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Alain Juppé, auréolé de son expérience et de son entrée tonitruante dans la campagne de la Primaire n’a pas jugé utile de définir une stratégie de marque. Son produit lui semblait bon, technique, robuste, à l’épreuve du temps.
Alain Juppé, auréolé de son expérience et de son entrée tonitruante dans la campagne de la Primaire n’a pas jugé utile de définir une stratégie de marque. Son produit lui semblait bon, technique, robuste, à l’épreuve du temps.
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Le b.a.-ba

Les Français ont rejeté le chef trop injonctif, ils ont rejeté le technocrate trop explicatif, ils ont préféré l’âme française plus narrative. Cette primaire s’est jouée, non pas sur les idées somme toute assez proches pour chacun des candidats, mais d’un point de vue rhétorique et sémantique.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Il était pourtant "le meilleur d’entre nous", de la rue de l’Ulm à Matignon, Alain Juppé aura brillé par son intelligence. Ministre à 5 reprises, dont trois fois avec le titre de ministre d’Etat, ses compétences sont indiscutables et c’est pour cela qu’il a été nommé. Et quand il a eu la mauvaise idée d’annoncer qu’il démissionnerait de ses fonctions ministérielles en cas d’échec électoral, il a dû faire ses valises car manifestement l’homme n’entraîne pas les foules. Il lui manque ce petit supplément d’âme qui fait vibrer. Quand Nicolas Sarkozy parle, le chef s’exprime ; quand François Fillon parle, la France s’exprime ; quand Alain Juppé parle, l’ENA s’exprime.

Les Français ont rejeté le chef trop injonctif, ils ont rejeté le technocrate trop explicatif, ils ont préféré l’âme française plus narrative.

Cette primaire s’est jouée, non pas sur les idées somme toute assez proches pour chacun des candidats, mais d’un point de vue rhétorique et sémantique.

Pour Cicéron la rhétorique vise trois objectifs : instruire, charmer et émouvoir. On ne peut pas dire que les deux finalistes soient de brillants rhétoriciens mais François Fillon a su charmer et émouvoir. Il s’est battu, il y a cru et a transmis sa passion de la France. Chaque mot de ses interventions donne du sens à son engagement. Pour ou contre, là n’est pas le débat ; il a raconté la France qu’il veut sans tomber dans le piège de « nos ancêtres les Gaulois », il a exprimé une certaine idée de la France chère au Général de Gaulle, il a suscité l’émotion, réveillé les passions, il a écrit le storytelling d’une marque de droite qui se cherchait depuis 2012 quand elle a perdu ses filiales du centre. Il a repris l’ADN de la marque (le RPR), écrit la bible des valeurs et est revenu aux fondamentaux.

Alain Juppé, auréolé de son expérience et de son entrée tonitruante dans la campagne de la Primaire n’a pas jugé utile de définir une stratégie de marque. Son produit lui semblait bon, technique, robuste, à l’épreuve du temps, c’est la LADA de la politique française. Et Juppé a cru qu’un léger lifting lui donnerait l’air progressiste, social-démocrate et rassembleur mais la société française veut de l’authentique.

Juppé s’est trompé, sa  stratégie de communication ne pouvait plus reposer uniquement sur le produit et quelque considération électorale. Si dans le schéma d’Alain Juppé la marque n’est qu’un simple instrument de communication servant à promouvoir son produit, pour François Fillon la marque doit proposer du sens (commun !) et des mondes possibles établissant avec l’électeur une complicité qui dépasse le produit et s’enracine dans le discours. La marque de François Fillon est un projet de signification dont les idées ne sont qu’une des manifestations.

Fillon a compris que la marque doit proposer des univers imaginaires, des rêves, des valeurs qui confèrent un sens particulier aux idées présentées. Il a dépoussiéré la droite, il a proposé un projet sur le marché politique enrichi de tous les éléments perceptibles de l’identité de la droite transmettant les valeurs inhérentes à son éthique.

L’électeur de droite retrouve avec Fillon une passion française, une identité culturelle, le sens de la famille, les valeurs chrétiennes, bref tout ce qui fait l’exception française dans sa version la plus conservatrice sans jamais déraper sur son extrême.

Alain Juppé a cru que l’ouverture au centre et à gauche serait le meilleur moyen d’élargir son électorat mais à trop se diversifier il a perdu les électeurs de droite qui sont fidèles à une certaine sémantique gaullienne.

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