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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d'un discours.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d'un discours.
©YVES HERMAN / POOL / AFP

Institutions européennes

Le poste de président de la Commission européenne sera remis en jeu après les élections européennes. Pourquoi Ursula von der Leyen n’a pas de réel adversaire malgré les nombreuses polémiques ?

Thibault Muzergues

Thibault Muzergues

Thibault Muzergues est un politologue européen, Directeur des programmes de l’International Republican Institute pour l’Europe et l’Euro-Med, auteur de La Quadrature des classes (2018, Marque belge) et Europe Champ de Bataille (2021, Le Bord de l'Eau). 

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Atlantico : Ursula von der Leyen est candidate pour la présidence de la Commission et souhaite briguer un nouveau mandat. Le sort d’Ursula von der Leyen sera-t-il lié aux résultats du PPE lors des élections européennes ? Les polémiques et les erreurs politiques vont-elles nuire à la candidature d’Ursula von der Leyen ?

Thibault Muzergues : Son sort est lié aux élections, mais seulement en partie – disons qu’une victoire (plus grand groupe parlementaire) du PPE, à ce jour très probable, est une condition sine qua non pour permettre à Von der Leyen d’être une candidate crédible à sa propre succession. Mais c’est le Conseil des chefs d’État et de gouvernement qui décidera du nom du (de la) Président(e) dans une négociation post-électorale qui s’annonce tendue, avant sa confirmation par un vote au Parlement européen. En d’autres termes, la victoire du PPE aux élections de juin n’est qu’une première marche dans un long parcours du combattant pour tout candidat à la présidence de la Commission.

À ce petit jeu, Ursula Von der Leyen a bien sûr l’atout d’être la sortante, et officiellement candidate à sa propre succession, face à des candidats d’autres partis soit mineurs, soit inexistants. Mais comme vous l’avez mentionné, elle est aussi – comme tout président sortant d’ailleurs – au coeur de polémiques qui vont nuire à sa campagne, surtout auprès du Conseil et du Parlement.

Quelles sont les principales sources de contestation touchant Ursula von der Leyen ?

Elles viennent généralement de la droite du PPE (y compris l’aile droite du parti), qui lui reproche sa politique volontariste sur les vaccins Covid (même si ces critiques ont surtout été entendues pendant la crise), mais surtout d’avoir fait trop de concessions à la gauche, notamment à cause de la sur-régulation de ces dernières années, et notamment le Green Deal, très idéologique et néfaste pour la croissance. Ursula von der Leyen en est venue à incarner une certaine « droite » merkelienne » centriste très complaisante vis-à-vis de la gauche, ce qui a permis à cette dernière de faire passer des réglementations très poussées (et éloignées des valeurs du PPE) pendant cette mandature. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement de son fait, dans la mesure où la coalition au pouvoir à Bruxelles ces dernières années penchait à gauche, du fait de l’apport des Verts et de la gauchisation progressive d’une partie des libéraux d’ALDE.

Pourquoi est-il si difficile de trouver une candidate à la présidence de la Commission qui serait moins contestée qu’Ursula von der Leyen ? Pourquoi Ursula von der Leyen n’a pas de réel adversaire ?

D’abord parce que von der Leyen est la candidate sortante, ce qui lui donne une légitimité que d’autres n’ont pas. Aussi parce que tous les partis à l’exception du PPE ne prennent pas le processus du Spitzenkandidat (ou candidat de chaque parti européen à la présidence de la Commission) très au sérieux. Les socialistes ont choisi Nicolas Schmitt un Commissaire européen luxembourgeois dénué de charisme pour les représenter. Quand aux Verts et aux Libéraux, ils se sont mis d’accord sur un duo homme-femmes (pour la parité, mais aussi peut-être parce qu’ils ne pouvaient pas se mettre d’accord sur un seul candidat ?) inconnus du grand public, même dans leur pays d’origine. Difficile pour eux d’exister face à une candidate connue – mais les vraies alternatives se décideront plus tard, pendant le Conseil post-élections européennes, pas avant.

La candidature d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne va-t-elle donner lieu à un jeu de pouvoir et à d’intenses négociations entre les États membres, certains ne souhaitant pas donner un blanc-seing à Ursula von der Leyen ? 

Quoi qu’il arrive, le Conseil post-élections des 27 et 28 juin va être très chaud, avec jeux de pouvoirs et chaises musicales pendant au moins 48 heures – ce n’est pas seulement le poste de von der Leyen qui est en jeu, mais aussi les principaux sièges des institutions permanentes, notamment la présidence de la BCE (aujourd’hui détenu par Christine Lagarde), celle du Conseil (détenue par Charles Michel qui ne se représentera pas), et également le poste de Haut-Représentant, ou diplomate en chef de l’Union européenne. 

Certains chefs de gouvernement, notamment Viktor Orbán, ont annoncé qu’ils s’opposeraient formellement à la reconduction d’Ursula von der Leyen, mais ce genre de posture est souvent utilisé pour obtenir quelque chose en échange – Orbán avait usé du même stratagème contre Jean-Claude Juncker en 2014, ce qui ne l’avait pas empêché d’être re-nommé par le Conseil et ré-élu par le Parlement. La tâche d’Ursula von der Leyen, néannmoins, s’annonce plus ardue : autant Juncker avait devant lui un Conseil et un Parlement plutôt stable en 2014 par rapport à 2009, autant von der Leyen va devoir convaincre un Conseil et un Parlement qui se sont fortement droitisés en 5 ans, et même une nomination au Conseil ne lui garantira pas une élection au Parlement – en 2019, elle avait été confirmé par un vote à 389 voix au-dessus de la majorité, d’où sa dépendance aux Verts et à la gauche, la droite ne l’ayant pas bien soutenu. Face à un Parlement qui sera probablement beaucoup plus à droite, la présidente sortante devra montrer sa capacité à mener une politique différente durant les cinq prochaines années.

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