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Une vue du Parlement européen.
Une vue du Parlement européen.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Eurodéputées

L’élection du nouveau Parlement européen constitue un enjeu spécifique pour les femmes.

Pauline Gavrilov

Pauline Gavrilov

Pauline Gavrilov est ingénieur-conseil en SSII. Elle est membre du Parti socialiste. Elle anime le collectif Index Orion qui étudie un modèle d'économie alternative. Les membres du groupe sont principalement des scientifiques, des entrepreneurs et des personnalités du secteur privé.
Elle a été collaboratrice et membre du comité de rédaction de la Nouvelle alternative (1996-2006), revue pour les droits et les libertés démocratiques en Europe de l'Est, pour laquelle elle couvrait la Bulgarie. Pauline Gavrilov a également travaillé comme observateur électoral pour l'OSCE en Bulgarie, ainsi qu'en Bosnie, Russie et Kazakhstan. Elle a vécu en Bulgarie du temps du communisme dans son enfance et adolescence, puis dans la période démocratique.
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Le 9 juin 2024 auront lieu les élections européennes dans l’ensemble des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE). En cette journée du 8 mars, il est bon de rappeler que l’élection du nouveau Parlement européen constitue un enjeu spécifique pour les femmes, car elle offre la possibilité d’affaiblir le patriarcat, modèle toujours dominant dans l’UE. L’échelon européen est celui auquel les femmes doivent agir. Parce qu’elles y sont plus présentes que dans les institutions nationales, elles peuvent ainsi lutter plus efficacement contre les inégalités qui les frappent.

Un parlement européen dans lequel les femmes sont mieux représentées que dans les parlements nationaux

Pour les femmes, l’UE est bien le maillon fort. Depuis 2019 et au cours la mandature qui s’achèvera en juin 2024, les femmes n'auront jamais autant peuplé les bancs du Parlement européen : 41 % des sièges pour la période 2019-2024, 38,9 % post-Brexit. Lors des premières élections au suffrage universel de 1979, elles n’incarnaient que 16 % de l’hémicycle. En quarante ans, l’augmentation est de plus de 156 %. Aussi, d’élection en élection, le Parlement européen est-il devenu le temple des femmes, puisqu’il est plus féminisé que la plupart des Parlements nationaux. Parmi les vingt-sept Etats membres, seuls quatre Etats font exception à la règle, dont trois Etat de l’Europe du Nord : la Suède (46,4 %), la Finlande (45,5 %), et le Danemark (42,5 %) auxquels s’ajoute la Belgique (43,8 %). Selon Eurostat, l’Assemblée nationale française se situe plus de deux points en dessous de la moyenne de l’hémicycle européen, avec 36,6 % de députées françaises vs 38,9 % députées européennes. En revanche, parmi ses 79 députés européens, la France a envoyé 48,1 % de députées européennes françaises au Parlement européen. La parité est presque atteinte (38 sur 79).

Je connais bien les institutions européennes pour y avoir travaillé pendant quatre ans. J'ai pu y observer que l'on n'y coupait beaucoup moins facilement la parole aux femmes que dans les institutions françaises. Sans doute parce qu’elles y occupent plus souvent des postes de pouvoir. Parmi les sept groupes politiques de la mandature 2019-2024, quatre d’entre eux sont présidés par une femme dont Iratxe Garcia Pérez pour l’Alliance progressistes des socialistes et des démocrates. Les Verts/Alliance libre européenne et la Gauche au Parlement européen-GUE/NGL ont décidé d’une coprésidence paritaire : Philippe Lamberts et Terry Reintke pour les écologistes et Manon Aubry et Martin Schirdewan pour la gauche radicale. La Maltaise Roberta Metsola (Parti populaire européen/PPE) préside le Parlement européen, tandis que l’Allemande Ursula von der Leyen (PPE) préside la Commission européenne. Et le Parti socialiste européen de dépêcher un homme Nicolas Schmit comme tête de liste commune pour l’élection du juin 2024. Difficile de ne pas relever ce choix à gauche, alors que le Parti socialiste se dit féministe. Pendant ce temps, en France aucune femme n’a jamais été élue à la présidence de la République. Quel cruel paradoxe que celui du tragique scenario pour l’arc républicain, s’il advenait en 2027 par l’élection d’une femme à la présidence ! 

Le nombre fera la force pour briser le plafond de verre

En 2024 en France, le principe à travail égal, salaire égal n’est toujours pas appliqué, malgré les nombreuses directives européennes qui en établissent l’objectif. La persistance des inégalités de genre au travail se traduit tout particulièrement par la présence de la majorité des femmes actives dans dix catégories professionnelles : commerce, santé, éducation et services à la personne. Le surchômage féminin et la pratique du temps partiel (27 % des femmes) produisent in fine des écarts considérables avec les hommes sur les pensions de retraites (40 % d’écart en moyenne). Les 3,75 % de femmes à la tête des entreprises du CAC 40 au 1er janvier 2022 disent à eux-seuls l’ampleur du plafond de verre. Les explications données sont d’une part les résistances des acteurs en l’absence de véritables sanctions qui se traduisent par une forme de tolérance aux inégalités de genre, d’autre part le poids des stéréotypes de genre, développés ou reproduits, la plupart du temps inconsciemment et qui sont à la source de discriminations indirectes : aversion des femmes pour le pouvoir, pour le risque, lien entre présence des femmes et performance au travail, dévolution aux tâches domestiques. Fort heureusement, depuis novembre 2022, une directive européenne édicte le quota de 40 % de femmes à instaurer dans les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse d’ici à juillet 2026.

Et que dire de la place des femmes dans la science ? Excepté Marie Curie, aucune autre n’aurait-elle voix au chapitre ? Comment comprendre les 12 % de femmes désignées parmi les experts du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) lors de la création ? Ici encore, le quota de 40 % de femmes dans les comités d’évaluation scientifique est préconisé. Et l’initiative européenne Femmes et sciences est là encore pour le soutenir. Comme l’avait énoncé Elisabeth Dubois-Violette, ancienne Présidente du conseil scientifique du CNRS, lors du café politique sur les déterminants de l’inégalité entre les femmes et les hommes que j’avais organisé, l’indicateur statistique d’avantage masculin mesure l’ampleur du plafond de verre. Celui-ci rapporte la part des dirigeants hommes dans la population masculine de l’ensemble considéré (total des salariés d’une entreprise ou des agents d’une administration) sur la part des dirigeants femmes de la population féminine du même ensemble. Il quantifie la difficulté de promotion des femmes par rapport aux hommes.

Dans sa Stratégie 2020-2025 en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, la Commission européenne a dit son objectif d’édifier une société européenne à laquelle les femmes et les hommes participeraient de façon égale, une société européenne que les femmes et les hommes dirigeraient de façon égale. Changer le modèle de l’entreprise masculine dont les limites ont été pointées par de nombreuses études s’oblige au regard des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. L’efficacité démocratique, quant à elle, devra s’abstraire du rôle subalterne que les femmes occupent encore trop souvent dans notre imaginaire collectif, car comme tout un chacun l’aura remarqué, les dictateurs sont tous des hommes.

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