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Eléments de langage pour soirée électorale : Jacques Séguéla, "Les petites phrases ne marchent que quand elles sont au service d'un vrai message".
Eléments de langage pour soirée électorale : Jacques Séguéla, "Les petites phrases ne marchent que quand elles sont au service d'un vrai message".
©Capture écran

Com' politique

Ce dimanche a lieu le second tour de la primaire socialiste, l'occasion pour la majorité présidentielle d'affûter ses éléments de langage. Explications de Jacques Séguéla, ancien stratège en communication politique pour François Mitterrand et Lionel Jospin, quant au bon usage de ces "petites phrases" qui peuvent faire mouche.

Jacques Séguéla

Jacques Séguéla

Jacques Séguéla est un publicitaire, cofondateur de l'agence de communication RSCG en 1970 (absorbée par le Groupe Havas en 1996). 

Il s'est impliqué dans la communication de nombreuses personnalités politiques.

Il a récemment publié Le pouvoir dans la peau, Plon, 2011.

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Atlantico : Aujourd'hui a lieu le second tour de la primaire socialiste, à gauche comme à droite, on prépare l'occasion en concoctant de savoureuses "petites phrases". Pourriez-vous nous expliquer ce que sont les éléments de langage ?

Jacques Séguéla : les éléments de langage sont des petites phrases préparées à l'avance par l'entourage d'un homme politique ou par les communicants pour servir soit de répartie, soit de point d'ancrage dans un débat.

Dans le cas de François Mitterrand, je n'étais pas le seul à lui fournir des éléments de langage, il y avait Jacques Attali, Laurent Fabius et d'autres qui faisaient passer des petites notes avec des suggestions. Mitterrand retournait alors ses poches, et faisait le tri de tous les petits mots qu'il avait reçus. Aujourd'hui, les choses se sont un peu professionnalisées, et il y a désormais dans l'entourage des candidats, un récolteur d’éléments de langage qui est plus souvent d'ailleurs un homme du parti qu'un communicant.

Les communicants participent à l'élaboration, puisque c'est leur métier de formuler, mais c'est l'homme politique qui a le dernier mot, et c'est très bien ainsi.



Comment sont préparés ces éléments de langage ?

En ce moment, c'est Jean-François Copé le premier qui lance les éléments de langage, la formule qui fait mal. Quand il y a deux scenarii possibles, il y a deux fiches, la fiche échec et la fiche réussite. Au moment où l'information tombe, les hommes politiques sortent la bonne fiche et diffusent les éléments de langage.

Mais il ne faut pas croire que ce sont les éléments de langage qui font la communication. Ce qui fait la communication politique, ce sont les idées énoncées par les uns ou par les autres. Les petites phrases ne marchent que quand elles sont au service d'un vrai message. C'est le principe du slogan.

La communication politique d'aujourd'hui est moins éclatée, avant chacun agissait en ordre dispersé, chacun disait son mot... Les hommes politiques ont désormais amélioré leur communication. Aujourd'hui c'est l'organisme central qui parle, soit le parti qui oriente les éléments de langage de la journée, pour créer la répétition. Ainsi, ils essaient de transformer leur message en un message publicitaire : la répétition, c'est l'intégration.

Cette répétition ne jette-t-elle pas le discrédit sur les politiques ?

Non, il est avant tout question de faire passer un message. L'union fait la force, et le message ne peut donc être isolé, sinon il n'est pas entendu. Si le message ne se résume qu'à quelques mots, c'est parce que le monde actuel est un monde « très court, très long », où il est possible d'obtenir 30 secondes d'antenne à la télévision ou à la radio, mais aussi l'opposé. L'exemple des débats des primaires socialistes le démontrent. Ils ont bénéficié de plus de huit heures de télévision sans contradicteurs réels. Une page de pub hors norme, et il est normal que la droite s'en morde les doigts.

Tant mieux pour la gauche, et tant pis pour la droite si elle n'a pas pu bénéficié d'un contre débat. Cela était pourtant imaginable dans le cadre d'un débat de société, où elle aurait pu exposer ses idées, puisque la gauche a posé les siennes.

Ensuite, pour en revenir à l'importance des éléments de langage, il faut souligner les deux phases d'un processus communicationnel en politique, l'attaque et la contre-attaque. Quand Martine Aubry qualifie François Hollande de « gauche molle », il perd du poids dans le débat puisqu'il n'avait pas préparé son élément de langage. Une faute de communication, car il savait que Martine Aubry attaquerait, serait agressive, et que le premier reproche qu'elle lui adresserait serait celui-ci. Elle a fait très mal. François Hollande n'a d'ailleurs pas tardé à rectifier le tir.

Mais la politique ne peut se résumer à cela, ce n'est simplement qu'un de ses nombreux aspects, et le public n'est pas dupe. Il prend les éléments de langage pour ce qu'ils sont. Reste que pour des dizaines de coup tirés en l'air et qui ne servent à rien, certains coups portés sont décisifs. Quand un élément de langage est vrai, il ne peut être contesté. La « gauche molle », François Hollande l'a incarnée, il n'a pas assez durcit son discours, et a fini par perdre des voix au premier tour de la primaire socialiste.

Comment expliquez-vous historiquement la percée des éléments de langage ?

Dans les années 81, l'on était dans les années « pub », et c'est ce qui fait qu'un slogan comme « la France tranquille » a été aussi percutant. Tout un chacun était séduit par la publicité et son pouvoir de persuasion.

Aujourd'hui, la communication n'est qu'un moyen de plus. S'en priver, c'est toutefois une faute professionnelle, car c'est laisser son adversaire en possession d'armes dont on ne disposera pas. Et ce, même si ce qui compte ce sont les idées, le fond, et non la forme. Ensuite, il y a eu la révolution du net qui fait de l'électeur un acteur. Ce dernier prend son destin en main, se fait sa propre idée en parcourant la toile, et enfin se positionne idéologiquement.

La campagne électorale de Barack Obama en est le meilleur exemple, puisque 8,5 millions de militants ont donné 10 dollars pour s'inscrire dans son parti, et sont finalement devenus les prosélytes de sa campagne de communication, de véritables VRP investissant la toile Web.

En France, il semblerait que cela n'ait pas été intégré par les partis, car le net reste encore en retrait dans les campagnes électorales.

Enfin, la télévision continue - encore et toujours - de faire une élection, même si le net peut la défaire. Reste que ce dernier est trop éclaté, trop dirigé, et la presse n'a pas le pouvoir de la télévision puisqu'elle n'a pas l'image. La télévision règne donc en maître.

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