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Attentats de Paris : à quel coût s’attendre pour l’économie française ?
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

En détruisant des vies de façon abjecte, en semant la panique dans les grandes capitales, en obligeant les États à se défendre, le terrorisme djihadiste a aussi pour objectif de déstabiliser les systèmes économiques occidentaux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les djihadistes ont un projet de conquête et d’anéantissement. Leur objectif est de conquérir des espaces, des territoires habités, de les piller et de les ruiner pour qu’ils ne puissent plus résister. Ils ont le même projet que celui qu’avaient les nazis.

Les mouvements terroristes ont évidemment pour objectif de déstabiliser les systèmes économiques des États occidentaux. En créant la panique dans les opinions publiques, ils espèrent bloquer la consommation, en détruisant ou en paralysant des infrastructures de transports, ils visent l’asphyxie.

Plus grave encore, ils espèrent que les États s’épuiseront financièrement à mettre en place des systèmes de protection. Parallèlement, les djihadistes savent qu’ils peuvent recruter leurs soldats sur la misère occidentale.

L’impact économique des attentats du 11 septembre ont été difficiles à mesurer, mais pour tous les économistes, ils ont été considérables. Atrès court terme, les attentats ont évidemment paralysé le système financier qui avait été touché au cœur de Wall-Street. Mais ce système a été réparé assez rapidement. Plus grave, les pertes humaines irremplaçables et nombreuses ont néanmoins affaibli le potentiel du système financier américain.

Au-delà de ce bilan, surtout tragique en pertes humaines, les attentats ont provoqué une onde de choc traumatique qui a étouffé l’activité économique des États-Unis, déjà sonnés par l’éclatement de la bulle internet de l’an 2000. La consommation s’est arrêté alors que le troisième trimestre est traditionnellement le plus fort de l’année et beaucoup de projets d’investissements ou d’équipements ont été reportés d’un an. A la fois pour des raisons psychologiques mais aussi techniques : le coût de la protection, des contrôles, de la surveillance et de la sécurité renforcée, ce coût supplémentaire revient à sécuriser les opérateurs économiques mais freine aussi beaucoup d’initiatives. C’est évidement, qu’on le veuille ou non, une atteinte à la liberté.

Les effets négatifs se sont estompés en moins d’un an. La souplesse du système américain et la culture très réactive des américains, qui n’ont pas baissé les bras, avait permis redressement très rapide. Ceci dit, le facteur essentiel de la reprise est imputable à la politique monétaire et budgétaire américaine.

Washington a réagi très vite en ouvrant les vannes de la liquidité, puis en dépensant beaucoup d’argent publique. Notamment, pour financer l'effort accru de la sécurité intérieure mais surtout pour financer les deux guerres qui ont été engagées. La première en Afghanistan puis la seconde en Irak.

Au total, le gouvernement a dépensé plus de 100 milliards par an pendant 5 ans. En interne, le gouvernement a baissé les impôts et libéré les crédits « subprime» pour doper la demande et le moral de l’opinion.

La plupart des économistes, dont Joseph Stiglitz, ont expliqué que ces dépenses et cet afflux de liquidité ont sauvé le système américain qui a ainsi surmonté le traumatisme du 11 septembre. Mais cette politique de survie a profondément détérioré l’équilibre interne et a préparé le terrain de la crise financière internationale. Le 11 septembre a poussé le gouvernement américain à durcir sa politique étrangère et à gonfler ses dépenses militaires sans pour autant oser demander aux américains d’en payer le prix.

D’une certaine façon les terroristes, à l’époque conduits ou inspirés par Ben Laden, ont atteint une partie de leurs objectifs : contribuer à déséquilibrer le monde moderne, la mondialisation et le style de vie occidental.

Les attentats de Paris n’auront sans doute pas les mêmes conséquences. Mais au-delà de l’aspect politique et sociétal, l’objectif est de poursuivre cette action de déstabilisation des économies.

La raison en est très simple. Plus il y a de chômage en occident, plus il y a de difficultés socio-économiques, mieux c’est pour les dirigeants de Daesh qui ont parfaitement compris que les populations déshéritées - et pas seulement parmi les musulmans et le immigrés - constituaient des réserves de populations fragiles qui pouvaient être sensibles au radicalisme islamiste. D’où des réserves de militaires kamikazes à qui l'on offre un sens à la vie ou à la mort en leur promettant le paradis, à condition qu' ils aillent punir les mécréants. Donc plus l’économie cafouille, dérape, patine, mieux c’est pour les dirigeants de ces organisations terroristes.

Une série d’attentats aussi graves, et la crainte fondée d’en subir d’autres, a deux types de conséquences.

D'une part, à très court terme : le sentiment d’inquiétude freine la consommation, notamment à l’approche des fêtes. Les magasins sont fermés, les salles de spectacles et tous les lieux de rassemblement et de distractions se vident. Les mesures de contrôle accroissent le coût et la difficulté de développer des activités économiques normales. Tout devient potentiellement dangereux, le métro, les TGV et surtout les avions.

Toujours à très court terme, l’activité du transport et le tourisme, vont prendre un coup d’arrêt. Au lendemain des attentats en Tunisie, les hôtels se sont vidés. Ils le sont toujours. En France, on va connaître une vague d’annulations des réservations de touristes étrangers qui avaient prévu de passer Noël à Paris. Paris reçoit environ 80 millions de visiteurs en avion. C’est la ville, la plus visitée, dans le monde. Celle aussi où les visiteurs dépensent le plus d’argent pendant leur séjour. Le coup de frein va se transformer en coup de froid pour une économie qui tourne déjà au ralenti.

A plus long terme, tout va dépendre des décisions du gouvernement pour répliquer à ce risque de guerre. Le renforcement des contrôles à l’intérieur, la fermeture des frontières et le changement probable de la politique étrangère et d’immigration va coûter beaucoup d’argent . Notamment si l'on se résout enfin à renforcer l’effort de guerre en Syrie et si on accepte de traiter de façon intelligente la question des migrants. A la Défense, on estime les besoins à 5 milliards d’euros.

La façon dont la France organisera le financement de toutes ces dépenses supplémentaires n’est pas neutre. C’est d’autant moins neutre que nous ne sommes pas dans la situation des Américains après le 11 septembre. La société française est beaucoup moins réactive, elle se repose sur l’État Jacobin et protecteur alors que les Américains savent se prendre en charge eux-mêmes.

La France n’a pas, contrairement aux Américains, la possibilité de tirer sur des lignes de crédit sans fin. Nous avons des créanciers. Ces créanciers, ce sont principalement nos partenaires européens. Le moment va peut être venu enfin de demander à l’Europe de revoir le partage des factures.

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