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Acte II du quinquennat : le plein emploi ou rien
©Dimitar DILKOFF / AFP

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L'acte II du quinquennat d'Emmanuel Macron doit obligatoirement se traduire par une amélioration des performances économiques française et le retour au plein emploi.

William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Le Chef de l’État n’a pas réussi à remporter son pari de terminer en première position des élections européennes. Si le déclin des deux partis de gouvernement illustre son talent politique indéniable, son manque de résultat sur le plan économique mine ses possibilités de réduire l’espace politique du Rassemblement national durablement. En effet, il ne suffit pas seulement de se satisfaire (de manière tout à fait relative) de la comparaison des résultats électoraux de la République en Marche avec ses concurrents français mais également de mettre ces chiffres en perspective avec nos voisins européens. Le résultat est ainsi frappant : Emmanuel Macron est l’un des seuls chefs de l’exécutif à n’avoir pas réussi à terminer en tête des élections européennes, avec Theresa May en Grande-Bretagne qui a annoncé sa démission pour le 7 juin prochain, et Alexis Tsipras qui a appelé à des élections législatives anticipées. Pour ne pas tomber uniquement dans une guerre de slogan dans son combat contre les « populistes », le président de la République doit entamer l’acte II de son quinquennat par une amélioration de nos performances économiques en rattrapant nos voisins, notamment sur sa promesse de plein emploi.

En dépit des dépenses publiques engagées en faveur de l’emploi depuis trente ans, la France reste marquée par un chômage élevé touchant aujourd’hui près de 3 millions de personnes au sens des critères retenus par le bureau international du travail (BIT), et ne parvient qu’imparfaitement à soutenir les personnes les plus en difficulté sur le marché du travail.Ce résultat est le fruit d’un double processus - cumulant mauvais choix au niveau européen et politique nationale de l’emploi inadaptée - et se démarque ainsi de certains pays européens qui réussissent à concilier faible chômage, taux d’emploi élevé et qualité des emplois. Si le maintien du chômage de masse en France est largement imputable à nos gouvernements successifs, la résolution de ce problème français dépend égalementd’une révision en profondeur des mécanismes européens rendant l’environnement institutionnel favorable aux réformes de grande ampleur.

Au niveau de l’Union européenne, les choix politiques ne parviennent pas à profiter des phases montantes des cycles économiques pour anticiper ou rattraper l’impact des phases descendantes. En comparaison les Etats-Unis ont retrouvé leur niveau économique d’avant-crise dès 2014, avec en 2018 un taux de croissance de 4,1% et un niveau de chômage de 3,8% (contre 10% en 2009). L’Union européenne, elle, a timidement renoué avec la croissance mais des zones entières n’ont toujours pas retrouvé leur PIB d’avant-crise, et cela avec un niveau de chômage plus important (6,8%).

Sur le plan monétaire, la différence entre les résultats américains et européens résulte de la mission assignée à leur banque centrale respective :la BCE, animée par le paradigme exclusivement anti-inflationniste,devrait pour évoluerinscrire dans ses statuts l’objectif d’assurer non seulement la stabilité des prix, mais aussi le plein emploi et une croissance durable et soucieuse de l’environnement. Sur le plan budgétaire, le choix idéologique allemand ordolibéral de restriction de la politique budgétaire des États membres a montré ses limites. Pour une politique économique plus efficace et plus juste, l’Union européenne doit donc offrir plus de souplesse aux Étatsmembres qui veulent provoquer un choc de demande et d’investissement, tout en permettant un soutien coordonné dans le cadre du semestre européen et un renforcement du plan Juncker.

Avec ces différentes marges de manœuvres débloquées, la France pourra s’attaquer réellementaux multiples facteurs à l’origine du chômage de masse : disparités géographiques et de formation criantes, faible adéquation de la politique de l’emploi etmanque de soutien aux entreprises. 

Avec un taux de chômage bien supérieur à 10 % depuis plus de dix ans dans certains territoires, la lutte contre la fracture territoriale est essentielle et doit passer par un grand plan d’aménagement du territoire afin de mieux connecter les territoires ruraux avec les lieux de création d’emploi, ce qui suppose un renforcement des investissements dans les transports du quotidien. Mais la fracture est également sociale, entre les travailleursqualifiés et ceux qui le sont peu. Répondre à cette dualité suppose une réforme de la formation initiale pour renforcer les filières professionnelles et les apprentissages, ainsi qu’une réforme de la formation professionnelle pour bénéficier plus équitablement aux travailleurs les moins qualifiés. 

En complément, la politique de l’emploi doit être réformée pour être moins dispendieuse (122 milliards d’euros en 2015) et être plus efficace. Il s’agit à la fois de mieux cibler les allègements de charges sociales sur les emplois peu qualifiés et de réviser le mode de financement de la protection sociale pour baisser les prélèvements sur le travail, tout en assurant une plus grande personnalisation de l’accompagnement vers l’emploi face à l’hétérogénéité grandissante des parcours.A cet égard, le dispositif de retour sur le marché du travail doit être revu et l’assurance-chômage réformée. Sansviser principalement à réduire la période d’indemnisation, la réforme visera plutôt à la moduler selon le cycle économique (durée d’indemnisation plus longue en période de récession) et l’âge du demandeur (durée plus longue pour les seniors), ainsi qu’à plafonner l’indemnité chômage à 3 fois le salaire médian, le taux d’emploi des cadres étant plus élevé que celui des employés non qualifiés. Cependant, une politique de l’emploi plus efficace ne pourra pas faire l’économie d’une refonte globale de l’État providence. Il est ainsi impératif de revenir à un État providence moins lourd avec une baisse de la dépense publique à 50% du PIB (contre 56,5% actuellement), permettant ainsi tant la baisse d’impôts que la libération de nouvelles ressources pour investir pour trouver les emplois de demain.

Enfin, la baisse du chômage doit également résulter d’un soutien aux entreprises comme le démontre les résultats dans les autres pays européens ou même en France, avec les effets de la politique de François Hollande à partir de 2014. Ce soutien accruaux entreprises reposerait sur trois piliers : améliorer la capacité des entreprises à investir, modérer le coût du travail pour gagner en compétitivité et spécialiser l’industrie dans des produits à forte valeur ajoutée. Cela suppose ainsi de poursuivre la baisse des charges sociales avec la transformation du CICE et la mise en place d’une TVA sociale de 4% qui rapporterait environ 30 milliards d’euros (destinée pour moitié à la baisse des charges sociales pesant sur le salarié pour augmenter le pouvoir d’achat, et l’autre moitié sur les entreprises). De plus, la montée en gamme et la spécialisation accrue de l’économie française passera par la remise en place du Commissariat au plan afin à la fois de soutenir les entreprises sur le plan extérieur et d’améliorer la cohérence entre nos investissements dans la recherche et le développement et notre stratégie industrielle.

Nos voisins européens ne nous ont pas attendu pour lutter contre le chômageen adoptant des plans globaux à l’image de l’« Agenda 2010 » mené par Gerhard Schröder. Seulement, pour entamer les réformes structurelles nécessaires, le Gouvernement a raté le coche en ne baissant pas les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires pendant le bon cycle économique. Avec une faible perspective de croissance, le Gouvernement ne pourradès lorsentamer des réformes qu’en se soustrayant temporairement aux critères de déficit du Traité de Maastricht et en révisant le cadre européen actuel. L’Europe doit accompagner cette transformation française sous peine de vivre le même destin que la France avec une montée irrésistible des formations populistes comme le démontre les résultats des dernières élections européennes.

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