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3 ans après...mais ou est en est-on vraiment de la guerre d’Ukraine ?
©Reuters

Chuutt !!

Trois ans après le déclenchement du conflit en Ukraine, les Etats-Unis ont proposé un nouvel accord de paix aux Russes. Il prévoit un retrait des troupes russes de Crimée et un référendum pour savoir si les Ukrainiens acceptent de laisser ou non la Crimée aux Russes. Cet accord sera difficile à atteindre.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Trois ans après l'annexion de la Crimée par les Russes, le conflit semble loin d'une résolution. Les américains ont proposé un nouvel accord de paix aux Russes. Comment cette proposition d'accord a-t-elle été perçue par les parties concernées ? Peut-il déboucher sur une paix durable ?

Florent ParmentierLes élites de Kiev vivent dans une situation de profonde incertitude près de trois ans après l'annexion de la Crimée. En effet,  la plupart des dirigeants n'osent pas l'avouer à haute voix, mais reconnaissent en privé que la Crimée et belle et bien perdue. Quant au Donbass, il paraît évident que la situation paraît très largement compromise. Les motifs de satisfaction sur le plan militaire sont bien maigres, la résolution du conflit ne peut passer à présent que par une solution politique, acquise sur le front de la négociation diplomatique. Or, le conflit est encore sans doute trop présent dans les esprits pour que les négociations soit réellement efficaces, poussant l’opinion publique à l’intransigeance.

C'est dans ce contexte qu'il faut analyser le plan de paix qui a fuité, sur lesquels plusieurs acteurs ont commencé à travailler en secret, dont un avocat ukrainien, le député du Parti radical Andriy Artemenko, très critique envers Petro Porochenko qu’il considère comme corrompu. La proposition « plan de paix contre levée des sanctions » s'est même retrouvée sur le bureau de Michael Flynn, l'ancien conseiller à la sécurité de Donald Trump qui a été récemment contraint à la démission. Le député ukrainien a travaillé main dans la main avec plusieurs personnes de l’entourage proche de Donald Trump (son avocat personnel Michael D. Cohen, ainsi que l’homme d’affaires Felix H. Satter), le Président américain n'ayant jamais fait partie du premier cercle des soutiens de l'Ukraine, occupant ainsi une position originale en matière de politique étrangère. D'après le New York Times, les principaux enjeux des négociations de Paix consisteraient à l'évacuation des troupes russes de l’Ukraine de l’Est, la présence russe étant reconnue en Ukraine sous la forme d’un prêt de 30 à 50 ans. L'amnistie serait envisagée de la part des séparatistes, à l'exception de ceux qui ont commis des crimes les plus graves. Le processus se concluerait par un référendum à l'échelle nationale sur la possibilité de reconnaître un statut spécial de région autonome pour les régions de l'Est. Il conviendrait alors, selon ce plan, de reconstruire ces régions à l'aide des fonds payés par la Russie pour le prêt de la Crimée (sur le modèle de Hong Kong, avant sa rétrocession à la Chine). 

Avec ces propositions, on est donc bien loin de la position actuelle des autorités de Kiev, qui ne souhaitent pas négocier avec ceux qu'ils considèrent comme des terroristes. Par ailleurs, tout compromis au sujet de la Crimée semble inacceptable pour les élites de Kiev. Les Européens sont attachés au statut quo (pas de nouvelles éruptions du conflit), ainsi qu’au format de négociation Normandie (France, Allemagne, Russie, Ukraine). Pour sa part, le Sénat américain éprouvera les pires difficultés du monde à valider un accord qui consacrerait l'annexion de la Crimée par la Russie. Quant aux Russes, ils ne comprendraient pas pourquoi il leur faudrait s'acquitter d'un paiement pour la Crimée alors qu'il considère celle-ci comme faisant partie intégrante de leur territoire.

Face à la spirale du statu quo, il est certainement nécessaire d'effectuer des compromis douloureux si l'on veut avancer sur la voie d'une pacification de l'Ukraine. Cependant, face à une opinion publique chauffée à blanc, les hommes politiques ukrainiens ne veulent pas apparaître comme ceux qui cèdent du terrain au profit de la Russie.

Quelle est la situation sur place ? Les accords de cessez le feu sont-ils respectés par les Russes et les Ukrainiens ? 

Depuis que les accords de Minsk ont été conclus au mois de février 2015, c'est-à-dire il y a près de 2 ans, il faut constater que la situation sur place n'a jamais été réellement pacifiée, dans la mesure où chaque mois à vue son cortège de victimes sur le front de l'Est. On a donc depuis plus assisté à une diminution du nombre de victimes par mois qu’à une résolution du conflit. Il y a deux semaines, on a ainsi pu déplorer neuf victimes dans la région d’Adviika, suscitant la condamnation de la diplomatie américaine quelques jours après l'intronisation de Donald Trump.

La nouvelle tentative de mettre en œuvre au moins partiellement les accords de Minsk s'appuie sur des bases relativement fragiles. Il faut par exemple remarquer que la Russie reconnaît désormais des documents émis par les entités séparatistes ukrainiennes, allant des passeports  à divers certificats liés à l’état civil (décès, naissance, divorce). A tout le moins, le niveau de violence a été réduit significativement. 

Ou en sont les rapports entre la Russie, l'Europe et les Etats-Unis sur la question ukrainienne ?

Il faut tout d'abord rappeler que l'Ukraine n'est qu'un des dossiers qui définit les relations entre la Russie, l'Europe et les États-Unis ; son influence a varié ces dernières années, notamment en raison d’autres crises comme le Brexit, la guerre en Syrie et l'afflux de réfugiés qui ont eu pour effet de détourner l'attention médiatique du conflit en Ukraine. L’attention portée à ce problème est toutefois restée suffisamment élevée pour que les sanctions se voient renouvelées à intervalle régulier par les Européens. 

La conférence sur la sécurité de Munich, parfois surnommée le « Davos de la sécurité », a pu servir de baromètre à propos des relations sur l'Ukraine. A l’occasion de cette rencontre de février, beaucoup d'attention a été portée au discours des autorités américaines, en l'occurrence du vice-président Mike Pence, concernant tant la solidité de l'OTAN (réaffirmée à cette occasion) que l’importance des relations avec les Européens. 

Aussi, la Russie, par l’intermédiaire de son inoxydable Ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a soufflé le chaud et le froid. Elle a présenté les perspectives d'un monde post-occidental mais, dans le même temps, elle a également souligné que les États-Unis et la Russie n'étaient en réalité séparés que de 4 km. Quant aux Européens,  ils ont proposé une nouvelle aide à destination de l'Ukraine d'un montant de 18 million d'euros, mais demeuraient interrogatifs sur la suite des opérations. 

Il en résulte que les perspectives de ces trois acteurs divergent à propos de l'Ukraine : la Russie essaie d’y pousser son avantage, en cherchant à tester la solidité des soutiens de l'Ukraine. De son côté, l'Union européenne entend favoriser une dynamique de réformes en Ukraine afin de transformer le pays, mais Bruxelles ne prend que peu d’initiatives sur les questions de sécurité. La position américaine est celle qui, à ce jour, est la plus incertaine : le président Trump n'a pas caché pendant la campagne sa volonté de négocier des accords mutuellement avantageux avec la Russie. Toutefois, il faut observer dans le même temps que le climat à Washington n'est pas propice à une telle possibilité, notamment en raison de la question de l'intrusion des services secrets russes dans la  dernière campagne électorale. La question ukrainienne reste donc d’actualité vue de Washington.

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