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Alors que nous sommes encore dans la peur de la Covid-19, nous vivons une difficulté à penser un futur serein.
Alors que nous sommes encore dans la peur de la Covid-19, nous vivons une difficulté à penser un futur serein.
©MEHDI FEDOUACH / AFP

Même pas peur !

Face à la pandémie de COVID, nous avons dû gérer un grand nombre de peurs et de crises d’angoisse. Par mécanisme de défense, notre psychisme s'est imposé pour tenter d'apprivoiser ces peurs.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Alors que nous sommes encore dans la peur de la COVID-19, 3 injections, 2 rappels, et un manque d’information (à quand plutôt que 5 minutes de météos sur la télé publique des infos médicales, juridiques…), alors que le terrorisme frappe notre monde occidental, alors que l’environnement se détériore, que le réchauffement climatique nous impacte… nous vivons une difficulté à penser un futur serein. Nous sommes pétris de peurs, d’angoisses.

Cependant, Simon Wolfe Taylor, un chercheur de l'Université de Columbia part du principe que la peur et l'anxiété ne sont pas des sentiments nécessairement négatifs.

En quoi éprouver de la peur peut finalement être vécu comme quelque chose de positif ? 

Je pense qu’il faut en premier lieu différencier la peur, de l’anxiété et de l’angoisse, et donc les définir précisément.

L’anxiété est une réaction psychologique et physiologique face à une situation stressante. C’est une réaction normale liée à des ressentis, des sentiments de peur et de crainte, face à une situation, un événement inévitable, non maîtrisé, non contrôlé, que l’on ne peut pas fuir ou éviter, auquel il faut faire face, se confronter.

La covid, les discours, les prises de positions nous ont contraint… par défaut d’explication.

La peur est très proche de l’état de stress décrit par Hans Selye dans les années 40 qui précise, après ses études auprès des animaux, que l’être humain peut être victime d’un syndrome général d’adaptation. Plus précisément, tout changement brutal d’une habitude peut entraîner chez un individu des perturbations psychologiques et physiologiques.

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Les études ultérieures démontrent que l’organisme (dans sa globalité psychocorporelle) est capable de supporter ces variations via le système endocrino-immuno-neuronal.

En gros, l’adaptation est possible face à toute situation même après un état de choc.

L’angoisse, en revanche, est un état de mal-être profond qui plonge celle ou celui qui y est confronté à un ressenti violent et profond d’oppression, de mort imminente, inévitable. Le symptôme anxieux devient un alors un syndrome à la fois psychologique et philosophico-existentiel.

Il prend la forme d’un trouble de l’anxiété généralisée avec un ensemble de symptômes décrits dans le manuel de diagnostic psychiatrique de l’OMS (DSM-IV) : palpitations, battements de cœur, transpiration, tremblements, impression d'étouffement, sensation d'étranglement, douleur, gêne thoracique, nausée ou gêne abdominale, sensation de vertige ou d'évanouissement, déréalisation (sentiment d'irréalité) ou dépersonnalisation (être détaché de soi), peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou, peur de mourir, sensations d'engourdissement, frissons ou bouffées de chaleur, fatigue, pleurs.

La peur n’est pas une maladie mentale !

Le peureux est un être qui doit faire l’apprentissage d’une situation nouvelle qu’il ne contrôle pas encore.

Et il en crée quelque chose de nouveau pour son Moi, pour sa vie, pour sa survie qui est pensée.

La peur principale est celle à laquelle la personne concernée est confrontée.

Et là, le cerveau, dans tout ce qu’il comporte de conscient et inconscient, va tout créer.

Une personne, fortement angoissée, crée son environnement angoissant qu’elle sait gérer, par peur d’être confrontée à une situation incontrôlée.

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Nous avons peur de mal faire, de ne pas bien réagir, d’être dans un état de non-survie immédiat.

« Que dois-je faire là ? »

Or nous portons en nous cette capacité d’adaptation.

Car :

- La peur est normale.

- L’anxiété est positive.

- L’angoisse est négative et pathogène.

Il existe cependant une anxiété existentielle propre à Kierkegaard qui pose les fondamentaux de l’existentialisme, et notamment dans son ouvrage « Le concept de l’angoisse », œuvre aussi négative que l’auteur.

C’est, à mon sens, là, que se situent les différences.

Il faut parvenir à gérer la peur et l’anxiété qui ne sont pas l’angoisse, afin de se découvrir soi-même et retrouver l’estime de soi.

En quelque sorte découvrir que la peur est une angoisse existentielle qui nécessite un travail identitaire profond.

La peur a toujours été un gros marché, avec l’usage de la médication.

Bien évidemment utile dans les cas d’angoisses et certaines psychopathologies.

Mais sans peur, stress, anxiété… que seraient devenus nos artistes, nos acteurs, nos créateurs, chanteurs… ?

D’ailleurs qui ne s’amuse pas à se faire peur, à faire peur à l’autre ? Tant de films d’horreurs, de Thrillers, d’histoires que l’on se raconte.

Car la peur est capable de « surstimuler » notre propension de vie, à survivre et donc créer.

Même si la peur « surchauffe » notre cortex préfrontal et nous empêche de « réfléchir » et de trouver une solution à un problème de vie, d’autant plus si nous sommes seul confronté à une situation anxiogène.

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Le peureux est finalement un être qui doit faire l’apprentissage d’une situation nouvelle qu’il ne contrôle pas encore.

Certes les climats anxiogènes servent les politiques qui surfent sur cette vague de notre vulnérabilité afin d’orienter nos esprits car nous oublions, par utopie, que la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

La peur nous amène à rester dans notre zone de confort, à privilégier des environnements qu’on sait contrôler, ce qui permet d’oublier, d’occulter les autres formes d’anxiétés.

Elle nous amène à mettre en place un compromis psychique, alors que nous serons dès lors plus « vulnérables » qu’un autre le jour où nous serons confrontés à une situation incontrôlée jusque là.

Nous avons la peur de mal faire, de ne pas bien réagir, de rater notre éducation, de ne pas être reconnus… nous refusons l’échec… Nous avons peur de l’amour que pourtant nous recherchons. La peur nous fait frissonner.

« Que dois-je faire là ? » est la question qui dirige le bal de la peur.

Durant la dernière période de la COVID nous avons du gérer un grand nombre de peurs, de crises d’angoisse, des attaques de panique… la mort rôdant, alors que notre psychisme privilégie la vie et déni, par mécanisme de défense.

2021-2022… nous allons tous plonger dans un univers anxiogène existentiel collectif mais aussi plein d’espoirs.

Et c’est cet espoir qui fait vivre.

2021 fut moins pire que 2020…

2022 doit être l’année de la renaissance. Le Phénix que nous sommes renaît de ses cendres.

Je connais les pistolets sur la tempe.

Je connais la vie et celle que nous voulons pour tous.

Shakespeare écrivait « C’est de la peur que j’ai peur ! ».

Mais avons nous peur du jour où nous n’aurons plus peur ?

2021 : « Même pas peur » 

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