Avec deux ans de recul, le Covid laisse plus de séquelles neurologiques que d’autres maladies respiratoires<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Covid-19 laisse plus de séquelles neurologiques que d’autres maladies respiratoires.
Le Covid-19 laisse plus de séquelles neurologiques que d’autres maladies respiratoires.
©Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Conséquences

Selon une étude de l’Université d’Oxford, deux ans après l'épidémie de Covid-19, les diagnostics de brouillard cérébral, de démence et d'épilepsie sont plus fréquents chez les personnes touchées par le virus, que celles touchées par d’autres infections respiratoires.

Maxime Taquet

Maxime Taquet

Maxime Taquet est un médecin de la Fondation académique au sein du Département de psychiatrie, qu'il a rejoint après avoir terminé ses études supérieures en médecine à l'Université d'Oxford. Avant d'étudier la médecine, Maxime Taquet a obtenu un doctorat en sciences de l'ingénieur axé sur le développement de nouvelles technologies d'imagerie cérébrale. Il a mené sa recherche doctorale entre l'UCLouvain (en Belgique) et la Harvard Medical School où il était chercheur.

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Atlantico : Vous venez de publier une étude étudiant les conséquences neurologiques et psychiatriques deux ans après une infection au Covid"Neurological and psychiatric risk trajectories after SARS-CoV-2 infection: an analysis of 2-year retrospective cohort studies including 1 284 437 patients". Quelle a été votre méthode? 

Maxime Taquet : On a utilisé les dossiers électroniques de patients atteints de Covid pour regarder ce qu’il se passait du point de vue de leur santé neurologique et psychiatrique dans les deux ans qui ont suivi le diagnostic du Covid. Nous avons fait ça pour 1,2 millions de patients, essentiellement aux Etats-Unis. Nous avons comparé le nombre de diagnostics neurologiques et psychiatriques par rapport à un groupe témoin de patients atteints d’autres infections respiratoires pendant la pandémie.

Vous concluez à une prévalence plus importante de brouillards cérébraux, de démence et d’épilepsies chez les patients ayant contracté le Covid. Qu’en est-il exactement ?

On savait déjà que les adultes, à un horizon de six mois, avaient des troubles plus élevés que ceux atteints d’autres infections respiratoires. Ce qu’on remarque à un horizon de deux ans c’est que pour un certain nombre de troubles, le risque ne diminue et continue même d’augmenter. C’est le cas de la démence, des troubles psychotiques, l’épilepsie et les brouillards cérébraux. Et cela est très inquiétant pour les patients et pour le système de santé.  La bonne nouvelle est que les brouillards cérébraux ne touchent pas les enfants. Et c’est une bonne nouvelle car les adultes qui en sont atteints subissent de lourdes pertes de concentration qui seraient très préjudiciables pour l’éducation des enfants. 

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A quel point ce phénomène est-il marqué ?

La différence existe, mais nous ne voulons pas donner l’impression qu’il va y avoir un tsunami de nouveaux cas de ces maladies. Dans le cas de la démence chez les personnes âgées (+ de 65 ans), le risque est de 4,5% pour les personnes ayant contracté le Covid, pour le groupe contrôle, c’est 3,3%. C’est loin d’être négligeable mais ce n’est pas un tsunami.

Pour autant, cela va poser des problèmes aux systèmes de santé ?

Oui car les systèmes de santé, en particulier les services dédiés à la santé mentale et neurologique sont, en France et en Angleterre, déjà saturés. Donc ajouter des cas supplémentaires peut poser de vrais problèmes. D’autant qu’il faut compter avec les troubles créés par la pandémie en tant que phénomène global comme l’anxiété ou la dépression qui ont augmenté, en particulier chez les enfants. 

Vous constatez justement que les problèmes d’anxiété et de dépression ne perdurent pas après deux ans. C’était une inquiétude ?

C’est l’une des bonnes nouvelles de l’étude en effet. Les risques de troubles de l’anxiété et de troubles de l’humeur augmentaient rapidement après avoir attrapé le Covid mais ils reviennent rapidement à la normale. A horizon de deux ans, les taux sont équivalents entre les deux groupes. 

Paul Garner, professeur émérite à l'école de médecine tropicale de Liverpool, a estimé à propos de votre étude que les faibles augmentations de démence et de psychose étaient "plus susceptibles d'être liées au bouleversement sociétal et à la dystopie que nous avons vécus, plutôt que d'être un effet direct du virus". Quelle est la part de vrai dans cette affirmation ? Quid des effets du parcours de soin et de l’hospitalisation liée au Covid ?

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On nous a fait la remarque que les facteurs contextuels, comme le fait de vivre en confinement, dans une pandémie, pourrait expliquer nos résultats, mais ce n’est pas le cas. Nous avons observé des gens qui avaient des infections des voies respiratoires pendant la pandémie, donc soumises au même contexte. Ce qui est vrai en revanche, c’est que le fait d’avoir le Covid, ce n’est pas simplement l’avoir dans le corps. C’est aussi s’imposer un confinement d’une semaine, craindre les effets d’un virus mal connu, etc. Et cela peut avoir des conséquences psychiatriques. On pense d’ailleurs que ces facteurs contribuent de manière significative aux troubles de l’anxiété et à la dépression. Le caractère transitoire de ces troubles, comme exposé avant, laisse supposer que le Covid n’a pas créé de nouveau cas mais précipité leur situation. La goutte d’eau qui fait déborder le vase en quelque sorte.

Quelles sont les autres « mauvaises nouvelles » de votre étude ?

L’une porte sur l’impact des variants. On espérait que, puisque Omicron est moins virulents par de nombreux aspects, il le soit aussi sur le plan neurologique et psychologique. Nous constatons qu’il n’en est rien. Le nombre de cas est tout aussi élevé avec Omicron qu’avec Delta. Et c’est préoccupant car beaucoup plus de gens ont été contaminés par Omicron.

Par ailleurs, l’autre mauvaise nouvelle, c’est que les enfants sont particuliers à risque de troubles épileptiques et psychotiques, type hallucination et schizophrénie (cela reste très rare, 18 enfants sur 10 000, contre 6 dans le groupe contrôle).

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C’est difficile de faire la comparaison. On parle beaucoup des Covid longs qui recouvrent une variété de symptômes dont notamment des difficultés persistantes du système respiratoire. Mais très clairement le cerveau est l’un des systèmes infectés.

Vous ne parlez pas de Covid long dans cette étude, pourquoi ?

Nous avons fait une précédente étude sur le Covid long, où nous regardions les effets sur plusieurs systèmes du corps humain. C’est ça qui caractérise le Covid long : les effets multiples, cœur, poumons, fatigue, etc. Ici on se focalise sur la neurologie et la psychiatrie, ce qui était trop restreint pour parler de Covid long, même si certains de ces troubles sont aussi reportés par des patients Covid longs, comme le brouillard cérébral.

Qu’est-ce qui peut, selon-vous, expliquer vos résultats ?

Nous avons plusieurs hypothèses et elles ne sont pas mutuellement exclusives. Possiblement, le virus vient se loger dans le cerveau et y causer des dégâts. Il est possible que le virus crée des petits caillots dans le sang qui créent des problèmes de vascularisation du cerveau. Il est possible que l’inflation causée par le virus devienne systémique. La dernière hypothèse est que l’inflammation virale provoque chez certaines personnes des maladies auto-immunes.

Quelles sont les limites de votre étude ?

La plus importante est que nous regardons des patients avec un diagnostic de Covid enregistré dans leur dossier médical. Cela exclut donc ceux qui ont eu le Covid et dont le système de santé n’a pas eu idée car ils n’ont pas eu besoin d’aller chez le médecin. Donc les résultats ne s’appliquent pas à la population globale des malades du Covid. Par ailleurs, notre étude ne parle pas de persistance des symptômes des individus puisqu’on ne peut pas les connaître par leur dossier électronique.

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