6 mois à Paris, 8 à Marseille : ce temps de vie que la pollution de l’air vous vole<!-- --> | Atlantico.fr
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Un parisien perdrait 30 minutes de vie par jour à cause de la pollution.
Un parisien perdrait 30 minutes de vie par jour à cause de la pollution.
©Reuters

Un grand bol d'air (qui tue)

L'air que nous respirons dans les grandes villes – et notamment les particules fines qu'il peut contenir – a un impact direct et avéré sur notre durée de vie. Les mécanismes sont maintenant bien connus du monde médical.

Pierre Souvet

Pierre Souvet

Le Dr Pierre Souvet, cardiologue, est le président de l'Association santé environnement France (ASEF). Il travaille en collaboration avec l'observatoire atmosphérique du Ballon de Paris.

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Atlantico : Un parisien perdrait 30 minutes de vie par jour à cause de la pollution (selon le baromètre de calcul établi par les scientifiques américains David Roberts et Nick Riesland). Quelles sont les conséquences de la pollution sur l'espérance de vie ? A quoi s'expose-t-on concrètement rien qu'en respirant l'air ? De quelles pollutions s'agit-il ?

Pierre Souvet : C’est maintenant avéré, la pollution de l’air peut nous rendre malades.Ces pathologies ont bien entendu un impact sur l’espérance de vie. C’est ce qu’a évalué l’étude Aphekom publiée en 2011 et menée dans 12 pays européens. Par exemple, à Paris, si on respectait l’objectif de qualité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les microparticules inférieures à 2,5 micromètres (PM2,5 pour les intimes), les habitants pourraient vivre 6 mois de plus. A Marseille, c’est 8 mois !

En plus d’avoir des effets nocifs sur notre santé, la pollution de l’air aurait également des conséquences économiques. Entre les soins, la perte de revenus liés à l’absentéisme, la perte de capacité productive, mais aussi les amendes pour non-respect des normes, la pollution de l’air nous coûterait chaque année des millions voire des milliards d’euros.

Les particules fines sont en grande partie responsables de ces effets sanitaires. Elles sont très nocives car, étant de petites tailles, elles pénètrent plus profondément dans l’appareil respiratoire jusqu’à atteindre les poumons. Elles sont émises principalement par les véhicules – les diesel notamment – le chauffage et les industries.

De quelles maladies parle-t-on ? A-t-on toutes les données en main ou sommes-nous encore face à une inconnue sur les conséquences de cette pollution ?

Les impacts de la pollution de l’air sont maintenant avérés : elle affecte notre système respiratoire en favorisant l’asthme, les allergies, les maladies respiratoires chroniques, voire même le cancer du poumon. En octobre 2013, elle a d’ailleurs été classée comme "cancérigène certain" par l’OMS. Notre système cardiovasculaire en pâtit aussi. Les pathologies les plus fréquentes sont les maladies coronariennes et les accidents vasculaires cérébraux (AVC).

On commence en effet à comparer ce fléau au tabagisme. L’étude Aphekom a justement montré que la pollution automobile aurait un impact comparable à celui du tabagisme passif dans la survenue de l’asthme chez l’enfant. A Barcelone par exemple, 23% des cas d’asthme sont associés à la pollution de l’air. Or, selon l’OMS, le tabagisme passif pourrait être impliqué dans 4 à 18% des cas d'asthme.

42 000 personnes décèdent chaque année en France, est-ce le nouvel enjeu sanitaire de ce siècle ? La situation va-t-elle sérieusement empirer ?

C’est en tout cas un problème à prendre très au sérieux. Si on ne fait rien pour améliorer la qualité de l’air, la situation va surement empirer d’autant plus que le réchauffement climatique fait craindre une accentuation de la pollution de l’air.

En 2012,  selon l’OMS, la pollution de l’air extérieure a été à l’origine de 3,7 millions de décès dans le monde. L’Asie du Sud-est et le Pacifique occidental endossent la grande majorité de ces décès, avec 5,9 millions de morts. Il y a quelques semaines, la Chine a d’ailleurs été plongée dans un épais brouillard de pollution, à tel point que la visibilité ne dépasse pas plus d’une centaine de mètres. Les causes principales ? L’industrie, la production d’électricité pour se chauffer - 70% de l’énergie est produite à partir de charbon - et l’explosion du trafic automobile (depuis 2005, le nombre de voitures a triplé en Chine).

Face à cet enjeu sanitaire, le gouvernement promet des mesures en limitant par exemple le nombre de nouvelles immatriculations ou en diminuant la part du charbon dans la production d’énergie. Mais cela suffira-il pour revenir à un air pur ? Pas si sûr si certains gouvernements locaux estiment que l’amélioration de la qualité de l’air sera un obstacle au développement économique du pays.

Espérons tout de même qu’en France, nous n’attendrons pas d’être dans cette situation pour agir.

Peut-on s'en protéger ? Et comment ?

Prendre sa voiture ou se chauffer, c’est le quotidien de chacun d’entre nous. Pourtant, ces habitudes dégradent de plus en plus l’air que nous respirons. Nous en sommes donc tous responsables. Mais avons-nous vraiment le choix ? Si la pollution de l’air nous impacte individuellement, les décisions pour régler le problème doivent être prises collectivement (développement de transports en commun efficaces et sûrs et non polluants, réaménagement de l’espace urbain…). Mais c’est un problème complexe et les mesures efficaces pour la limiter demandent beaucoup de courage politique, car elles nécessitent un changement d’attitude et de pratiques actuelles des déplacements.

Néanmoins, individuellement, nous pouvons aussi adopter des mesures simples pour limiter notre exposition. On préféra par exemple faire son footing ou promener son enfant dans un parc ou dans des espaces verts plutôt que le long des grands axes routiers. On parle aussi beaucoup de la nocivité de l’air intérieur et la nécessité d’aérer. Mais il ne faut pas le faire n’importe quand. Aérez votre maison aux heures les moins denses en circulation : tôt le matin et tard le soir. De même en voiture : il est évident qu'on ne va pas aérer le véhicule, alors qu'un camion est juste devant.

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