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Base de données : 
la botte secrète du PS ?
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Primaire socialiste

La polémique entre l'UMP et le PS sur le devenir des informations personnelles amassées lors de la primaire montre l'importance des bases de données dans la pratique politique d'aujourd'hui.

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier est entrepreneur, actif en Ukraine depuis 2006, ancien élève du DEA d’études russes de Sciences Po, et marié à une femme d’origine ukrainienne.

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Et si la polémique sur les risques de fichage des Français à l’occasion de la primaires du Parti socialiste était en réalité motivée par l’inquiétude de l’UMP de voir son adversaire se constituer une énorme base de données de sympathisants à quelques mois de l’élection ? Si c’est le cas, les socialistes sont bêtement tombés dans le piège en s’empressant de promettre la destruction rapide de ce fichier.

La question est de savoir ce qu’ils vont détruire exactement. Ils peuvent en effet détruire le fichier électoral mais conserver des formulaires qui seraient proposés de manière incitative dans les bureaux de vote et remplis par les participants qui le souhaitent.

La leçon des primaires américaines

Si on analyse les élections présidentielles américaines depuis 2000, on observe que c’est le candidat qui avait la plus grosse base de données qui a gagné à chaque fois. En 2000, Georges Bush a initié l’utilisation d’une méga-base de données qualifiée et a réussi, par des actions de marketing et de mobilisation bien ciblées, à faire basculer quelques Etats clés qui lui ont assuré son élection malgré un nombre inférieur de voix sur l’ensemble du territoire. La mobilisation de cette base de données lui a permis de maximiser son potentiel électoral et, ce faisant, de gagner une élection serrée.

En 2004, Georges Bush a massifié et raffiné cette technique en enrichissant considérablement la base de données de 2000. Et il a écrasé un candidat démocrate qui s’était contenté de faire campagne avec les techniques classiques.

Après 2004, les démocrates ont retenu la leçon et ont investi 20 millions de dollars pour créer leur propre base de données (Catalist), contenant des dizaines de millions d’américains segmentés selon leurs habitudes de consommation. Barack Obama l’a largement utilisé et a fini sa campagne avec 13 millions d’e-mails de supporters.

Terra Nova, un think thank du PS qui a étudié avec beaucoup d’attention la campagne d’Obama et a compris l’importance stratégique de la base de données Catalist, a fait beaucoup de pédagogie et de lobbying auprès des mammouths analogiques du PS sur cette question. Terra Nova est aussi un fervent défenseur des primaires… Vous me suivez ?

Bases de données : vrai pouvoir à l'heure d'Internet

Imaginons maintenant que 1 à 2 millions de Français participent à la primaire du Parti socialiste (cf le précédent italien). On peut penser que nombre d’entre eux accepteront de communiquer leurs adresses e-mails pour « rester informés ». Le PS se retrouvera alors avec un fichier de plusieurs centaines de milliers, voire plus d’un million, d’e-mails à quelques mois de l’élection présidentielle. De plus, le vote aux primaires créera une forme d’implication qui motivera beaucoup d’entre eux à s’engager pendant la campagne (comme cela est le cas lors des primaires américaines). De quoi mobiliser une puissante force de diffusion de ses messages et d’action, sur le web et sur le terrain.

Dans une société dans laquelle Internet devient le vecteur principal d’informations, le lieu privilégié ou se forge l’opinion, et où sont mobilisés les sympathisants, on imagine aisément l’avantage qu’aurait un candidat qui bénéficierait d’une armée de relais et de soutiens 3 à 5 fois plus nombreuse que celle de ses adversaires. Surtout dans une campagne qui s’annonce très serrée.

L’UMP a vu le danger et cherche les moyens d’entraver autant que possible le processus. C’est de bonne guerre. Compte tenu de sa réglementation, il est très probable que la CNIL ne s’opposera pas à la constitution et à l’utilisation par le PS d’un fichier d’e-mails librement communiqués par leurs propriétaires. La seule réplique possible pour l’UMP sera dès lors de trouver les voies et moyens de se constituer sa propre « méga » base de données.

Ce sera difficile, voire impossible, dans un pays qui a interdit la location des adresses e-mails à des fins politiques sauf accord explicite préalable (obstacle pratique majeur à la constitution de tels fichiers), mais a aussi interdit la publicité politique dans les 6 mois précédent l’élection (seul autre moyen de se constituer un tel fichier, à ma connaissance) et qui a plafonné les budgets des partis politiques et des campagnes électorales à un niveau « misérable » (les fichiers coûtent chers).

Quoi qu’il arrive, préparez-vous à la première campagne digitale de l’histoire politique française. Le net et le terrain seront les principaux champs de bataille. Or à la guerre, c’est dans l’écrasante majorité des cas celui qui a l’armée la plus nombreuse qui gagne (même si l’histoire populaire ne retient que les victoires acquises malgré la supériorité du nombre).

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