Derrière le naufrage financier de Paris, l’implosion de la promesse macronienne à laquelle avaient le plus adhéré les Français en 2017
L’augmentation de la taxe foncière à Paris met certes en lumière la gestion catastrophique des finances de la capitale par Anne Hidalgo mais souligne aussi les conséquences toxiques de la suppression de la taxe d’habitation.
Atlantico : Dans quelle mesure l'augmentation de la taxe foncière à Paris met-elle en lumière la mauvaise gestion des finances de la capitale par Anne Hidalgo ?
Sébastien Laye : Il y a deux composantes dans cette augmentation, qu'il convient de distinguer: la première est exogène à la politique de Mme Hidalgo, et non discrétionnaire. La revalorisation du point d'indice des fonctionnaires par le gouvernement, généreuse en période d'inflation, l'envolée des prix de l'énergie, entraînent une hausse inattendue de 4,1% des dépenses de fonctionnement. Mais la seconde composante provient des errances de gestion, pointées depuis des années par la Chambre régionale des Comptes d'IdF; dans ce contexte, loin de contraindre les dépenses, Mme Hidalgo maintient un budget conséquent d'investissements (1,65 milliards en 2022, essentiellement non financés) alors que la dette est à un sommet de 7,2 milliards. La mairie blâme la hausse des dépenses de péréquation au profit des autres collectivités moins riches et le contexte inflationniste mais elle n'a pas commencé un travail sérieux de rationalisation de ses dépenses.La collectivité parisienne emploie toujours 50 000 agents, sans aucun effort de gestion substantielle ces dernières années. En relevant fortement le taux de la taxe foncière, elle s'assure d'une rentrée supplémentaire de 586 millions, et pourra continuer à ne pas se poser les bonnes questions budgétaires...
Pour autant, cette augmentation, constatée également dans d’autres villes, n'était-elle pas prévisible après la mise en place de la suppression de la taxe d’habitation ?
Elle se tourne donc vers la vache à lait des grandes métropoles, l'immobilier: et il est d'autant plus aisé de manipuler la taxe foncière, que et ceteris paribus, elle augmente cette année aussi dans les autres grandes villes, même en cas de stabilité des taux. En effet, les règles d'indexation des bases locatives suivent des indices de prix fortement impactés par l'énergie: ainsi, de facto, la revalorisation des bases locatives va au-delà de l'inflation. Dans un contexte où la taxe foncière augmente ainsi de partout, Mme Hidalgo peut en rajouter en augmentant le taux sans que les 33% de propriétaires parisiens ne crient au scandale...par ailleurs, elle prévoit aussi d'augmenter dans les mêmes proportions le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Le problème général de l'augmentation de la taxe foncière, sur des bases de valeurs locatives obsolètes, est en effet dû à la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Les mairies sont tentées de compenser ses recettes en jouant sur la taxe foncière. Mais dans le cas parisien, celà va bien au-delà et cette tectonique des plaques fiscales est d'abord motivée par un budget qui croule sous les dépenses de fonctionnement et de personnel.
Cette mesure, parmi les plus populaires proposées par Emmanuel Macron en 2017, n'était-elle qu’un bon coup politique ? A-t-on trop sous-estimé les conséquences politiques et financières toxiques d’une telle décision ? Dans quelle mesure cela a-t-il enlevé de la marge de manœuvre aux collectivités territoriales ? Et rompu le lien entre ces dernières et leurs administrés ?
Pour vous répondre, je repartirais d'un autre impôt immobilier, le principal, les droits de mutation à titre onéreux ou DMTO, ce qu'on appelle communément improprement les droits de notaire. Paris va devoir ajuster son budget au delà car cette manne financière est en train de se tarir: le marché immobilier des transactions, qui a porté les folies de Mme Hidalgo, est en train de se retourner. A l'échelle du pays nous allons connaître le même problème. La vision de Macron en 2017 était que l'immobilier, l'IFI, la rente immobilière, pouvait financer ses réformes et même ce cadeau un peu démagogique sur la taxe d'habitation. Mais ce qui était vrai en 2018-2022 ne l'est déjà plus. La fin de la taxe d'habitation va donc s'accompagner d'une hausse des taux et bases de la taxe foncière, et demain je le crains, des DMTOs. L'erreur fut de considérer la vache à lait immobilière comme éternelle.....
Dans quelle mesure cette suppression de la taxe d’habitation a-t-elle aussi limité les incitations aux nouvelles constructions, alors même que celles-ci manquent ?
Les mairies avaient tendance à prendre en compte la génération de nouvelles recettes fiscales en attribuant des permis de construction. A partir du moment où on leur a enlevé cette recette, au profit d'une compensation hasardeuse de l'Etat, il ne faut pas s'attendre à la même réactivité de leur part. Il est plus rationnel pour eux d'aller directement chercher des financements supplémentaires pour leurs investissements en augmentant le taux de la taxe foncière, ou en profitant de l'augmentation de la valeur des bases. Le prochain enjeu pour les maires est d'ailleurs la mise à jour générale en France des bases locatives, parfaitement désuètes, et utilisées pour le calcul de la taxe foncière.
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