Baisse du niveau de vie des Français : comment décrypter les chiffres de l’Insee ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La dernière étude publiée par l'Insee fait état de 8,6 millions de personnes sous le seuil de pauvreté en 2010 dans l'Hexagone.
La dernière étude publiée par l'Insee fait état de 8,6 millions de personnes sous le seuil de pauvreté en 2010 dans l'Hexagone.
©Reuters

Les temps, comme les oeufs, sont durs

La dernière étude publiée par l'Insee fait état de 8,6 millions de personnes sous le seuil de pauvreté en 2010 en France. Que révèlent réellement ces chiffres ?

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Il est professeur des universités à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et dirige l'Observatoire du religieux. Il a notamment publié : Le Mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective (Le Seuil, 2012) ; Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ? (Armand Colin, 2012) ; Une laïcité « légitime » : la France et ses religions d'État (Entrelacs, 2006).

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Atlantico : La dernière étude publiée par l'Insee fait état de 8,6 millions de personnes sous le seuil de pauvreté en 2010 dans l'Hexagone, contre 8,2 millions un an plus tôt, soit 14,1% de la population. La France connait-elle un appauvrissement global ?

Raphaël Liogier : A la suite de la publication de ces chiffres, plusieurs réactions ont laissé entendre une "pré-tiermondisation" de la France, selon laquelle la France serait en train de connaitre un appauvrissement global, c'est à dire un recul du produit intérieur brut, comme pour d'autres pays européens. Ce qui est faux. Il n'y a pas d'appauvrissement global en termes de PIB.

En vérité, la part de l'Europe, et de la France, dans le PIB mondial s'est affaiblit ces trente dernières années du fait de la montée en puissance des pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Autrement dit, notre PIB continu de croître, mais à un niveau plus faible que celui des pays à fortes croissances. Il n'y a donc pas d'appauvrissement généralisé, c'est à dire sans distinction de classes sociales, mais un appauvrissement relatif.

Cette situation se traduit-elle par une augmentation des inégalités ?

C'est le deuxième constat de l'étude : les plus pauvres continuent de s’appauvrir. En réalité, cela dépend de la définition même que l'on attribue à la pauvreté, et au seuil de pauvreté. Nous calculons ce dernier à partir du revenu médian (le revenu qui sépare les 50% des revenus les plus bas des 50% les plus élevés, ndlr). Hors, il s'est affaibli. Dès lors, le nombre de personnes entrant dans la définition de "pauvre" augmente mécaniquement.

D'ailleurs, nous critiquons souvent les Américains en précisant qu'ils ont un nombre très important de citoyens vivant sous le seuil de pauvreté. Mais le revenu médian, à partir duquel est calculé ce seuil, est beaucoup plus élevé outre-Atlantique qu'en France. Le nombre de pauvres est donc mathématiquement plus élevé. Autrement dit, un "pauvre" en France est plus pauvre qu'un "pauvre" aux Etats-Unis. La notion que la France attribue à la pauvreté a donc tendance à évoluer sur la mauvaise direction du fait de la baisse du revenu médian.

Ce phénomène de paupérisation, récemment évoqué par de nombreux chefs d'entreprises, est-il conjoncturel ou structurel ?

L'écart entre les plus riches et les plus pauvres se creuse. Mais essentiellement pour une raison :  l'écrasement des classes moyennes, voire des classes moyennes supérieures. Il s'agit d'un véritable problème dans la mesure où les solutions prônées par les différents gouvernements ne peuvent pas porter leurs fruits en raison même de la nature même du problème de qu'est l'appauvrissement.

En effet, ce dernier n'est pas seulement économique mais s'intègre dans un contexte de changement des sociétés européennes par rapport au reste du monde. L'Europe est passée d'une société industrielle à une société post-industrielle. Structurellement, nous ne produisons plus de la même manière que dans le passé. Il y a donc une inadéquation entre les politiques sociales et économiques adoptées par les pouvoirs en place, qu'ils soient de droite ou de gauche, et cette nouvelle méthode de production industrielle.

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