoir disqualifier des candidats ou des hommes politiques en abusant des mises en examen. Nous serions alors en face d’une sorte de "loi des suspects" non dite : tout concurrent pourrait devenir suspect, et tout suspect serait coupable. Et si nous imaginions un pouvoir politique non démocratique, une telle dérive aurait des conséquences incalculables pour l’avenir.

Nicolas Sarkozy est de plus en plus attaqué sur le plan judiciaire. De l'autre côté, un récent article du Journal du Dimanche laisse planer le doute sur la candidature de François Hollande en 2017. Dans l'hypothèse, certes encore incertaine, où ces deux personnages n'étaient pas désignés candidats par leurs camps respectifs, que se passerait-il ? Sans François Hollande, la gauche ne risque-t-elle pas d'exploser ? Sans Nicolas Sarkozy, la droite ne va-t-elle pas au-devant d'une scission interne ?

D’abord, il faut noter que si nous en sommes arrivés à nous intéresser à ce point aux calculs des uns et des autres, et aux jeux de billard, c’est que le débat stratégique reste bien pauvre.

Il faut, je crois, distinguer la gauche de la droite. En ce qui concerne la gauche, il est clair que la disparition de François Hollande du jeu politique amènerait son éclatement. En effet, une candidature de Manuel Valls ou d'Emmanuel Macron pousserait la gauche du Parti socialiste à quitter la maison commune. Il n'est pas même certain qu'avec une candidature d'Emmanuel Macron, Manuel Valls ne quitte pas la maison, et vice-versa. Si c’est la gauche socialiste qui l’emporte, Martine Aubry, Arnaud Montebourg ou un quelconque autre candidat, il est certain que Manuel Valls, Emmanuel Macron et toute la droite du parti quitteraient la maison. Donc, seul Français Hollande peut maintenir l'unité de la gauche et de la droite du Parti socialiste. C'est une certitude. Et je ne vois pas, malgré quelques gesticulations gauchistes de Jean-Luc Mélenchon, le parti communiste préférer au second tour Marine Le Pen à François Hollande. Il est donc une solution sans risque, s’il parvient à passer le premier tour. Tout est là. L'intérêt de la droite est d'ailleurs à cet égard de l’empêcher d’être au second tour, et de favoriser l'explosion du PS. Et c’est aussi pourquoi je n’ai jamais cru à des primaires à gauche. L’appareil n’a lancé cette idée que pour démontrer que les écologistes et le Front de gauche ne voulaient pas de l’unité. Tous iront ensuite à la soupe.

En ce qui concerne la droite, la question est moins simple.

Jusqu'à l'opposition Jean-François Copé - François Fillon, nous pouvions dire que Nicolas Sarkozy incarnait, au moins artificiellement, l’espoir d’unité de la droite. Mais la fameuse bataille a fissuré durablement les familles de droite. La volonté d'Alain Juppé de se présenter en juge de paix au-dessus du couple divorcé Fillon-Copé révélait une volonté de reprendre les rênes de la droite et de profiter de cette tension pour revenir au premier rang et se projeter vers la présidentielle. Ce que les sarkozystes, mais aussi les fillonnistes, ont parfaitement vu. Ils ont donc refusé. Ce qui a seulement reculé le moment de l’éclatement. Aujourd’hui, il suffit d’avoir suivi le dernier Conseil national du parti Les Républicains pur constater que la famille de droite est extrêmement divisée et il est très difficile pour Nicolas Sarkozy de maintenir l'unité. Plus encore avec les alliés du centre qui semblent vouloir jouer seuls, ou bien avec ses concurrents, comme François Bayrou.

Si Nicolas Sarkozy n’était pas le candidat, la réponse  à la question varie un peu selon qui va l'être à sa place. Si c'est Alain Juppé, il n'est pas certain que son alliance avec Jean-Pierre Raffarin puisse maintenir l'unité du parti. Je ne crois pas que les sarkozystes, Laurent Wauquiez ou Jean-François Copé accepteraient cette donne où les anciens chiraquiens, aidés par certains libéraux, gouverneraient le parti et le pays. Dans le cas où Alain Juppé gagnerait l'élection, il pourrait certes faire revenir à lui une partie des troupes qui iraient vers la victoire, mais une partie seulement car les clivages dans l‘appareil, largement acquis à Nicolas Sarkozy, sont trop sensibles. Et s'il perdait, l'affaire serait pliée : l’éclatement serait inévitable. Si c'est François Fillon, c'est peut-être une solution un peu plus confortable pour la grande masse des élus et l’appareil, car il a été fidèle comme Premier ministre et reste acceptable pour Alain Juppé et les chiraquiens. Néanmoins, en dehors du fait qu’il est troisième aujourd’hui, vu l’opposition avec Jean-François Copé et la détermination de Laurent Wauquiez, il n'est pas non plus certain qu’il puisse maintenir l'unité de la droite. En cas de défaite, comme les autres, il ne le pourrait pas.

On peut, évidemment, imaginer la situation pour les autres candidats. Mais je crois que beaucoup ont surtout l’intention de peser dans les rapports des forces pour se placer ou faire passer leurs idées. A l’exception peut-être de Bruno Le Maire qui semble avoir les qualités humaines qu’il faut pour réconcilier les droites mais qui semble encore un peu loin d’avoir acquis le charisme et le poids nécessaires dans l’appareil pour cette élection présidentielle. Il lui faudra probablement attendre la suivante.

Mais si l'on va jusqu'au bout de votre question, il n'est pas non plus certain que même si Nicolas Sarkozy reste, on n'assiste pas à des déchirures et des départs. A l'avenir, l'unité de la droite sera extrêmement plus difficile que l'unité de la gauche. François Hollande a beaucoup de chance, dans la mesure où les socialistes vont tous vouloir aller à la soupe et ne voudront pas tuer la poule aux œufs d'or. Tandis qu’à droite, beaucoup pensent qu’aller à la soupe nécessite d’abord de mettre la poule au pot.

François Hollande et Nicolas Sarkozy suscitent tous les deux un fort rejet chez toute une partie de leur électorat respectif. Mais s'ils sont, même par défaut, les meilleurs candidats pour leur camp alors qu'ils ne sont pas au sommet de leur popularité, qu'est-ce que cela nous dit sur la société française ? Y a-t-il un risque de voir à nouveau un Président élu "contre" une idée, comme en 2012, au lieu d'un Président qui suscite l'adhésion ?

Je ne sais pas si Nicolas Sarkozy est le meilleur candidat de la droite pour 2017. L’avenir le dira, en particulier ses propositions, ses capacités d’alliances et sa capacité à monter une véritable équipe et, à la diriger. Je crois qu'il est beaucoup plus fort que ce que l'on dit, mais peut-être pas assez fort pour maintenir l'unité et s’entourer d’une véritable équipe de campagne. Le problème est là. Les sondages ne disent rien des rapports de force internes, ni des capacités organisationnelles. 

Une chose est certaine : tous les calculs pseudo-savants se heurtent à un fait aujourd’hui incontournable : la présence de Marine Le Pen au second tour. Si François Hollande est élu, la question sera de savoir sur quelle base. Pareil pour Nicolas Sarkozy ou pour tout autre candidat. Avec Marine Le Pen, tout candidat qui passe le second tour paraît certain d’être élu sans avoir besoin de passer d'alliances. Par exemple, Jacques Chirac n'avait pas eu besoin de l'appui d'Alain Madelin en 2002, ce qui fait qu'il n'a pas fait les réformes libérales nécessaires et promises lors des élections présidentielles précédentes.

S'il est élu, François Hollande ne devra rien à personne. Fera-t-il des réformes ? Le plus probable est qu’il continuera de naviguer à vue, en fonction des rapports de force à l’Assemblée nationale qu’il ne maitrisera pas plus qu’aujourd’hui, car il ne tient pas le parti. Et il cédera dès que les syndicats iront dans la rue. Les courants socialistes gouverneront, ce sera le retour à une IVème République qui ne dit pas son nom.

A droite, ce sera le même problème. Le candidat élu ne se sentira pas tenu par ses alliés, libéraux, radicaux, démocrates-chrétiens. Nous l’avons vu dans ces deux régions où la droite a été élue avec le soutien de la gauche. Christian Estrosi et Xavier Bertrand se sont découvert des envies de centre-gauche. C’est un effet mécanique : cela rapproche la droite de la gauche et cela coupe les ailes de la réforme. Nous risquons donc d'avoir un pouvoir mou qui va hésiter à réformer alors qu’il faudrait être très offensif durant les premiers mois.

Ainsi, paradoxalement, la présence de Marine Le Pen brouille les cartes. Elle risque d'empêcher les réformes nécessaires. Et, surtout, elle rend un peu hasardeux les effets des jeux actuels, en dehors de la question sans intérêt qui semble passionner certains postulants au titre de vizir, leur propre carrière.

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