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1 256 euros en moyenne dans le privé contre 1 937 dans le public : le point sur les différences de traitement en matière de retraites
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Grand écart

Le rapport de Yannick Moreau, qui sera rendu la semaine prochaine, contient un nombre important de mesures fortes pour réformer le système de retraite. Aujourd'hui, les Français ne sont pas tous logés à la même enseigne.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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En 1991, Michel Rocard, alors Premier ministre de François Mitterrand, déclara qu’avec la réforme des retraites "il y avait quoi de faire sauter cinq ou six gouvernements". En s’exprimant ainsi, il devait penser très fort au régime de la fonction publique.

En effet, près d’un quart de siècle plus tard, le rapprochement entre le régime général des salariés et le non système des retraites de la fonction publique, les pensions étant directement imputées sur le budget de l’Etat, n’a été réalisé qu’à minima. Ainsi, la loi Fillon, en 2003, a aligné progressivement la durée de cotisation sur celle en vigueur pour le régime général. Elle a également indexé les pensions des fonctionnaires sur l’indice des prix hors tabac en lieu et place de l’indice des traitements. Cette indexation sur les prix avait été instituée, dès 1993, pour les actifs du secteur privé. Sur la question de l’âge légal de départ et l’âge de la retraite à taux plein, la réforme Sarkozy avait prévu qu’elle s’appliquait également à la fonction publique. Par ailleurs, la réforme de 2010 a institué une harmonisation progressive des taux de cotisations qui passera de 7,85 à 10,55 % d’ici 2020.

Néanmoins, des différences substantielles existent entre les deux régimes. A la différence du secteur privé, il n’y a pas de régime de base et de complémentaires. Le fonctionnaire dispose d’une et une seule pension. Néanmoins, depuis la loi Fillon, il a été créé un régime additionnel de la fonction publique permettant aux fonctionnaires de cotiser sur leurs primes.

La grande différence provient du mode de calcul de la pension. Le montant de la pension du fonctionnaires repose, en effet, sur la formule suivante :

P = T x 75 % x n/N

où P représente la pension ; n le nombre de trimestres effectifs et les bonifications, N le nombre de trimestres exigés et T le traitement déterminé par un indice.

Le traitement retenu est celui de l’indice correspondant à l’emploi, le grade et l’échelon occupé durant les six mois qui précèdent le départ à la retraite. De ce fait, pour améliorer l’ordinaire, il est de tradition de promouvoir les fonctionnaires avant qu’ils ne partent à la retraite. Pour la retraite de base des salariés du privés, le salaire de référence est celui des vingt cinq meilleures années depuis 1993, auparavant, c’était les dix meilleures années. Ce salaire de référence est pris en compte dans la limite de 50 % du plafond de la Sécurité sociale. Pour les complémentaires qui, en fonction du niveau de salaire, représentent entre 40 et 60 % des pensions du privé, le régime est à cotisations définies. La pension est fonction du nombre de points obtenus et de sa valeur qui est connue au moment de la liquidation. Depuis vingt ans, la valeur du point pour les deux régimes complémentaires s’est fortement érodée.

Les règles sont également différentes pour les bonifications et les validations de trimestres supplémentaires. Si en ce qui concerne la majoration de 10 % octroyée aux parents ayant eu trois enfants, public et privé sont à égalité, il faut noter qu’une majoration supplémentaire de 5% par enfant, au delà du troisième est accordée aux fonctionnaires.

Pour la comptabilisation des trimestres, pour les salariés du régime général, une majoration de durée d’assurance de 8 trimestres par enfant est accordée au titre de la maternité et de leur éducation avec comme règle pour les enfants nés depuis le 1er janvier 2010 que 4 trimestres sont automatiquement accordés à la mère et que 4 trimestres supplémentaires peuvent au choix des parents être attribués à un seul d’entre eux ou répartis entre eux.

Dans la fonction publique, les femmes ont, depuis le 1er janvier 2004, le droit à une majoration de durée d’assurance de 2 trimestres lié à l’accouchement, pour chacun de leur enfant né après leur entrée dans la fonction publique. Les pères et les mères fonctionnaires peuvent en outre obtenir la validation gratuite des périodes pendant lesquelles ils ont interrompu ou réduit leur activité pour s’occuper d’un enfant dans la limite de trois ans par enfant.

En ce qui concerne, les pensions de réversion, là aussi les règles d'attribution différent. Pour le régime général, le versement de la pension de réversion qui est de 54 % de la retraite du conjoint décédé, est subordonné à une double condition de ressources et d’âge minimum. En ce qui concerne les pensions de réversion des régimes complémentaires, 60% de la retraite du défunt, elles sont versées quel que soit le niveau de ses ressources à la condition que le conjoint survivant ne se remarie pas.

En revanche, dans la fonction publique, la pension de réversion est égale à 50% de la retraite du défunt. Il n’y a pas de condition d’âge minimum, ni de ressources mais une condition de durée de mariage de 4 ans minimum si le couple n’avait pas d’enfant. Seule condition pour la percevoir, le conjoint survivant ne doit pas être remarié ou vivre en couple.

Au-delà de ces deux systèmes complexes ne permettant pas d’effectuer facilement des comparaisons, il faut souligner que, selon les chiffres du ministère des Affaires sociales, la retraite moyenne était pour le régime général de 1256 euros en 2011 et de 1937 euros pour la fonction publique d’Etat. Le taux de remplacement (le rapport entre la pension perçue et le dernier revenu d’activité) qui baisse pour les salariés du privé se maintient dans la fonction publique voire s’améliore à la marge du fait de l’introduction il y a dix ans du régime additionnel de la fonction publique. Compte tenu des réformes engagées depuis vingt ans, le taux de remplacement devrait baisser de 10 à 20 points pour les salariés d’ici à 2030. Dans ces conditions, toute nouvelle réforme touchant en particulier au salaire de référence dans le privé risquerait de creuser un peu plus l’écart avec la fonction publique. La tentation pour tout gouvernement est d’essayer de négocier un accord sauvant la face pour toutes les parties d’où l’idée de mieux intégrer les primes dans le calcul des pensions des fonctionnaires. Le risque est de réduire les gains attendus de la réforme et de mécontenter tout le monde. A force de refuser l’engagement d’une véritable réforme systémique créant pour tous un régime unique par point avec compte notionnel, les gouvernements en sont réduits à abuser des rafistolages et des mesures à effets masqués comme la désindexation.

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