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Covid-19 : ce dont nous sommes d’ores et déjà certains. Et ce qu’il est urgent de faire
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Impératif

LLa France est désormais au stade 3 de l'épidémie de coronavirus. En plus des écoles, tous les cafés, restaurants, cinéma et commerces non essentiels sont désormais fermés jusqu'à nouvel ordre. Guy-André Pelouze nous donne son analyse sur les politiques publiques face à cette épidémie.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico: Les politiques de santé publique mise en place en urgence sont différentes dans les pays concernés par le COVID-19. Peut-on d’ores et déjà dégager quelques tendances en comparant ces politiques publiques ?

Guy-André Pelouze : Il faut être prudent dans l’analyse des politiques publiques face à cette épidémie car il s’agit de stratégies multifactorielles mises en place dans des pays de culture et même de civilisation différente. Il est tout à fait évident que le degré d’observance des recommandations en santé publique est fort différent entre l’Asie et l’Europe. Tout d’abord seul le résultat compte et pour l’instant les résultats sont loin d’être définitifs ce qui signifie qu’il n’est pas possible de conclure à un avantage décisif d’une politique par rapport à l’autre.

Pourtant deux dimensions de ces politiques publiques peuvent être soulignées à travers l’expérience chinoise, asiatique et européenne.

Premièrement, contrairement à ceux qui dès le début ont considéré qu’il ne fallait rien faire, agir par tous les moyens pour casser la transmission donne des résultats positifs dans tous les pays. C’est tellement vrai qu’il existe des différences très importantes à l’intérieur même des pays, par exemple en Italie ou des expériences de confinement précoce intelligent ont été testées en Vénétie ou bien entre les villes chinoises où il a été démontré que la précocité des mesures conduisait à une diminution du nombre de patients atteints de 37%. Cela signifie ipso facto que compter sur l’immunité collective acquise par une partie de la population après contamination est une pure folie car le prix à payer est très élevé. Cette immunité collective est un rempart peu onéreux en terme de vies perdues uniquement avec les épidémies peu létales mais certainement pas avec le COVID-19.

Deuxièmement, entraver la transmission diminue le nombre de nouveaux cas qui apparaissent dans le temps mais allonge la période de circulation du virus. Si l’épidémie présente des critères de gravité pour un pourcentage significatif des patients c’est un avantage puisque les capacités du système de soins risquent moins d’être saturées et des patients graves pourront être soignés au lieu d’être écartés faute de places en réanimation. C’est le cas du COVID-19.  Cela n’a pas uniquement un avantage du point de vue de la prise en charge des patients par le système de soins. Il existe un autre avantage.  Il y a une course poursuite entre la transmission du virus qui implique un prix à payer par les personnes qui vont avoir une détresse respiratoire et l’arrivée de mesures thérapeutiques spécifiques comme des antiviraux ou un vaccin. Cette course poursuite est un élément nouveau. C’est la mobilisation exceptionnelle de la communauté scientifique autour des nouvelles technologies concernant la génétique, l’identification des récepteurs permettant au virus d’entrer dans les cellules et l’approfondissement de son mode de réplication qui donne une chance significative à l’introduction de thérapeutiques spécifiques permettant d’infléchir la mortalité avant que l’épidémie se termine. C’est déjà le cas pour un certain nombre de molécules en test dans des essais cliniques pour les patients graves mais aussi pour des patients COVID-19 sans gravité.   

Cette épidémie est aussi l’occasion de réfléchir sur la perception de la réalité dans nos sociétés hyperconnectées.

Il ne s’agit pas d’une réflexion purement conceptuelle ou descriptive par exemple psychologique. Il s’agit de savoir si notre perception de la réalité est plus aiguë plus opérationnelle et sauve plus de vies parce que nous vivons dans des sociétés où il existe un big data, des modèles évolués de prédictions qui peuvent guider nos comportements. C’est une question fondamentale depuis le début de l’humanité. Comme les animaux, les humains ont des outils de perception intuitive qui peuvent guider leur comportement, pour fuir le danger, se protéger et survivre. À ce sujet il est fascinant de constater combien les modélisations du climat, beaucoup plus incertaines, ont « mobilisé » les Français alors qu’une modélisation à très court terme du COVID-19 dont l’incertitude est très faible a mis deux mois et plusieurs centaines de morts pour commencer à s’imposer aux esprits. Certes les hésitations du gouvernement autour de l’épidémie ont joué un rôle. Il y a un prix à payer quand on déclare qu’une telle épidémie dans un monde où le transport aérien dissémine les micro-organismes en transportant des millions de personnes dans toutes les directions, une telle épidémie disais-je, a une faible probabilité de concerner la France. Il y a aussi un prix à payer quand au mépris des publications nombreuses, qu’il faut saluer, des médecins chinois, certains ont maintenu qu’il s’agissait simplement d’une grippe. Néanmoins l’essentiel est l’effondrement de la responsabilité individuelle devant une menace aussi évidente. C’est pourquoi, l’inversion de la tendance, le retour à la réalité factuelle est très difficile.

Cette épidémie, difficile à contrôler car sous-évaluée et contaminant des populations européennes peu observantes des comportements bloquant la transmission, dévoile l’immense faiblesse de l’état régalien.

D’ores et déjà, l’inversion des valeurs est flagrante. En pleine épidémie, l’État régalien supposé garantir la sécurité y compris sanitaire est nu. Il apparaît dépourvu de stratégie, dépourvu de moyens et dépourvu de capacités d’innovation. Le grave déséquilibre entre un État-providence obèse qui s’occupe de tout en particulier de ce que les Français devraient parfaitement pouvoir choisir de leur propre initiative, et un État-providence qui a consommé les ressources, occupé les responsables stratégiques et occulté la véritable menace qui arrivait à grande vitesse est une leçon à retenir. C’est pourquoi nous avons autant de difficultés, notamment à faire des tests à 54 €, à fournir des masques aux soignants et aux patients contaminés, à fournir des solutions antiseptiques, à innover pour que la chaîne de transmission soit cassée non pas après le diagnostic mais il dès le début au moment où le patient va consulter avec des signes évocateurs. Les français sont nombreux à avoir ce sentiment d’abandon: comme pour le terrorisme, la violence et le crime quand l’état est nécessaire, il est plutôt absent. Pourtant en Europe et en France l’état dispose de moyens financiers considérables au regard du pourcentage de la dépense publique par rapport au produit intérieur brut.

Que faire?

Le confinement

En l’absence de la pratique extensive de tests et alors même que cette situation ne semble pas devoir être modifiée dans les jours qui viennent par des décisions du gouvernement, le confinement total même s’il est tardif est la seule option qui permet de casser la chaîne de transmission. Le plus tôt sera le mieux. Ce confinement est en réalité compliqué à mettre en œuvre, il faut en effet une grande rigueur pour qu’il soit efficace. À ce jour les explications sur le sujet sont rares. Rappelons simplement que le confinement suppose que les individus se déplacent le moins possible. C’est-à-dire que tout déplacement qui n’est pas indispensable doit être interdit. Comme pour l’éloignement inter-individuel, l’hygiène des mains, il y a une courbe d’apprentissage.

Approfondir notre connaissance en temps réel de l’épidémie en France et des disponibilités hospitalières

Le confinement ne signifie pas que nous devions cesser d’analyser en temps réel les données de l’épidémie en France. Le confinement ne peut infléchir la courbe de contamination qu’avec un délai d'au moins 15 jours. Il faut donc préparer le pays à une durée indéterminée de ces mesures drastiques. Le gouvernement et le président de la république doivent définitivement abandonner l’idée qu’il faut avant tout rassurer les Français. Il faut simplement dire la vérité, énoncer les faits. Dans ce contexte, au lieu d’invoquer l’avis des scientifiques il serait beaucoup plus pédagogique de publier les avis du comité scientifique du président de la république pour que les français puissent mieux se rendre compte de la réalité et des controverses.

Augmenter l’offre de soins

Comme on pouvait le prédire très tôt, l’éviction de la chaîne des soins des médecins de première ligne (médecins généralistes de ville ou médecins des centres médico-sociaux etc) et des laboratoires d’analyses médicales a été une erreur. Il faut donc que ces médecins, ces laboratoires soient équipés ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il y a extrême urgence. Il est indispensable d’associer le secteur privé hospitalier et l’armée dans cette période de tension maximale sur le nombre de cas éventuels pouvant nécessiter assistance respiratoire et réanimation. Même si il semble bien que cela commence à se faire il est urgent d’accélérer le processus.

Tester les patients potentiels, pas uniquement les cas graves

En se basant sur ce qui a été instauré dans plusieurs pays on peut soutenir que les tests doivent être poursuivis. Il y a plusieurs arguments à ce sujet :

-le test est peu onéreux

-il n’y a pas d’effets secondaires

-le virus circule mais il est loin d’avoir contaminé un pourcentage élevé de la population

-dans le doute il vaut mieux disposer de plus d’informations que de naviguer à vue

-le reporting au sujet de cette épidémie nécessite que nous disposions de statistiques plus proches de la réalité

-les patients asymptomatique ou pauci symptomatiques sont les principaux vecteurs de transmission

-Il est probable que nous soyons confrontés à des problèmes de résurgence de l’épidémie.

Quel est l’enjeu final ?

L’enjeu essentiel est de sortir de ce pic épidémique avec le moins de morts possible. Cela ne se fera que si l’intelligence collective, l’innovation et le civisme s’associent dans un réflexe de survie. Jusqu’à présent le chemin parcouru dans ce sens est trop court pour que l’objectif soit atteint.

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