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Des hommes à poil(s) 
et des femmes aux cheveux longs
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Au poil !

Les publicités utilisant les sports demeurent largement stéréotypées sur la représentation des genres. Stéphane Héas analyse pour nous tous ces clichés qui ont la vie dure. Extraits tirés de "Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité", études réunies par Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux. (1)

Stéphane Héas

Stéphane Héas

Stéphane Héas est sociologue, maître de conférence Habilité à Diriger des Recherches en Sociologie à l'Université de Rennes 2. Il est co-directeur de la revue International Review on Sport and Violence et vice-président de la Société Française en Sciences Humaines sur la Peau. Il a également contribué au livre Anthropologie, mythologies et Histoire de la chevelure et de la pilosité, de Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux.

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En effet, les symbolismes sexuels, ici pileux, sont largement utilisés pour maintenir un clivage genré. Pas de hasard ici, et très peu d’innovations communicationnelles. Les publicités magazines apparaissent, en moyenne, largement stéréotypées. Comme nous avons pu le montrer ailleurs, toute situation sportive engage le participant dans un processus identitaire plutôt masculin ou plutôt féminin.

 Des symboles forts

Jouer « sur les deux tableaux », pour reprendre une expression du sens commun, n’est pas sans risque. Ainsi, le skieur émérite qui se tatoue et qui valorise l’esthétique de sa pratique (dans le ski libre notamment) doit-il prendre des risques sur la neige. Ces prises de risque masculinisent une pratique féminisée par le souci esthétique des trajectoires réalisées sur des neiges vierges de toute trace humaine. Ce ski hors-piste à forte valence risquée est aussi caractérisée par une tenue « carapacée » (protections multiples du dos, des membres, de la tête, etc.) plutôt uniforme. Nous avons pu montrer que dans ce cadre, la peau, décorée par un tatouage, découverte dans les moments intimes, entre soi, participe du renforcement du groupe. Division genrée et domination masculine toujours lorsque la footballeuse ou la rugbywoman, elle, risque la masculinisation, lorsqu’elle défend seule ou avec ses coéquipières son statut de pratiquante dans un milieu masculin dominant. Une véritable surenchère symbolique est à l’œuvre sur le terrain, mais aussi et surtout lors des moments festifs en dehors des temps strictement sportifs. Ces situations tendancieuses, en tous les cas oppositionnelles en termes de relations genrées, dont nous nous sommes fait une spécialité, ne sont globalement pas à l’œuvre dans ce corpus si nous l’analysons dans ses caractéristiques générales. Précisons nos « obtenues ».

Les apparences pileuses semblent, en effet, corroborer les représentations traditionnelles des genres démontrées et critiquées ailleurs malgré l’équilibrage des magazines sources. Les chevelures masculines sont classiquement courtes : 33% des publicités au total, et 264 fois sur 391 présences masculines explicites, soit 67% des personnages masculins. La norme apparaît clairement, presque un credo comportemental. L’homme se doit de porter les cheveux courts ou totalement rasés.

Les femmes arborent, elles, d’une manière stéréotypée des cheveux longs :

21.8% sur l’ensemble des publicités, et 83% des personnages féminins présentés (153/183). Deux modèles fortement sexués donc. Une différence est attestée entre les chevelures longues féminines libres (11.4%) et celles qui sont attachées (10.4%). Malgré une occurrence proche, elles sont utilisées dans des contextes très dissemblables. Les premières semblent constituer un sésame de la situation de couple hétérosexuel qui constitue une situation publicitaire sur dix, lorsque des personnages sont présentés. Près de deux fois plus souvent les femmes possèdent une chevelure libre en présence d’un homme, et près de trois fois plus souvent en présence d’enfants. Les rôles classiques de femmes sensuelles ou de femmes mères semblent alors essentiels à ces communications.

Pour confirmer cette stéréotypie féminine : les cheveux longs libres sont rarement « utilisés » pour les publicités concernant les domaines masculins classiques : dans les revues scientifiques, les publicités pour des moyens de transport telle la voiture, ni non plus pour vanter des produits relatifs aux médias ou aux NTIC (téléphones portables notamment). Les chevelures féminines attachées, elles, couvrent d’autres publicités : celles qui opposent des femmes entre elles (plus de quatre fois plus souvent !), celles qui promeuvent la santé, et ce, dans des revues non spécialisées dans les sports. Enfin, les cheveux longs féminins concernent beaucoup moins souvent des sportives connues et plus souvent des inconnues.

Encore mettons-nous de côté les publicités présentant des cheveux gominés ou plaqués ou des personnages casqués... dont il est, parfois, impossible de déterminer précisément la longueur des chevelures ! Or, les têtes recouvertes soit d’un casque, soit d’un bonnet sont prégnantes… présence non escomptée ex ante. Cette caractéristique souligne le caractère risqué, si ce n’est dangereux de moult pratiques contemporaines en France, comme en Europe.

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Extraits de "Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité", de Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux, L'Harmattan (Mars 2011)

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