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Les critères de diagnostic de performance énergétique finissent par pénaliser les logements chauffés à l'électricité et par favoriser les énergies fossiles.
Les critères de diagnostic de performance énergétique finissent par pénaliser les logements chauffés à l'électricité et par favoriser les énergies fossiles.
©Hegor

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Les critères de diagnostic de performance énergétique finissent par pénaliser les logements chauffés à l'électricité et par favoriser les énergies fossiles.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : En quoi les critères de diagnostic de performance énergétique finissent par pénaliser les logements chauffés à l'électricité et finissent par favoriser les énergies fossiles ? Comment expliquer que la méthodologie actuelle du DPE favorise ces logements aux énergies fossiles ?

Damien Ernst : En fait, l'hypothèse pour cette efficacité énergétique, c'est toujours le nombre de CO2 émis lié au chauffage du bâtiment. Je vous explique le raisonnement qui fait que ça arrive à cette absurdité : un kilowattheure de gaz que vous brûlez dans votre chaudière à gaz, ça va conduire à 0,9 kilowattheure de chaleur. Ils font l’hypothèse que si vous vous chauffez à l'électricité, l'électricité a été produite avec du gaz. C'est vraiment ça. Et dans une centrale au gaz, il vous faut environ deux kilowattheure de gaz pour un kilowattheure d'électricité.  Et donc, en fait, la méthodologie utilisé ce calcul-là qui pénalise l'électricité par rapport au chauffage au gaz.

Mais bien entendu, cette méthodologie n'a aucun sens. Pourquoi ? Parce qu'on veut décarboner complètement en fait le mix électrique, donc on ne veut plus dans le futur avoir des centrales au gaz et des centrales au charbon en Europe. On veut vraiment avoir une électricité qui vient uniquement de nucléaire ou de renouvelable. Et dans un tel contexte, si vous avez une électricité qui est complètement décarbonée, il faut absolument favoriser l'électrique par rapport au gaz quand vous parlez d'émission de CO2.

Pourquoi ce mécanisme de diagnostic de performance énergétique est-il critiquable et pénalisant ? Et quel est le biais qui vient nuire à ce processus ?

Je pense quand même qu'historiquement, dans le biais, il y a eu un peu de lobbying des gaziers, des gens qui opéraient les réseaux de gaz, qui ne voulaient pas voir le chauffage au gaz comme étant pénalisé. Cette méthodologie de calcul en matière de CO2 a quand même fortement favorisé des gaziers et n'est plus du tout adapté à un contexte de transition énergétique où on va vraiment vers une électricité complètement décarbonée avec du nucléaire et du renouvelable et plus de gaz. Cette méthode a un peu vieilli et doit être absolument rafraîchie.

Alors il y a aussi un autre point qui m'interroge, c'est pourquoi est-ce qu'on veut tellement pénaliser ce qu'on appelle les passoires énergétiques ? Parce que ce qu'on remarque, c'est que même quand vous commencez à isoler votre maison, les gens ne consomment pas moins d'énergie. Quand vous avez une maison non isolée, les gens se chauffent un peu moins, mettent un pull en plus et une couverture sur les genoux quand ils regardent la TV. Mais quand vous commencez à isoler leur maison, ça ne conduit pas à une baisse de l'énergie. Il y a eu beaucoup d'études qui ont montré que deux ans après l'isolation de votre maison, les baisses en termes de consommation d'énergie étaient quasi négligeables.

D'un point de vue technique, comment expliquer que ce dispositif soit plus émetteurs de CO2 ?

C'est simplement parce que je pense qu'ils calculent mal. Ils ont tendance à calculer de manière beaucoup trop négative les émissions liées de CO2 liées à l'électricité. Et surtout, ils anticipent très mal sur ce que seront les futures émissions. D'autant plus que quand vous achetez une maison avec un type de chauffage, c'est pour 20 ans.

Ils prennent des hypothèses de départ sur le taux de CO2 lié à la fabrication de l'électricité qui sont très défavorables alors que l'on va vers de plus en plus vers un mix électrique complètement décarboné. 

Comment rendre ce dispositif de diagnostic de performance énergétique plus juste ? Comment le gouvernement pourrait permettre de le rendre plus pertinent dans la lutte contre le changement climatique et vers moins de CO2 ?

Ils doivent le retravailler de A à Z, anticiper ce qui va se passer au niveau du mix électrique et sur ce qui va se passer en termes de molécules riches en énergie mais neutre en carbone comme  de l'hydrogène ou du méthanol neutre en carbone.  Et aussi prendre en compte l'usage beaucoup mieux. Plus précisement, mieux réaliser qu'un bâtiment qui est bien isolé ne conduit pas nécessairement à une diminution des émissions de CO2 car les gens se chauffent plus. Donc il y a beaucoup de choses qu'ils doivent vraiment repenser dans ce mécanisme de calcul.

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