Plus d'ouvertures que de défaillances de boulangerie ? Oui, mais toutes ne se valent pas<!-- --> | Atlantico.fr
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Le boulanger Pierre-Hadrien Pottier travaille à la boulangerie Racynes à Boulogne-Billancourt, le 15 novembre 2022.
Le boulanger Pierre-Hadrien Pottier travaille à la boulangerie Racynes à Boulogne-Billancourt, le 15 novembre 2022.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Réalité derrière les chiffres

En janvier, 116 boulangeries ont fait faillite en France avec la crise énergétique, selon RTL. Le gouvernement a été vivement critiqué. Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, a dénoncé une campagne de « l’extrême droite » qui cache la réalité des chiffres.

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard

Guilhem Dedoyard est journaliste à Atlantico.

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Début avril, la twittosphère s’est agitée autour d’un article de RTL, datant pourtant de février 2023, soulignant que « pour le seul mois de janvier, 116 boulangeries ont fait faillite ». Il s'agit du pire chiffre depuis au moins 20 ans, précise l’article. De nombreux internautes s’en sont pris au gouvernement et à Bruno Le Maire notamment, lui reprochant d’être incapable de protéger les boulangeries. La ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, a réagi sur Twitter, dénonçant une campagne de « l’extrême droite » qui cache la réalité des chiffres. «  Pour ce même mois, on compte 161 installations de boulangeries, soit bien plus que les [116 ] défaillances », écrit-elle. Pour « mars 2023, Altares dénombre moins de défaillances qu’en mars 2018 et mars 2019 », ajoute-t-elle. Le cabinet en question, Altares suit, au jour le jour, les défaillances et créations d’entreprises.

Contacté, le cabinet de la ministre nous a transmis les chiffres fournis par Altares et souligne que si les chiffres de défaillances sont effectivement élevés, ils ne sont pas drastiquement plus élevés que sur les années précédentes (Covid excepté) : 94 en janvier 2018, 92 en janvier 2019, 58 en janvier 2020, 27 en janvier 2021 et 69 en janvier 2022). Le ministère insiste ensuite sur le fait que malgré des défaillances élevées, le solde reste positif entre les créations et les défaillances. Le cabinet du ministre précise « ne pas minimiser la situation et mettre en place les aides nécessaires pour aider les commerçants » mais estime important une remise en perspective et refuse l’idée d’un « mur des faillites ».

Un panorama plus contrasté qu’il n’y paraît

Cela veut-il dire pour autant qu’il n’y aucun problème ? La situation est plus complexe.  D’abord parce que « le fait qu’il y ait des créations n’empêche pas qu’il y ait bien des fermetures et des cessations. Les mettre en rapport comme le fait la ministre, c’est mettre la poussière sous le tapis », estime Marc Sanchez, Secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE.

L’autre point important est que des questions se posent sur le type d’établissements qui ferment et ceux qui ouvrent : font-ils leur pain eux-mêmes ou travaillent-ils avec des centrales ou des produits congelés ? Le ministère assure n’avoir « aucun élément » sur ce sujet mais dit ne voir « aucune raison » que la situation des prix de l’énergie touche différemment ces types d’enseignes, « puisque toutes ont besoin d’un four et d’une chambre froide ». 

Mais comme nous l’affirme Marc Sanchez, Secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE : « ce qu’on constate c’est que les défaillances concernent beaucoup plus les boulangeries traditionnelles, c’est-à-dire celles qui fabriquent leur propre pain et pas les terminaux de cuisson qui n’ont pas les mêmes problématiques ». « Ce ne sont pas les chaines, mais les artisans boulangers qui n’arrivent pas à s’en sortir ». L’explication selon lui est que pour les terminaux de cuisson « le reste à charge est moins compliqué à amortir : Ne pas fabriquer limite l’impact de la hausse des matières premières. Les produits coûtent moins chers, la consommation est plus massive, etc. » L’erreur selon lui est de ne considérer que la question énergétique dans les raisons qui poussent à la défaillance les boulangeries.

Des aides insuffisantes ?

Est-ce à dire que le gouvernement n’a pas assez aidé les commerçants ? Le ministère rappelle l’éventail de ses mesures : le guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité, le bouclier tarifaire, l'amortisseur électricité, qui peut représenter jusqu’à « 40% de la hausse des prix » selon l’Etat.  Francis Palombi, Président de la Confédération des commerçants de France, reste dubitatif. « Vous dire que rien n’a été fait serait mentir. Olivia Grégoire a essayé de contribuer auprès des boulangers. Mais la situation n’est pas aussi idyllique qu’on veut le faire croire. Il y a quelques mesures qui vont dans le bon sens mais le commerce et notamment les plus petites entreprises sont particulièrement fragilisées ». 

Même son de cloche du côté de Marc Sanchez, Secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE, qui préconise une amélioration des dispositifs : « Il faut impérativement que les entrepreneurs se saisissent des aides qui existent déjà. Nous avons obtenu trois mois de plus pour faire la demande pour l’amortisseur électricité. Il faut aussi faciliter l’utilisation du guichet d’aide au paiement et enfin permettre aux boulangers qui font des efforts d’en bénéficier ».  

Surtout, ce dernier estime que le secteur est loin d’être tiré d'affaires. « La situation est plutôt en passe de s’aggraver que de s’améliorer, même si le prix du MWh a tendance à baisser. Ce qu’on constate malgré l’aide de l’Etat, c’est que certains voient leurs factures tripler. A mon avis, ce n’est encore que la pointe de l’iceberg. »

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