Alerte enlèvement : cette trappe à invisibilité dans laquelle se sont laissés aspirer les LR<!-- --> | Atlantico.fr
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Christian Jacob, président du groupe du parti Les Républicains, prononce un discours, au siège du parti à Paris, le 9 juin 2021 lors d'un comité stratégique en amont des élections présidentielles de 2022.
Christian Jacob, président du groupe du parti Les Républicains, prononce un discours, au siège du parti à Paris, le 9 juin 2021 lors d'un comité stratégique en amont des élections présidentielles de 2022.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Les Républicains

Les Républicains vont devoir agir et se remobiliser pour sortir de la trappe à invisibilité dans laquelle ils semblent être installés. L'information selon laquelle Christian Jacob aurait commandé des sondages pour permettre de choisir le candidat LR à la présidentielle de 2022 est sortie dans une relative indifférence.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Les informations concernant Les Républicains peinent, dernièrement, à faire la une des journaux. Par exemple, les révélations de Médiapart concernant les meetings de Valérie Pécresse ont fait peu de bruit, alors qu'en 1990, la même pratique par Olivier Stirn avait suscité une vive polémique. Autre élément encore plus révélateur : l'information selon laquelle Christian Jacob aurait commandé des sondages pour choisir le candidat LR à la présidentielle est sortie dans une relative indifférence. La droite traditionnelle et en particulier LR, est-elle en train de devenir une quantité négligeable sur le plan médiatique et de l’opinion publique ?

Arnaud Benedetti : Les Républicains n’ont plus d’identité, d’incarnation, de projet : trois paramètres constitutifs indispensables pour donner de la visibilité à une offre politique. Ils n’accèdent à l’intérêt médiatique qu’en négatif : épisode Muselier en PACA, dissensions internes, etc… Ils ne suscitent l’attention au stade où nous parlons qu’à l’instar d’un astre mort dont la lumière continue néanmoins à parvenir jusqu’à nous. Méfions-nous néanmoins de l’effet d’optique qui dans le moment suscite cette perception d’une insignifiance. Nous traversons un trou d’air où l’infotainment se repaît des marques sans doute les plus spectaculairement médiatiques parce qu’elles sont fortement personnalisées comme le RN avec Marine Le Pen, le macronisme avec Emmanuel Macron ou LFI avec Jean-Luc Mélenchon. Cette aptitude à susciter de l’identification est au demeurant une constante de la vie politique sous la Vème République dont les caractéristiques institutionnelles profondément travaillées par la présidentialisation rencontrent opportunément les besoins de l’écosystème médiatique. Toutes les autres offres partisanes éprouvent aujourd’hui des difficultés similaires à celles des républicains à capter la lumière derrière ce triptyque qui semble occuper toute la scène. Encore faut-il nuancer car le trio de tête domine en raison de qualités propres différentes : le RN s’appuie sur un socle sociologique solide et continu ; le macronisme, lui, dispose  du pouvoir ; quant à la France Insoumise sa pénétration éditoriale  est indissociable de la personnalité de son leader et de sa contre-programmation permanente au regard des thématiques prioritaires de l’agenda politique qu’il prend souvent à rebrousse-poil comme la sécurité, l’enjeu d’autorité ou la question migratoire. 

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Comment expliquer que LR suscite ce relatif désintérêt ? Est-ce dû à un une incapacité du parti à proposer des idées ou des initiatives susceptibles de retenir l’attention ?

La politique c’est aussi être en mesure de produire du charisme. On le cherche en vain pour l’instant. Lorsque vous êtes métabolisé  par des forces concurrentes sur le plan des idées - c’est le cas des Républicains incapables de s’extirper de la tenaille mariniste et macroniste depuis 2017 - il ne vous reste plus qu’à vous en remettre à la providence du sauveur, l’un des mythes récurrent et fondateur de toute aventure politique comme l’expliqua en son temps l’historien Raoul Girardet. En 2007, Sarkozy a rempli cette fonction, qui plus est, dans un tout autre contexte. La réalité des républicains est une réalité souffrante : ils ne sont plus qu’un parti d’élus, disposant d’une indéniable implantation territoriale , avec le maillage le plus dense sans aucun doute , mais il n’existe plus sur le  plan des idées, ni sur celui de l’incarnation. Ce parti sans projet, ni offre charismatique est avant tout un parti de notables dont l’essence même ne correspond plus à la conformation de la Vème République, ni encore une fois à la prédominance qu’ont pris les nouveaux dispositifs médiatiques dans le champ politique. Ce parti peut produire des élus mais toute force créatrice semble s’en être échappée. Sous la Vème, la mobilisation créatrice d’un projet autour d’un homme est au principe de la matrice politique du régime. Les Républicains sont désormais une formation de la IIIème ou de la IVème République sous… la Vème République. En d’autres termes, ils ne sont plus qu’un parti, ou un cartel d’élus - ce qui est notoirement insuffisant pour retrouver une robustesse. L’obsolescence qui frappe Républicains et affiliés vient néanmoins de loin. 

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Le problème est-il plus profond que le sujet de LR ? S'agit-il, à l'heure des réseaux sociaux et chaînes d'infos en continu, du problème d'un monde médiatique qui ne se satisfait plus des questions internes à la vie des partis pour se focaliser sur les polémiques ou actes plus susceptibles de faire le buzz (comme, cette semaine, les propos complotistes de Jean-Luc Mélenchon, la petite phrase de Gérald Darmanin sur le caractère satanique du RN, etc.) ? 

L’affaissement de la droite républicaine a d’abord des racines historiques. Elles résultent de l’abandon progressif du gaullisme par le parti qui en était l’héritier. Chirac pour s’assurer du soutien de la composante libérale et centriste a troqué le logiciel politique de sa famille d’origine contre le corpus dominant de ses alliés UDF qui ont gagné de ce point de vue la bataille des idées. Cela commence dés les années 1980 lors de la première cohabitation où l’on entre progressivement dans un processus d’indifférenciation idéologique au sein même de la droite dans le but de conquérir le pouvoir. Cela ne se fera pas sans mal et dés 1992 la faille interne s’élargit à nouveau  autour de la question de Maastricht où une partie des gaullistes va refuser cet alignement. L’acculturation du néo-bonapartisme à l’orléanisme, pour reprendre les catégories chères à René Rémond, résulte d’un troc implicite où le leadership d’un homme, Chirac, se paye au prix d’un aggiornamento autour du centre-droit et de ses principes : adhésion sans réserve au projet bruxellois, refus de toute compromission avec le Front National, gentrification de l’électorat… L’UMP en 2002 naît sur cette base idéologique, quand bien même un courant populaire en son sein s’efforce d’exister. Le référendum de 2005 constitue un coup de semonce pour cette stratégie que Nicolas Sarkozy infléchit en 2007 par la triangulation qu’il exerce sur la droite mais qu’il annihile in fine par la réactivation du traité constitutionnel via la fenêtre du processus de Lisbonne. Même s’il demeure référentiel pour une partie de l’électorat de droite, le retour avorté de l’ancien Président s’explique aussi, entre autres, par les ambivalences de son positionnement. Sarkozy a développé une rhétorique susceptible de reconquérir une partie des classes populaires mais sa politique n’a pas modifié fondamentalement le curseur idéologique de la droite républicaine reconstruite par Chirac. Cette impasse depuis ne cesse de perdurer ; le crash de François Fillon a rendu possible l’élection inattendue d’Emmanuel Macron, lequel depuis exerce une attractivité forte sur les segments électoraux du centre-droit. De cette impasse, la droite républicaine n’est pas parvenue à s’extirper, faute de leader et de capacité à se repenser politiquement, à l’instar de ce qu’a pu faire un Boris Johnson au Royaume-Uni avec le parti conservateur.

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Le fonctionnement de l’espace médiatique qui privilégie les aspérités, les clashs, les personnalités clivantes marginalise sans doute cet ensemble flou qu’est devenu la droite républicaine mais il ne suffit pas à expliquer sa perte d’audience. Il ne fait que la sursouligner, nonobstant le fait que cette droite là de gouvernement dispose encore d’un socle électoral puissant comme en atteste sa représentation parlementaire et son tissu d’élus territoriaux. Ce que dit aussi ce hiatus c’est qu’il existe un pays virtuel, celui des sondages, des réseaux sociaux, des plateaux de télés qui ne correspond qu’imparfaitement à la réalité électorale du terrain ; il dit surtout que c’est cette arène virtuelle qui contribue à construire les marques politiques présidentiables, lesquelles néanmoins disposent tant du coté macroniste que mariniste d’accroches sociologiques solides. Tout se passe comme si la droite républicaine, forte territorialement, était incapable de retrouver une visibilité nationale.

Les Républicains sont-ils en capacité de sortir de la dynamique dans laquelle ils se sont laissés enfermés ?

Tout dépendra pour une partie du résultat des régionales. Une victoire du RN dans une ou deux régions n’arrangerait pas, c’est un fait, leur situation. Dans cette hypothèse le risque est grand de voir le dépeçage de leur marque s’accélérer entre macronisme d’un côté et marinisme de l’autre. L’échec du RN, à contrario, à conquérir des exécutifs régionaux leur fournira encore un peu d’oxygène. Reste à savoir ce qu’ils en feront. Dans tous les cas, ils auront à choisir à priori  entre quatre possibilités : le ralliement à un candidat hors du parti mais issu historiquement de leurs rangs (hypothèse Bertrand ou Pécresse); le recours à une personnalité encore dans le parti mais dont le capital politique assure une stabilité d’image (hypothèse Baroin ou Barnier) avec toutefois le risque de ne pas être fondamentalement différenciant par rapport à Emmanuel Macron ; le choix d’une option plus droitière (hypothèse Wauquiez, Retaillaux) mais avec la difficulté à creuser un sillon compte tenu de la concurrence du RN ; l’émergence d’un candidat inédit comme David Lisnard par exemple ou tout autre  qui articulerait exigence économique, expérience locale, souci des enjeux de civilisation et effet de nouveauté mais seule une primaire à ce stade est susceptible de susciter ce profil de candidature. Une présidentielle c’est un candidat, un projet, un peuple ; à ce stade aucune des options évoquées n’est en mesure de se détacher nettement ; le projet reste en jachère ; quant au peuple il est du coté des csp plus chez Emmanuel Macron et du coté de Marine Le Pen pour ce qui relève des catégories populaires… 

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