Basculer une partie des cotisations sociales vers la TVA ? Voilà pourquoi ça peut être une idée économiquement efficace ET socialement juste <!-- --> | Atlantico.fr
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La TVA est un impôt productif, offrant le meilleur rendement en matière fiscale, avec plus de 200 milliards d'euros prélevés sur la consommation.
La TVA est un impôt productif, offrant le meilleur rendement en matière fiscale, avec plus de 200 milliards d'euros prélevés sur la consommation.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

L'intention est là

L’idée régulièrement proposée par la droite a été reprise par Bruno Le Maire, lui valant, comme à l’accoutumée, les hurlements d’une partie de la gauche.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Dans une interview accordée à nos confrères de Sud-Ouest, Bruno Le Maire affirme vouloir augmenter la rémunération nette du travail. Pour remplir cet objectif, le ministre de l'Économie pense à faire basculer le poids d'une partie des charges sociales sur la TVA. Une mesure qui réparait souvent dans le débat public, mais qui fait bondir une partie de la classe politique pour son caractère prétendument antisociale. Mais selon vous, la TVA est-elle un impôt si inégalitaire ?  

Philippe Crevel : La TVA est un impôt productif, offrant le meilleur rendement en matière fiscale, avec plus de 200 milliards d'euros prélevés sur la consommation.

Bien que présente, une légère inégalité se manifeste, étant donné que les ménages les plus aisés consomment proportionnellement moins par rapport à leurs revenus que les ménages modestes. C'est pourquoi des taux réduits de TVA, variant entre 2,1% et 5,5%, ont été instaurés pour les produits de première nécessité, visant ainsi à corriger en partie cette disparité. Malgré ces nuances, la TVA demeure un impôt efficace aujourd'hui. Affirmer qu'il est le plus injuste des impôts serait exagéré, voire erroné.

Certains politiciens dépeignent la TVA comme un impôt profondément injuste, pesant davantage sur les moins fortunés que sur les riches. Cependant, la réalité est plus nuancée. La TVA n'est pas un impôt progressif, mais plutôt un impôt sur la consommation, ce qui explique son absence de prise en compte directe du niveau de revenu.

Sa mission principale n'est pas d'établir une corrélation avec le niveau de revenu, contrairement à l'impôt progressif sur le revenu. Ainsi, la TVA présente l'avantage d'avoir une assiette fiscale large et un taux proportionnel.

Un autre impôt proportionnel est la CSG, qui ne tient pas compte du niveau de revenu. Il s'agit donc d'un impôt proportionnel sur la consommation.

Il est vrai que les ménages modestes supportent une part plus importante de leur revenu en termes de consommation, ce qui entraîne une certaine pondération en leur faveur dans l'application de la TVA.

En proposant une augmentation des salaires par une baisse des charges sociales, Bruno Le Maire répond à une préoccupation des Français qui réclament plus de pouvoir d'achat. Pensez-vous que l'instauration de cette TVA sociale soit la bonne solution pour y parvenir ?  

Tous les 10-15 ans, la TVA sociale ressort du chapeau. Avec l'idée simple, c'est que ce serait pour donner un peu plus de salaire direct aux salariés et donc d'améliorer le butin de salaire. Mais in fine, ce que le salarié pourrait gagner d'un côté, il pourrait le perdre de l'autre. Et puis la deuxième idée, c'est de frapper les produits importés, qu'on frappe la consommation.

Et donc, ce serait dans le cadre d'un protectionnisme qu'on mettrait en place cette TVA sociale pour sauvegarder la production française. Pour un moment, ça pénaliserait évidemment celles qui exportent. Et puis d'autre part, ce ne sont pas les entreprises qui paient. Il faut bien se souvenir de ça. 

Le mécanisme de déduction de la TVA fait que ce ne sont pas les entreprises qui seraient en charge de payer, mais bien le consommateur final. Et donc ce serait une baisse de pouvoir d'achat. Et donc les salariés qui auraient pu donc gagner avec le salaire le perdraient donc en termes de pouvoir d'achat au niveau de la consommation. Et puis les retraités seraient les premiers perdants, parce qu'eux, ils n'auraient pas d'augmentation de salaire. 

Le cas échéant, quelle réforme faut-il mettre en place pour atteindre l'objectif fixé par Bercy ? 

L'exemple de l'Allemagne est instructif. En effet, sous les politiques initiées par Gerhard Schröder, l'Allemagne a augmenté sa TVA, mais à un taux bien inférieur à celui en vigueur en France à l'époque, se situant autour de 15%. Ils l'ont portée à 20%, comme nous le connaissons aujourd'hui en France.

Cette transition des charges sociales vers la TVA était accompagnée d'une certaine discipline budgétaire, avec un réel effort pour assainir les comptes publics et réduire les dépenses. Il serait souhaitable de voir une approche similaire en France. Cela implique la possibilité de réaliser des transferts pour renforcer la compétitivité à l'échelle internationale.

Cependant, de tels changements doivent être mis en œuvre dans le cadre d'une réforme plus globale des finances publiques afin de promouvoir la productivité, la compétitivité et la croissance. Sans cela, nous risquons simplement de déplacer la pauvreté. Par conséquent, bien que la TVA sociale puisse être une mesure intéressante, elle ne peut pas être la seule solution.

Il est important de reconnaître que nous avons peu de flexibilité en matière de TVA, étant déjà à un taux de 20%. Augmenter ce taux à 25 ou 26% aurait des répercussions significatives, notamment pour les retraités et les personnes les plus modestes.

Par conséquent, une telle mesure n'est pas facile à mettre en œuvre. Malgré les discussions récurrentes depuis une vingtaine d'années, la concrétisation de ces idées reste difficile, ce qui démontre la complexité de passer de l'intention à l'action dans ce domaine, compte tenu des implications en cascade.

Ainsi, une approche équilibrée pourrait impliquer une certaine réforme de la TVA, mais surtout des efforts soutenus en matière d'économies budgétaires.

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