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Défaire l'administration fiscale de la tutelle des politiques permettrait de lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale
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Indépendance

Tant que ceux qui devront les appliquer seront commandés par des hommes politiques, de nouvelles lois ne suffiront pas pour éradiquer la fraude fiscale.

Ahmed Henni

Ahmed Henni

Ahmed Henni est professeur d’université, ancien directeur général d’administration fiscale. Son dernier ouvrage paru est Le capitalisme de rente: De la société du travail industriel à la société des rentiers (L’Harmattan, 2012).

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Dans son dernier rapport annuel, la Direction générale des finances publiques nous apprend qu’en  quatre ans (2008-2011) pas moins de 25 mesures législatives  anti-fraude ont été prises et 36 conventions d’assistance administrative signées avec les Etats jusque-là non-coopératifs, ce qui a permis l’envoi de plus de 300 demandes de renseignements à 19 de ces États.

De nouveaux droits et outils ont été mis en place : auprès des banques installées en France, droit de communication sur les opérations de  transferts de fonds réalisées à l’étranger, mise en place du  fichier EVAFISC,  centralisant « les informations laissant présumer la détention  de comptes bancaires hors de France par des particuliers ou  des entreprises »,  création d’une  «police fiscale» (décret du 4 novembre 2010) rattachée au ministère de l’Intérieur (qui dispose déjà d’une Division nationale d’investigations  financières  et  fiscales  au sein de la Direction centrale de la Police Judiciaire). Les agents du fisc peuvent, par ce biais, bénéficier des prérogatives  de police judiciaire (79 avis favorables à l’engagement de poursuites correctionnelles rendus en quatre ans).

Il existe aussi une Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) où s’échangent des informations entre les représentants du fisc, des  douanes et des organismes sociaux.  En 2011, le fisc et la douane ont signé un protocole de coopération créant au niveau central des « instances de pilotage » conjointes de lutte contre la fraude.

Au niveau international, le rapport nous apprend que la Direction générale « préside deux réseaux du Forum mondial des  administrations fiscales de l’OCDE. L’un est consacré à la  lutte contre les comptes offshore non déclarés (30 pays participants), l’autre à la gestion et au contrôle des personnes  physiques fortunées (20 pays) ».

En support, des services informatiques qui emploient plus 5 000 agents et « assurent le maintien  en conditions opérationnelles de 280 applications ».

Bref, un appareil fiscal qu’envieraient bien des pays et reconnu pour son efficacité et, dans l’ensemble, l’intégrité de ses fonctionnaires.

Comment, dans ces conditions, une affaire Cahuzac est-elle possible ? Les raisons en sont politiques, liées aussi bien à la gestion politique des nominations ministérielles qu’à la subordination politique des directeurs d’administration aux ministres.

Ne devrait-on pas autonomiser l'administration fiscale, celle chargée d'établir l'impôt ? La confier à des techniciens comme la justice est confiée à des juges indépendants ? Ceux-ci semblent, en général, bien appliquer la loi. Leur indépendance ne leur donne pas pour autant une omnipotence absolue.  Leurs jugements peuvent être revus (en appel) et même cassés. Une administration fiscale indépendante se verrait donc contenue par des contre-pouvoirs similaires. Elle l’est d'ailleurs déjà. Des procédures de contentieux existent, internes et externes. L’appel est possible devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat joue le rôle de Cour de cassation en matière fiscale.

Or, au lieu de donner plus d’autonomie à l’administration fiscale, le gouvernement de M. Fillon a, par un décret du 3 avril 2008, accru sa subordination en l’intégrant dans une vaste Direction générale des finances publiques. Le pouvoir politique contrôle ainsi par une seule nomination deux directions autrefois séparées (les impôts et la comptabilité publique – les dépenses budgétaires).

De nombreux spécialistes estiment aujourd’hui  que le temps est venu de séparer le fisc du pouvoir politique et invoquent le modèle de l’Agence, comme cela se fait par exemple en Espagne.

Une telle structure, qui ne traiterait que de la matière fiscale, ne devrait plus, par contre, s'occuper d'élaborer la loi fiscale, qui resterait du ressort du politique et des élus.

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