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Et maintenant voilà le droit de ne pas être culpabilisé ? Le Conseil d'Etat censure une vidéo d'enfants atteints du syndrome de Down ET heureux
©Reuters

Avortement

Cette censure du Conseil d'Etat, en date du 10 novembre, témoigne de la pression qui s'exerce sur la liberté d'expression en France dès lors qu'elle déplaît au politiquement correct.

Béatrice Stella

Béatrice Stella

Béatrice Stella est cofondatrice et initiatrice de l’association Paroles de Catholiques.

Elle est également cofondatrice de l’Union des Familles en Europe et ancienne présidente de l’association.

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Deux actualités récentes soulèvent la question du déni de liberté d’expression. Toutes les deux traitent du droit à l’IVG. Ce n’est pas un hasard. Derrière ces sujets, se cache difficilement un changement de morale, un totalitarisme de la pensée du Nouveau Camp du Bien.

Une société totalitaire. Un combat pour s’en libérer : c’est l’acte de naissance de la "liberté d’expression". C’est ainsi que l’évoquait Voltaire : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire”.  Nous devrions être vigilants, le totalitarisme s’invite en France.

Première actualité : le Conseil d’Etat vient de rendre son verdict. Il approuve la censure exercée par le CSA  sur le clip "Chère future maman". En 2014, les chaines de télévision TF1, M6, Canal+ et D8 avaient diffusé ce clip qui montrait des personnes trisomiques témoignant qu’elles sont aptes à être heureuses et à rendre heureux leur entourage. Il faut savoir qu’en France, 94 % de ceux qui sont diagnostiqués porteurs de trisomie in utero, en France, sont avortés. Les arguments qui, nous dit-on, justifient cette censure sont les suivants :

- il est inapproprié de parler de cela, car cela peut générer chez certaines personnes un manque d’adhésion au message véhiculé;

- l’expression de personnes trisomiques devrait se faire dans le cadre d’émissions spécifiques et de façon "encadrée";

- le message n’est pas d’intérêt général.

Bien sûr, tout un chacun peut facilement trouver un argument contraire en face de ces pauvres raisons : plein de messages véhiculés par la télévision contredisent quotidiennement bien des sensibilités, ce n’est pas nouveau, quelle censure acceptable pourrait-on appliquer pour aller contre ça ? Et puis pourquoi une personne trisomique devrait ne s’exprimer que dans le cadre d’émissions spécifiques ? Pourquoi pas aussi les footballeurs, les reines de beauté, les politiciens ou les roux pendant qu’on y est ? Quant à l’intérêt général, on sait bien que ce n’est pas ce qui caractérise l’intégralité exhaustive des diffusions cathodiques...

Deuxième actualité : le vote en première lecture à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à pénaliser les sites internet de "désinformation" sur l’IVG. "Ces sites n’ont pas droit à la liberté d’expression, car la liberté d’expression ne peut se confondre avec la manipulation des esprits", explique la ministre Laurence Rossignol.

Là aussi, on aurait tendance à se dire : revoyez un peu vos arguments, ils sont trop faciles à contrer. Quand on nous dit qu’en mangeant 5 fruits ou légumes par jour, on sera en pleine forme, c’est pas de la manipulation ça ? Parce que le message n’est pas complet, s’il l’était, on nous dirait qu’il faut manger aussi plein d’autres choses qui nous apportent d’autres vitamines ou nutriments indispensables – mais attention, pas d’excès ! – qu’il  faut aussi faire du sport, et puis il ne faut pas fumer, et aussi regarder où on marche au cas où on glisserait sur une peau de banane … Bref, tout message télévisuel de ce type est forcément elliptique et peut être qualifié de manipulateur. Trop simpliste.

En réalité, ce qu’on voulait nous dire, c’est qu’en parlant de syndrome post-avortement, les sites en question cherchent à tromper les femmes, parce qu’il paraît que ça n’existe pas. Quantité d’autorités médicales mondialement reconnues ont fait des observations et études sur le sujet, mais apparemment ça ne compte pas. Ces braves gens travaillent sur quelque chose qui n’existe pas, que voulez-vous qu’on vous dise ? Des idiots sans doute. Qui manipule l’autre ? C’est le serpent qui se mord la queue.

Liberté d’expression, c’est une espèce de formule qui ne veut plus rien dire. On la brandit quand ça nous arrange, et on la piétine quand ça nous arrange.

Le fond de l’histoire, c’est la morale qu’on a envie d’imposer.

Ce qu’on reproche à l’un ou l’autre des deux sujets de l’actualité, c’est de vouloir discuter d’un tabou qui pèse lourdement sur la société française, celui de l’IVG. On a bien vu que c’était un épouvantail agité sans état d’âme par les politiques pour dire : attention les réactionnaires sont de retour, parfois sous la forme d’un crypto-réactionnaire, méfiez-vous !

Pourquoi est-ce que c’est un tabou ? Parce qu’on aimerait bien que l’IVG soit aussi simple à faire qu’une réduction mammaire (oh pardon, en fait, mauvais exemple, pour une réduction mammaire, on doit observer un délai de réflexion, ce qui n’est plus le cas de l’IVG)…

Le petit film des personnes trisomiques, s’il ne s’était pas intitulé "Chère future maman", aurait peut-être été toléré, nous dit-on, si par exemple il s’était intitulé "Chers futurs parents" car là, on aurait eu la stigmatisation de la femme en moins dans le problème qu’il pose. Allons, honnêtement, il faut dire que cela n’aurait pas suffi pour plein de gens. L’important est que l’IVG ne puisse jamais être considéré comme un choix négatif de quelque façon que ce soit. C’est ça, la position du Nouveau Camp du Bien. Et elle sera assénée de gré ou de force, sans laisser à celui qui ne la partage pas la moindre possibilité de n’émettre ne serait-ce qu’une réserve. Cet acharnement à museler toute nuance révèle en fait une grosse faiblesse : si les choses étaient à ce point évidentes sur cette question, laisser parler librement ne devrait pas faire bouger beaucoup les lignes. Pourquoi ne veut-on pas prendre le risque d’une contradiction, si minime soit-elle ? Parce qu’on a peur qu’une petite brèche fasse écrouler le mur entier. Un aveu de faiblesse, voilà ce que cela indique.

Cela indique aussi une vision particulière du public. Le public est, par définition, dans cette hypothèse, une personne stupide, incapable de raisonnement, facilement impressionnable. Quelqu’un qui doit recevoir des messages simplistes pour ne pas trop l’embrouiller. Un aveu de mépris du public, voilà aussi ce que cela indique. Et la perspective d’une télé ne diffusant plus que Oui-Oui, pour être sûre de ne pas aller trop loin dans le conditionnement du public.

Pourquoi en arriver là ? Pourquoi la France, qui fait la morale au monde entier sur les "droits de l’homme", veut-elle à tout prix censurer le débat ? Elle se tire une balle dans le pied en avouant qu’elle en a peur. Le Washington Post s’en émeut, et même jusqu’au Wall Street Journal. Il faut dire aussi, que sous la même gouvernance, on arrive à obtenir de museler avec la dernière énergie les sites internet sur l’avortement, mais pas ceux qui diffusent la propagande terroriste, cherchez l’erreur…

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