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Le Sénat, contrôleur scrupuleux de l’action du gouvernement
©BERTRAND GUAY / AFP

Chroniques parlementaires

Les sénateurs sont très attachés à la défense de leurs prérogatives, notamment en ce qui concerne leur droit de contrôle de l’action du gouvernement. Quand ils sont sur sujet, ils ne le lâchent pas.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, pour de nombreuses nominations effectuées par le président de la République à des postes importants, les candidats pressentis doivent passer une audition (suivie d’un vote) devant les commissions parlementaires.

Très souvent, cette audition n’est qu’une formalité, car il faut un vote contre à une majorité des trois cinquièmes, pour que le candidat soit recalé. Même si certaines auditions ont pu être mouvementées et assez désagréables pour l’impétrant, il est très rare que les parlementaires arrivent à atteindre le seuil pour mettre leur veto. C’est arrivé pour la première fois en 2023 avec Boris Ravignon, qui a été recalé pour la présidence de l’Ademe, l’agence de transition écologique de l’Etat.

Il avait été nommé une première fois en décembre 2022, pour terminer le mandat d’Arnaud Leroy, qui avait démissionné. Il a donc passé les auditions, et s’en est sorti, de justesse. Sa situation d’élu LR rallié à la Macronie, en situation de cumul des mandats (maire de Charleville-Mézières et vice-président de la région Grand Est) avait moyennement plu, notamment aux sénateurs. Hasard du calendrier, son intérim prend fin en avril 2023, et il doit à nouveau repasser devant le Parlement pour sa reconduction. Cette fois, les choses se passent mal, car s’il a abandonné son mandat régional, il est resté maire et président de l’agglomération, alors même que les parlementaires considèrent tous que la présidence de l’Ademe est un poste à temps plein.

Quelques mois plus tard, Emmanuel Macron nomme un nouveau président pour la commission nationale du débat public (CNDP). Le candidat désigné, Marc Papinutti connait bien les sujets suivis par cette autorité, à savoir les concertations relatives aux grands chantiers d’infrastructures. Il y a juste un bémol, car ayant été directeur de cabinet du ministre de la Transition écologique et auparavant directeur général des Infrastructures et des Transports au ministère, il est en conflit d’intérêt. Cela l’oblige à se déporter à chaque fois qu’il a dû intervenir, dans ses précédentes fonctions, sur un dossier traité par la CNDP.

Ce sujet est largement mis en avant lors des auditions, et malgré un vote négatif des sénateurs, sa candidature est agréée grâce aux députés. La commission de l’aménagement du territoire du Sénat décide de ne pas lâcher l’affaire, en utilisant de manière inventive ses pouvoirs de contrôle.

Avant chaque audition, un rapporteur est nommé, au sein de la commission, pour présenter le dossier à ses collègues. Le sénateur qui a suivi l’audition de Marc Papinutti, Bruno Rojouan, décide d’exercer une forme de droit de suite, en l’invitant pour une rencontre, au bout d’un an de mandat, pour faire le bilan. Une procédure prévue par aucun texte, mais pas interdite non plus, qu’il est délicat de refuser quand on est président d’une autorité administrative. Il aurait pris le risque de se retrouver convoqué, pour une audition publique, devant l’ensemble de la commission. Une situation beaucoup plus inconfortable !

Le président de la CNDP s’est soumis à l’exercice, qui a débouché sur une communication de Bruno Rojouan devant ses collègues sénateurs. Le bilan, assez acide, vient d’être rendu public. Il constate que, comme anticipé par les sénateurs, Marc Papinutti a dû se mettre à l’écart sur de nombreux dossiers. Il en découle un contournement du contrôle parlementaire, qui irrite les sénateurs : “Cette situation semble de nature à remettre en cause le pouvoir de contrôle du Parlement : de fait, lorsqu’il se déporte, Marc Papinutti confie ses prérogatives à ses deux vice-présidents, dont la nomination n’est aucunement contrôlée par le Parlement”.  

Dans l’immédiat, cela n’aura pas de conséquences concrètes. Marc Papinutti continuera à exercer ses fonctions, les sénateurs n’ayant pas le pouvoir de le révoquer. Mais le message politique à destination du gouvernement, et surtout d’Emmanuel Macron, est assez clair. Ce genre de situation est problématique, et comme elle a été signalée, si jamais un candidat présentant le même risque de conflits d’intérêts leur est proposé, cela risque de très mal se passer lors de l’audition au Sénat.

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