Le piège du SMIC : ce que la hausse du salaire minimum a fait aux profs… et aux autres<!-- --> | Atlantico.fr
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Une enseignante dans sa salle de classe avec ses élèves.
Une enseignante dans sa salle de classe avec ses élèves.
©FRANK PERRY / AFP

Education nationale

Depuis 40 ans, la perte de pouvoir d'achat d'un professeur en début de carrière n'a cessé de s'accroître en parallèle à la hausse du SMIC.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Depuis 40 ans, quelle a été l’évolution des salaires des professeurs et de leur pouvoir d’achat ?

Alexandre Delaigue : On utilise souvent un graphique tiré des travaux de l’économiste Lucas Chancel pour illustrer ce phénomène :

Source : https://lucaschancel.com/enseignants/

Il montre l’évolution des salaires des enseignants débutants depuis 1980 jusqu’à aujourd’hui, en nombre de SMIC. Et cela passe de 2,2 à 1,2 sur l’ensemble de la période. C’est inteprrété comme un délcassement et une énorme perte de pouvoir d’achat. Cela est un peu à nuancer, car ce que montre surtout le graphique, c’est l’évolution du SMIC. A partir de 1970 et surtout des années 1980 jusqu’au milieu des années 2000, il y a eu une vraie politique salariale de coup de pouce au SMIC, avec des discussions chaque année sur la hausse souhaitable. Donc c’est plutôt le salaire minimum qui a augmenté que celui des profs qui a baissé. Et on le voit car le graphique montre moins de dégradation sur la décennie 2010, alors que cela a été une période très difficile pour les enseignants avec le gel du point d’indice qui entraînait, avec l’inflation, une baisse du pouvoir d’achat. Mais dans le même temps, le SMIC n’a progressé que peu. Il n’en reste pas moins que les salaires des profs ont plutôt stagné et que leur position dans l’échelle des salaires a eu tendance à se dégrader nettement. Cela commence à poser des problèmes : pour les recrutements, par manque d’attractivité, pour la difficulté à s’installer, en tant que jeune prof, dans certaines régions, mais aussi pour la difficulté à être chef de famille avec un salaire de professeur uniquement.

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Le choix d’augmenter le SMIC ainsi n’a-t-il pas eu des effets négatifs ? Et notamment un écrasement de l’échelle des salaires ?

Ce qui est clair, c’est qu’il y a aujourd’hui un écart très faible entre le salaire minimum et le salaire médian. Certains ont parlé de « smicardisation » de la classe moyenne, le terme n’est pas très heureux. Toujours est-il qu’on a un SMIC relativement important qui a fait que les gouvernements ont jugé nécessaire de multiples allègements des cotisations sociales pour compenser et limiter les effets négatifs sur l’emploi. Cela génère un coût significatif pour les finances publiques. Ensuite, cela crée aussi une trappe à bas salaires : une grande quantité des salaires français sont moyen-faibles, ce qui pose des problèmes d’attractivité. Certains postes sont difficiles à pourvoir parce qu’ils ne proposent pas beaucoup plus que le SMIC.

Le problème de cette analyse est le suivant : trouverait-on souhaitable d’avoir un SMIC très bas pour rendre les emplois plus attractifs en comparaison ? Donc l’équation n’est pas si simple.

Mais là où les hausses du SMIC ont vraiment posé problème, c’est dans l’emploi public. Les entreprises privées ont réussi à compenser ces problématiques avec des primes et autres, mais la fonction publique en souffre largement, et notamment son attractivité. La fonction publique hospitalière et l’enseignement sont particulièrement touchés.

Comment aurait-on pu éviter cette situation ?

Il y a plusieurs possibilités mais aucune n’est parfaite. La première serait d’avoir une politique du revenu différente de la politique salariale, dans la logique de ceux qui proposent un revenu universel notamment. C’est une idée qui marche bien en théorie, moins en pratique, car un vrai revenu universel serait extrêmement coûteux.

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Le SMIC, déjà, ne joue plus exactement le même rôle qu’auparavant. Les coups de pouce se sont arrêtés. On a créé un comité d’experts pour statuer sur le sujet, ce qui a mis fin aux coups de pouce, de facto. Mais de toute façon, le SMIC n’a jamais été un bon mécanisme pour faire une politique de revenu. Car si on veut corriger les difficultés de pouvoir d’achat, il faut certes une politique des revenus mais surtout un état productif. Un état où les services publics sont de bonne qualité. Malheureusement, c’est plus facile à dire qu’à faire. Le plein emploi serait aussi une meilleure idée que le salaire minimum. Il y a plein de pays où le salaire minimum ne joue pas le rôle qu’il a en France mais où le revenu est meilleur car il y a du plein emploi, ce qui force les employeurs à augmenter les salaires.

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