Fatima Ouassak et le paternalisme de Libération (Partie 2)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le parti-pris de Libération, qui vise à taire le racisme et l’identitarisme « religieux » de Fatima Ouassak pour la présenter en militante « antiraciste et féministe », s’inscrit dans la ligne du journal.
Le parti-pris de Libération, qui vise à taire le racisme et l’identitarisme « religieux » de Fatima Ouassak pour la présenter en militante « antiraciste et féministe », s’inscrit dans la ligne du journal.
©FRED DUFOUR / AFP

Racisme pirate

Le portrait de la militante de Bagnolet s’inscrit dans une ligne éditoriale du quotidien marquée par une allergie grandissante à la laïcité universaliste.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

Voir la bio »

Retrouvez la première partie de la tribune de Naëm Bestandji ici.

Le parti-pris de Libération, qui vise à taire le racisme et l’identitarisme « religieux » de Fatima Ouassak pour la présenter en militante « antiraciste et féministe », s’inscrit dans la ligne du journal. Si des articles abordent l’universalisme et la laïcité sans adjectif, Libération met davantage en avant les racialistes et des islamistes, tous présentés comme des « antiracistes » et de simples musulmans victimes d’une société intolérante.

Le premier journal de gauche français, soutien de l’extrême droite musulmane ?

Pour exemple, Fatima Ouassak était un soutien indéfectible du CCIF… Libération aussi. En dépit du fait que le CCIF était, idéologiquement, la branche juridique des Frères musulmans en France, le fleuron français de l’extrême droite musulmane. Libération a multiplié les articles positifs pendant des années, sans jamais avoir réellement enquêté. Pourtant, là encore, les sources et articles ne manquent pas. Les miens alertent depuis 2016. Non seulement Libération a décidé de les ignorer, mais, pire encore, sa rubrique « Checknews » a fait le choix de travestir la réalité pour défendre Marwan Muhammad, l’ex directeur du CCIF. En effet, le 26 novembre 2020, en pleine tourmente du CCIF sur le point d’être dissout, « Checknews » publie un article qui prétend avoir retrouvé, vérifié et resitué des propos du CCIF dénoncés par Richard Malka. Des propos identitaires et ultra victimaires qui, comme ceux de Fatima Ouassak, dressent le tableau d’une France qui persécuterait les musulmans, où « on viole des femmes le jour de l’Aïd ». Des musulmans fiers de ne pas « se soumettre au mode de vie tel qu’il est pratiqué ici », c’est-à-dire en France. Selon Marwan Muhammad, et avec l’acquiescement de Libération, ses propos filmés auraient été exhumés par l’extrême droite.

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L’islam pour les (très, très) nuls ou comment le P'tit Libé s’est fait le relais de la propagande islamiste

Le problème est que CheckNews n'a pas vraiment contextualisé les déclarations du CCIF. De plus, Libération ne dit pas que la plupart des citations de l’association islamiste reprises par Richard Malka ont été extraites de mes écrits. En effet, c’est moi qui ai exhumé la vidéo, contextualisé et analysé ces propos dans une série d’articles entre octobre 2016 et avril 2017. Libération laisse donc croire que c'est le journal qui a fait tout le travail de vérification, pour un travail et des révélations que j'avais faits 4 ans auparavant. Pire encore, le journal n’a procédé à aucune analyse des propos tenus. Cela aurait trop mis en difficulté le CCIF… Il s’est juste contenté de donner la parole à… Marwan Muhammad, sans contradiction. Ce 26 novembre 2020, j’interpelle CheckNews sur Twitter pour signaler que son « check » est biaisé et lui rappeler que je suis bien à l’origine de l’exhumation de ces déclarations, pas l’extrême droite. Cela a-t-il été corrigé ? Non. Libération a carrément préféré supprimer l’article. Cela ne collait plus à son narratif qui préfère attribuer à l’extrême droite nationaliste la dénonciation d’une association « antiraciste ».

L’appel à la « manifestation de la honte » publié par Libération

Libération a souvent servi de marchepied à l'islamisme politique. L’apothéose fut la publication dans ses colonnes, le 1er novembre 2019, d’un appel à manifester « pour dire STOP à l’islamophobie ». Cette manifestation avait été coorganisée par des islamistes pour exprimer leur rejet du blasphème, de toute atteinte à l’islam et à l’islamisme en les faisant passer pour des attaques contre « les musulmans » et du racisme. Une religion est racialisée par des islamistes, et Libération publie leur appel. Cette manifestation du 10 novembre 2019, aujourd’hui dénommée « manifestation de la honte », fut la plus grande manifestation islamiste jamais organisée en France. Cela fut rendu possible grâce à Libération (mais aussi Médiapart) ainsi que des partis politiques et syndicats de gauche.

Le « P’tit Libé » inspiré par la communication islamiste

Libération n’oublie pas les enfants. « P’tit Libé » leur est destiné. En octobre 2019, le numéro 125 du « P’tit Libé » a pour titre « le racisme envers les musulmans en France ». Au-delà de racialiser à son tour l’islam (et donc d’assigner biologiquement les musulmans à leur religion, de plus à la frange extrémiste, rejetant ainsi leur liberté de conscience), « P’tit Libé » cible les enfants de la même manière que le fait parfois la propagande islamiste. Et pour cela, il s'est rapproché de la même association réactionnaire qui promeut une version extrémiste de l'islam : le CCIF. Le « P’tit Libé » en reprend alors tous les codes. Il recueille même le témoignage d’une militante voilée de l’association, présentée comme une musulmane lambda victime de l’intolérance de notre société. La banalisation du sexisme du voile par le « P’tit Libé » l’amène à ne montrer que des musulmanes voilées (signifiant ainsi que toutes les musulmanes seraient, ou devraient être, voilées), y compris ce qui semble être une enfant (puisque le journal s'adresse aux enfants). Il adopte ainsi le code visuel des sites islamistes.

Ainsi, promouvoir Fatima Ouassak s’inscrit dans l’approche orientaliste et paternaliste de Libération concernant les musulmans et les quartiers populaires. Si l’article ne rappelle pas le pedigree de la militante, il exprime quand même une petite réserve : concernant la laïcité, le raisonnement de Fatima Ouassak « revient à interpréter la loi de 1905 avec un prisme réducteur ». La critique reste légère. Il ne faut surtout pas froisser la « victime ».

Libération et son approche orientaliste et paternaliste des quartiers populaires

Le problème n'est pas seulement que Libération fasse la promotion d’une raciste « victime des blancs ». Le problème est aussi son manque d'objectivité pour dresser en combattante positive de gauche une militante aux opinions conservatrices, identitaires et racistes qui n'ont rien à envier à celles de l'extrême droite nationaliste. Enfin, le problème est également l'absence, ou du moins un nombre largement inférieur, d'articles consacrés à d'autres militants de gauche des quartiers populaires, à l'approche différente. Fatima Ouassak ne représente pas les quartiers populaires. Elle en représente une partie, certes, mais pas les quartiers dans leur ensemble. Il est dangereux de véhiculer, comme le fait Libération, cette image stéréotypée, orientaliste et uniforme des quartiers populaires. Fatima Ouassak fait certains constats que je partage. Certains phénomènes qu'elle décrit, je les ai aussi décrits parce que je les ai aussi vécus. Mais le chemin qu'elle emprunte et les solutions qu'elle propose sont dangereux pour les quartiers populaires et au-delà pour l’unité nationale et la République. Sa ligne revancharde aux inspirations qui ressemblent tant à celles de l'extrême droite nationaliste, avec la stratégie victimaire en plus, est vécue comme un danger ou, au mieux, comme une gêne, par nombre d'habitants des quartiers populaires. Nous ne sommes pas tous racistes et ne jouons pas de la victimisation pour faire passer des idéaux totalitaires et rétrogrades pour de l'antiracisme ou du féminisme. Nous sommes nombreux et nombreuses à ne pas nous reconnaître dans les idées et les propos de cette « féministe » qui défend le sexisme du voilement des femmes. Nous sommes nombreux et nombreuses, d'origine maghrébine ou d'Afrique subsaharienne, à ne pas faire de l'islam l'alpha et l'oméga de notre identité, à considérer que le voile n'est pas une prescription religieuse mais un héritage culturel sexiste et patriarcal. Nous sommes nombreux et nombreuses à être en colère contre cette frange de la gauche qui a décidé de trahir ses valeurs pour caresser l'islamisme dans le sens du voile. Nous sommes nombreux et nombreuses à ne pas vouloir rejouer les guerres coloniales, à nous sentir profondément laïques et républicains, à avoir conscience que l'universalisme et la laïcité sont nos atouts, même si, dans son histoire, la France n’a pas toujours été à la hauteur de ces idéaux, et encore aujourd’hui. La ghettoïsation géographique, ethnique, culturelle et sociale des quartiers populaires n’a pas pour cause l’universalisme mais sa non-application. Fatima Ouassak, l'ultra identitaire réactionnaire qui, haine et racisme en bandoulière, pointe les « Blancs », stigmatise violemment les musulmans progressistes, dresse « nos enfants » contre la République et traite ses opposants de « clochards », n’est pas une « femme inspirante » pour les quartiers populaires. Elle ne représente pas une solution. Elle représente un symptôme du mal qui ronge nos quartiers. De cela, Libération n'en dira rien.

Retrouvez la première partie de la tribune de Naëm Bestandji ici.

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