Alerte nouveaux impôts : la fureur de l’Etat est bien partie pour s’abattre prochainement sur les Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Elisabeth Borne, Première ministre.
Elisabeth Borne, Première ministre.
©BERTRAND-GUAY / AFP

Transition écologique

Le plan de neutralité carbone d'Élisabeth Borne coûterait 66 milliards d'euros par an d'ici 2050 selon un rapport de France Stratégie.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : Alors que le plan de neutralité carbone d'Élisabeth Borne coûterait 66 milliards d'euros par an d'ici 2050 selon un rapport de France Stratégie, dans quelle mesure faut-il s'attendre à de nouveaux impôts massifs pour les Français ?

Philippe Crevel : Étant donné l'augmentation du déficit public et la nécessité de maîtriser les comptes publics, à moins de réaliser des économies substantielles dans les années à venir, la France devra inévitablement accroître la pression fiscale sur ses citoyens. La transition énergétique engendre des coûts considérables, et la hausse des prix de l'énergie nécessite un soutien aux ménages les plus modestes. Bien évidemment, il existe un risque non négligeable d'augmentation des prélèvements obligatoires.

Christian Saint-Etienne : Avec le gouvernement actuel, les impôts vont fortement augmenter, c’est certain. Maintenant, est-ce que c'est souhaitable ? La réponse est évidemment non. Non seulement ce n'est pas souhaitable, mais c'est l'inverse qu'il faut faire. Le projet Pisani-Ferry, je suis radicalement contre. Parce que ce qu'il prépare, c'est la stagnation dans la médiocrité, puisqu'il nous annonce que même en dépensant 66 milliards par an, ça serait avec un effet net sur la production et la productivité qui serait nulle. C'est une voie suicidaire, d'autant plus suicidaire que la France est à genoux. Après 25 ans de désindustrialisation, avec un double déficit colossal commercial et de l'action publique, une action qui, par ailleurs, est extrêmement inefficace. Il faut éviter ces augmentations qui ne feraient que nous enfoncer davantage, puisqu'elles consistent essentiellement à continuer de financer et même à augmenter le financement d'une action publique extrêmement inefficace. Alors il faut rappeler quelques chiffres. La dépense publique en France est de 57 points de PIB et nous sommes 9 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays pour avoir une croissance inférieure, des résultats scolaires catastrophiques, une insécurité croissante. Donc nous sommes sur la mauvaise pente depuis 20 ans. Et au fond, Pisani-Ferry en dehors de la partie du rapport qui appelle à accélérer la transition énergétique, tout le reste ne ferait qu'accentuer la dégringolade de la France dans les classements internationaux. Mais il ne suffit pas de dire que c'est mal d'augmenter les impôts, nous sommes tous d'accord sur le fait qu’il faut aller vers une économie plus sobre et qu'il faut réussir la transition vers une croissance durable et propre. Une fois qu'on a dit ça, la question est : comment fait-on ?

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Le 15 mai, Emmanuel Macron a annoncé une baisse d'impôts d'environ 2 milliards d'euros d'ici 2027 pour les classes moyennes. En 2017, il avait promis la suppression de la taxe d'habitation. Peut-on penser que ces impôts "supprimés" sont en réalité prélevés autrement ?

Philippe Crevel : La France est l'un des pays qui prélève le plus, notamment pour financer les dépenses sociales, ainsi que les multiples strates administratives telles que les communes, les départements et les régions. De plus, la dynamique de croissance des dépenses publiques entraîne une augmentation des prélèvements. Si la pression fiscale locale a déjà augmenté au cours des dernières années, le gel de la taxe d'habitation pousse les collectivités locales à augmenter d'autres impôts, tels que la taxe foncière. Par conséquent, les propriétaires doivent débourser davantage qu'auparavant. Cette dynamique s'intensifie depuis la crise sanitaire et semble vouée à se poursuivre en raison notamment du vieillissement de la population.

Dans quelle mesure cela reflète-t-il une incapacité à repenser une meilleure allocation des dépenses publiques ?

Philippe Crevel : Il est extrêmement difficile de réaliser des économies significatives. Emmanuel Macron a tenté de le faire en réduisant les aides personnalisées au logement en 2017, mais il a vite compris à quel point il est difficile de revenir sur les droits acquis en France. Les dépenses et les prélèvements augmentent en conséquence.

Dans son rapport, France Stratégie écrit : "Pour financer la transition (…) un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire. Celui-ci pourrait notamment prendre la forme d’un prélèvement exceptionnel (…) qui pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés". Peut-on vraiment croire en cette forme d'impôt temporaire ?

Philippe Crevel : Il est évident que si un tel impôt était créé, il y aurait un risque qu'il s'installe durablement. La transition énergétique ne sera pas résolue du jour au lendemain et durera plusieurs décennies. Il y a donc de fortes chances que cet impôt devienne une composante pérenne de notre système fiscal, similaire à une nouvelle version de l'ISF.

Dans quelle mesure la dynamique et le poids des prélèvements obligatoires ont-ils un impact sur notre croissance économique ?

Philippe Crevel : Il est vrai que la France affiche une croissance économique moins soutenue que certains de ses partenaires qui ont des prélèvements obligatoires moins élevés, comme les États-Unis ou l'Allemagne. Toutefois, les pays scandinaves qui présentent des taux de prélèvements obligatoires élevés parviennent également à réaliser une croissance significative. Cela limite la création de richesse par le secteur privé, ce qui n'est généralement pas associé à une accélération de la croissance, bien qu'il existe des exceptions.

En 2017, une note de France Stratégie envisageait des moyens de réduire les déficits dans la zone euro, notamment en instaurant un impôt exceptionnel sur le capital immobilier résidentiel ou en faisant de l'État un copropriétaire de tous les terrains résidentiels constructibles. Sommes-nous fondés à penser que l'impôt est la solution en France ?

Philippe Crevel : La France est un pays où l'administration publique joue un rôle important dans l'économie et la société. Par conséquent, l'État utilise tous les moyens dont il dispose, et la fiscalité est un outil de contrainte, de coercition et d'orientation utilisé depuis de nombreux siècles. Il y a une tendance interventionniste de l'État dans notre pays, que l'on observe à travers les niches sociales, les mécanismes de bonus-malus, etc. L'impôt est souvent considéré comme un moyen de modifier les comportements des ménages et des entreprises.

L'opinion publique est de plus en plus sensible aux prélèvements obligatoires. D'ailleurs, le mouvement des Gilets Jaunes, qui a surpris par son ampleur, sa durée et sa violence, a été déclenché par une augmentation de la taxe sur les carburants. Il existe donc un risque élevé de voir se multiplier de telles tensions dans les années à venir. Le gouvernement tente d'être de plus en plus sélectif dans ses cibles afin d'éviter de telles révoltes. Les impôts fonciers, qui ne concernent que les propriétaires, soit 58% des Français, sont un outil parfait pour augmenter les recettes sans toucher l'ensemble de la population. En Allemagne, la mesure la plus efficace est la réduction des dépenses ! Cependant, cela s'avère beaucoup plus difficile à mettre en œuvre en France, même s'il est nécessaire de revoir l'ensemble du système. La difficulté de mener des réformes réduit considérablement la marge de manœuvre de l'État. Par défaut, l'augmentation des impôts est la mesure la plus simple à prendre, car les autres options nécessitent rigueur et remise en question de certains mécanismes liés à la dette publique.

Pourquoi dans la trajectoire actuelle, les choses vont forcément se traduire par une hausse d'impôts ?

Christian Saint-Etienne : Parce que si vous lisez le rapport de Pisani-Ferry, il le dit lui-même, son modèle n'ajoute rien à la production et à la productivité. Donc on va continuer de stagner à 1% de croissance. Donc comme on va devoir réduire massivement le déficit public et réduire le déficit extérieur, on va devoir en passer par des hausses d'impôts dans le modèle de croissance actuel qui est en fait un modèle de stagnation.

Être à 1% de croissance, c’est une situation de stagnation. En dessous de 1,7- 1,8 de croissance annuelle, vous ne pouvez pas réduire le déficit public ou le déficit extérieur. Pour éviter cela, il faut une croissance et une réindustrialisation écologique vertueuse. Mais Elisabeth Borne et Pisani-Ferry semblent contents du modèle de stagnation qui règne depuis vingt ans. Et pour cause, ils en sont des co-constructeurs.

La taxe foncière va encore augmenter. Qu’est-ce que cela traduit ?

Christian Saint-Etienne : Ça traduit l'inefficacité de l'action locale. Vous avez une inefficacité globale de l'action publique. L'objectif d'une politique stratégique intelligente, ça serait de diviser par 2 l'écart de dépenses publiques :  8 à 9 points de plus de dépenses publiques que dans les pays comparables qui ont la même monnaie.

L'objectif, c'est de réussir la réindustrialisation écologique et la transition écologique tout en éliminant la moitié de l'écart en quelques années.  Obtenir effectivement la baisse de 4 points de la dépense publique. A prélèvement constant, vous pouvez en un quinquennat revenir à un déficit autour d'un demi-point de PIB, et là vous enclenchez une baisse rapide du ratio d'endettement sur PIB et vous retrouvez une confiance complète des marchés.

Emmanuel Macron a annoncé une baisse d'impôts pour les classes moyennes, d'un montant estimé à environ 2 millions d'euros d'ici 2027. Au cours de son premier quinquennat, il a acté la disparition de la taxe d'habitation. La réduction d’impôts n’est-elle qu’en trompe-l’œil ?

Christian Saint-Etienne : La suppression de la taxe d'habitation a été une erreur stratégique majeure parce qu'elle a coupé l'action locale de la fiscalité locale. La taxe d'habitation, tout le monde la payait. Elle est nécessaire et d'ailleurs dans l'histoire de la fiscalité, le premier impôt, qui a toujours été mis en place, c'est l'équivalent de la taxe d'habitation. Vous habitez dans une commune ? Vous exigez que les trottoirs, des routes goudronnées, des écoles communales qui sont chauffées l'hiver avec une cantine, vous voulez que ce soit éclairé la nuit, etc. c'est la taxe d'habitation qui doit payer. La suppression de la taxe d'habitation, c'est une monstruosité. D'ailleurs je vous annonce qu'elle reviendra, cette taxe d'habitation, sous un autre nom, mais on ne va pas pouvoir y couper. La taxe foncière, elle a été voulue par la gauche. Quand Macron a supprimé la taxe d'habitation, c'était une mesure de gauche puisque tout le monde la payait alors que maintenant la taxe foncière il y a que les "salauds de propriétaires" qui la payent. En supprimant la taxe d'habitation, Macron a fait une mesure de gauche en faisant peser l’impôt sur les « méchants » propriétaires. C’était une mesure idéologiquement marquée et vicieuse. 

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